The Project Gutenberg EBook of Le Comte Ory by Eugene Scribe et Delestre-Poirson (Charles-Gaspard) Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check the copyright laws for your country before downloading or redistributing this or any other Project Gutenberg eBook. This header should be the first thing seen when viewing this Project Gutenberg file. Please do not remove it. Do not change or edit the header without written permission. Please read the "legal small print," and other information about the eBook and Project Gutenberg at the bottom of this file. Included is important information about your specific rights and restrictions in how the file may be used. 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ROSSINI PERSONNAGES LE COMTE ORY, seigneur chatelain. LE GOUVERNEUR du comte Ory. ISOLIER, page du comte Ory. RAIMBAUD, chevalier, compagnon de folies du comte Ory. CHEVALIERS, amis du comte Ory. LA COMTESSE DE FORMOUTIERS. RAGONDE, touriere du chateau de Formoutiers. ALICE, jeune paysanne. CHEVALIERS CROISES. CHEVALIERS de la suite du comte Ory. ECUYERS. PAYSANS, PAYSANNES. DAMES D'HONNEUR de la Comtesse. _La scene de passe a Formoutiers, en Touraine._ ACTE PREMIER. _Un paysage. Dans le fond, a gauche du spectateur, le chateau de Formoutiers, dont le pont-levis est praticable. A droite, bosquets a travers lesquels on apercoit l'entree d'un ermitage._ SCENE PREMIERE. RAIMBAUD, ALICE, PAYSANS ET PAYSANNES, _occupes a dresser un berceau de feuillage et de fleurs._ RAIMBAUD. Allons, allons, allons vite! Songez que le bon ermite Va paraitre dans ces lieux. Qu'en rentrant a l'ermitage, Il recoive a son passage Nos offrandes et nos voeux. PAYSANS. Aurai-je par sa science Le Savoir et l'opulence? JEUNES FILLES. Aurons-nous par sa science Les maris Qu'il nous a promis? RAIMBAUD, _cachant sous sou manteau son habit de chevalier._ Vous aurez tout, croyez en ma prudence; Car j'ai l'honneur de le servir. Vous riez... Lorsqu'ici l'on rit de ma puissance, C'est le ciel que l'on offense. Hatez-vous de m'obeir. _(D'un air d'impatience.)_ Placez aussi sur cette table Quelques flacons de vin vieux. Il aime assez le vin vieux, Car c'est un present des cieux. SCENE II. LES PRECEDENTS, DAME RAGONDE. DAME RAGONDE, _sortant du chateau, a gauche._ Quand votre dame et maitresse, Quand madame la comtesse Est, helas! dans la tristesse, Pourquoi ces chants d'allegresse?.. Pleins d'amour pour leur maitresse, De bons et fideles vassaux Doivent souffrir de tous ses maux. Elle veut au bon ermite Dans ce jour rendre visite, Pour que du mal qui l'agite Il puisse la delivrer. ALICE. Le ciel vient de l'inspirer. DAME RAGONDE. Vous croyez que sa science Peut nous rendre l'esperance? RAIMBAUD. Rien n'egale sa puissance: Mainte veuve, grace a lui, A retrouve son mari. DAME RAGONDE. Oh! je veux aussi l'entendre. Pres de lui je veux me rendre, S'il est vrai qu'un coeur trop tendre Par lui Puisse etre gueri. RAIMBAUD. Silence... Le voici! SCENE III. _LES PRECEDENTS, LE COMTE ORY, deguise en ermite avec une longue barbe._ AIR. Que les destins prosperes Accueillent vos prieres! La paix du ciel, mes freres, Soit toujours avec vous! Veuves ou demoiselles, Dans vos peines cruelles, venez a moi, mes belles, Obliger est si doux! Je raccommode les familles, Et meme aux jeunes filles Je donne des epoux. Que les destins prosperes Accueillent vos prieres! La paix du ciel, mes freres, Soit toujours avec vous! DAME RAGONDE. Je viens vers vous! LE COMTE ORY, _la regardant._ Parlez, dame... trop respectable. DAME RAGONDE. Tandis que nos maris, dont l'absence m'accable, Dans les champs musulmans moissonnent des lauriers, Leurs fideles moities, quoiqu'a la fleur de l'age, Ont jure comme moi de passer leur veuvage Dans le chateau de Formoutiers. LE COMTE, _a part._ Ou tant d'attraits sont prisonniers. (_Haut._) C'est le chateau de la belle comtesse. DAME RAGONDE. Dont le frere aux combats a suivi nos guerriers. Et cette noble chatelaine, Sur un mal inconnu, qui cause notre peine, Veut aujourd'hui vous consulter. LE CONTE, _a part._ _(Haut.)_ Ah! quel bonheur! Pres de moi qu'elle vienne, Mon devoir est de l'assister. _(Se retournant vers les paysans.)_ Voies aussi, mes enfants... De moi pour qu'on obtienne, On n'a qu'a demander... Parlez; Tous vos souhaits seront combles. CHOEUR, _se pressant autour du comte._ Ah! quel saint personnage! C'est le bienfaiteur du village. DAME RAGONDE. De grace, parlons tous L'un apres l'autre. LE COMTE. Quel desir est le votre? Que me demandez-vous. LE CHOEUR. Parlons l'un apres l'autre. Silence! taisez-vous. UN PAYSAN. Moi je reclame Pour que ma femme Dans mon menage Soit toujours sage. LE COMTE. C'est bien, c'est bien. ALICE. J'ai tant d'envie Qu'on me marie Au beau Julien! LE COMTE. C'est bien, c'est bien. DAME RAGONDE. Moi je demande Faveur bien grande, Qu'aujourd'hui meme L'epoux que j'aime Ici revienne Finir ma peine; Que je l'obtienne, C'est mon seul bien. LE COMTE, _a part._ Qu'un bon ermite Qu'on sollicite, Qu'un bon ermite A de merite! _(Se retournant vers les jeunes filles.)_ Jeune fillette, Et bachelette, Dans ma retraite Venez me voir. RAIMBAUD. Vous l'entendez, il faut le suivre a l'ermitage. Rendez hommage A son pouvoir. TOUS, _entourant le comte._ Moi, moi, moi, bon ermite, Je sollicite Faveur bien grande, Et je demande De la tendresse, De la jeunesse, De la richesse: Exaucez-nous. Tout le village Vous rend hommage... A l'ermitage Nous irons tons. _(Le comte remonte a son ermitage, suivi de toutes les filles. Dame Ragonde rentre au chateau. Les paysans sortent par le fond.)_ SCENE IV. ISOLIER, LE GOUVERNEUR. LE GOUVERNEUR. Je ne puis plus longtemps voyager de la sorte. ISOLIER. Eh bien! reposons-nous sous ces ombrages frais. LE GOUVERNEUR. Pourquoi m'avoir force de quitter notre escorte Et m'amener ici? ISOLIER, _a part, regardant a gauche._ J'avais bien mes projets... Voila donc le chateau de ma belle cousine! Si je pouvais l'entrevoir... Quel bonheur! Mais, loin de partager l'ardeur qui me domine, Elle ferme a l'amour son castel et son coeur. _(Au gouverneur qui s'est assis.)_ Eh! monsieur le gouverneur, Reprenez-vous un peu courage? LE GOUVERNEUR. Maudit emploi! maudit message! Monseigneur notre prince, auquel je suis soumis, M'ordonne de chercher le comte Ory, son fils, Ce demon incarne, mon eleve et mon maitre, Qui, sans mon ordre, de la cour S'est avise de disparaitre. ISOLIER, _a part._ Pour jouer quelque nouveau tour. LE GOUVERNEUR. On le disait cache dans ce sejour. Comment l'y decouvrir?... Comment le reconnaitre? ISOLIER. Vous devez tout savoir... D'etre son gouverneur N'avez-vous pas l'honneur? LE GOUVERNEUR. Oui! quel honneur! AIR. Veiller sans cesse, Trembler toujours pour son altesse Et pour ses jours... Du gouverneur D'un grand seigneur, Tel est le profit et l'honneur. Quel honneur d'etre gouverneur! A la guerre comme a la chasse, Si quelque peril le menace, Il faut partout suivre ses pas. Dut-il me mener au trepas! Veiller sans cesse, Trembler toujours, etc., etc., etc. Et s'il est epris d'une belle, Il me faut courir apres elle; Tout en lui faisant des sermons Sur le danger des passions. Veiller sans cesse, Courir toujours, Pour son altesse Ou ses amours: Du gouverneur, D'un grand seigneur. Tel est le profit et l'honneur. Quel honneur d'etre gouverneur! SCENE V. LES PRECEDENTS; PAYSANS, PAYSANNES, _sortant de l'ermitage_ CHOEUR. O bon ermite! Vous, notre appui, Vous, notre ami, Merci vous di. O bon ermite! Je veux partout faire savoir Son grand merite Et son pouvoir. Jeune fillette A, grace a lui, Fortune faite, Et bon mari O saint prophete, Soyez beni! Oui, Puissant prophete, Soyez beni! LE GOUVERNEUR, _a part, regardant les jeunes filles_. Je vois paraitre Minois joli; Ah! mon cher maitre Doit etre Pres d'ici. CHOEUR _des jeunes filles, l'apercevant_. Un etranger! Qui peut-il etre? Un beau seigneur. Pour le village, ah! quel honneur! LE GOUVERNEUR, _a part_. Ce respectable et bon ermite, Dont chacun vante le merite, Malgre moi dans mon ame excite Un soupcon qui m'effraie ici. Lui qu'on adore, Lui qu'on implore, Serait-ce encore Le comte Ory? Depuis quand cet ermite est-il dans le village? ALICE. Depuis huit jours, pas davantage. LE GOUVERNEUR. O ciel! en voila tout autant Qu'il est parti. _(Retenant Alice, qui reste la derniere.)_ Ma belle enfant, Ou pourrais-je le voir? ALICE. Ici meme ... a l'instant Il va venir ... madame la comtesse A desire le consulter. ISOLIER. Vraiment. ALICE. Sur un mal inconnu qui l'accable et l'oppresse. LE GOUVERNEUR ET ISOLIER. Merci, merci, ma belle enfant. LE GOUVERNEUR. Il doit donc venir dans l'instant! ISOLIER. Elle va venir dans l'instant! LE GOUVERNEUR, _a part_ Cette belle comtesse au regard seduisant! Ceci me semble encore une preuve plus forte. _A Isolier._ Attendez-moi ... Je vais retrouver notre escorte. _A part._ Puis ensemble nous reviendrons, pour confirmer, ou bien dissiper mes soupcons. SCENE VI. ISOLIER, _seul, regardant du cote du chateau._ Je vais revoir la beaute qui m'est chere.... Mais comment desarmer cette vertu si fiere? Comment, en ma faveur, la toucher aujourd'hui? Si cet ermite, ce bon pere, Voulait m'aider ... Oh! non ... ce serait trop hardi.... Allons, ne suis-je pas page du comte Ory! SCENE VII. ISOLIER, LE COMTE ORY, _en ermite._ ISOLIER. Salut, o venerable ermite! LE COMTE, _a part, avec un geste de surprise._ C'est mon page! sachons le dessein qu'il medite. _(Haut)._ Qui vers moi vous amene, o charmant Isolier? ISOLIER, _a part._ Il me connait! LE COMTE. Tel est l'effet de ma science. ISOLIER. Un aussi grand savoir ne peut trop se payer, _(Lui donnant une bourse.)_ Et cette offrande est bien faible, je pense. LE COMTE, _prenant la bourse._ N'importe ... a moi vous pouvez vous fier: Parlez, parlez, beau page. DUO. ISOLIER. Une dame du haut parage Tient mon coeur en un doux servage, Et je brule pour ses attraits. LE COMTE. Je n'y vois point de mal ... apres? ISOLIER. Je croyais avoir su lui plaire; Et pourtant son coeur trop severe S'oppose a mes tendres souhaits. LE COMTE. Je n'y vois pas de mal ... apres? ISOLIER. Et jusqu'au retour de son frere, Qui des croises suit la banniere, Aucun amant, aucun mortel Ne peut entrer dans ce castel. LE COMTE, _a part._ Celui de la comtesse ... o ciel! ISOLIER. Pour y penetrer, comment faire? J'avais bien un moyen fort beau; Mais je le crois trop temeraire. LE COMTE. Parlez ... parlez ... beau jouvenceau. ISOLIER. Je voulais, d'une pelerine Prenant la cape et le manteau, M'introduire dans ce chateau. LE COMTE. Bien! bien ... le moyen est nouveau. _A part._ On peut s'en servir, j'imagine. _Au page._ Noble page du comte Ory, Serez un jour digne de lui! ENSEMBLE. LE COMTE, _a part_. Voyez donc, voyez donc le traitre? Oser jouter contre son maitre! Mais je le tiens, et l'on verra Qui de nous deux l'emportera. ISOLIER, _a part_. A l'espoir je me sens renaitre Ce moyen est un coup de maitre.... Oui, je le tiens, et vois deja Que son pouvoir me servira. ISOLIER. Mais d'abord ce projet reclame Vos soins pour etre execute. LE COMTE. Comment? ISOLIER. Par cette noble dame Vous allez etre consulte. LE COMTE, _a part_. C'est qu'il sait tout, en verite. ISOLIER. Dites-lui que l'indifference Cause, helas! son tourment fatal. LE COMTE. J'entends! j'entends ... ce n'est pas mal. ISOLIER. Et pour guerir a l'instant meme, Dites-lui ... qu'il faut qu'elle m'aime. LE COMTE. J'entends! j'entends ... ce n'est pas mal. Je lui dirai qu'il faut qu'elle aime.... (_A part.)_ Mais un autre que mon rival.... ISOLIER. Dites-lui bien qu'il faut qu'elle aime. LE COMTE. Noble page du comte Ory, Serez un jour digne de lui! ENSEMBLE. LE COMTE. Voyez donc, voyez donc le traitre? Oser jouter contre son maitre! Mais je le tiens, et l'on verra Qui de nous deux l'emportera. ISOLIER. A l'espoir je me sens renaitre Ce moyen est un coup de maitre.... Oui, je le tiens, et vois deja Que son pouvoir me servira. SCENE VIII. LES PRECEDENTS: LA COMTESSE, DAME RAGONDE, TOUTES LES FEMMES, sortant du chateau; dans le fond, PAYSANS ET PAYSANNES, VASSAUX de la comtesse, marche, etc. LA COMTESSE, _apercevant Isolier._ Isolier dans ces lieux! ISOLIER. Sur le mal qui m'agite Je venais consulter aussi le bon ermite. LE COMTE Je dois a tous les malheureux Mes conseils et mes voeux. LA COMTESSE, _s'approchant du comte Ory._ Une lente souffrance Me consume en silence; Et ma seule esperance Est la tombe ou j'avance Sans peine et sans plaisir; Et de mon ame emue Je voudrais et ne puis bannir Cette langueur qui me tue. O peine horrible! Vous que l'on dit sensible, Daignez, s'il est possible, Guerir le mal terrible Dont je me sens mourir! ISOLIER ET LE CHOEUR. Ah! par votre science Dissipez sa douleur. LA COMTESSE. Faut-il mourir de ma souffrance? LE CHOEUR. Ah! que votre puissance Lui rende le bonheur. ISOLIER, _a part, au comte_. Vous avez entendu sa touchante priere! Voici le vrai moment, parlez pour moi, bon pere! LE COMTE, _a la comtesse_. Je puis guerir vos maux, Si vous croyez a ma science Ils viennent de l'indifference Qui laisse votre coeur dans un fatal repos. Et pour renaitre a l'existence, Il faut aimer, former de nouveaux noeuds. LA COMTESSE. Helas! je ne le peux. Naguere encor d'un eternel veuvage Mon coeur fit le serment. LE COMTE. Le ciel vous en degage. Il ordonne que de vos jours La flamme se ranime au flambeau des amours. LA COMTESSE. Surprise extreme! Le ciel lui-meme Vient par sa voix me ranimer! _(A part.)_ Toi, pour qui je soupire, Toi, cause d'un martyre Que je n'osais exprimer, Isolier, je puis donc t'aimer! Je puis t'aimer et te le dire! Ah! bon ermite, que mon coeur Vous doit de reconnaissance! Par vos talents, votre science Vous m'avez rendu le bonheur. ISOLIER ET LE CHOEUR, _a part_. Oui, sa douce parole Semble la ranimer; Le mal qui la desole Commence a se calmer. LE CHOEUR. Les belles affligees Par lui sont protegees... Par lui, par ses discours, Les belles affligees Se consolent toujours. ISOLIER, _bas, au comte. C'est bien... je suis content. LE COMTE. Encore un mot, de grace. _(A demi voix.)_ D'un grand peril qui vous menace Je dois vous avertir!... il faut vous defier.... LA COMTESSE. De qui? LE COMTE, _a voix basse._ De ce jeune Isolier. LA COMTESSE. O ciel! LE COMTE, _de meme._ Songez qu'il est le page De ce terrible comte Ory. Dont les galants exploits.... Mais ici.... devant lui, Je n'oserais en dire davantage. Entrons dans ce castel. LA COMTESSE. Mon coeur en a fremi! _(Au comte.)_ Venez, o mon sauveur!... o mon unique appui! _(Elle prend le comte par la main, et va l'entrainer dans le chateau. Toutes les dames les suivent. Le comte Ory a deja mis le pied sur le pont-levis, et, en raillant Isolier, fait un geste de joie. En ce moment entre le gouverneur, suivi de tous les chevaliers de son escorte._) SCENE IX. LES PRECEDENTS, LE GOUVERNEUR, CHEVALIERS, etc. LES CHEVALIERS ET LE GOUVERNEUR. Nous saurons bien le reconnaitre. Avancons... _(Apercevant Raimbaud qui est en paysan.)_ Qu'ai-je vu!... c'est Raimbaud, Le confident, l'ami de notre maitre! RAIMBAUD. Taisez-vous donc, ne dites mot. LE GOUVERNEUR. Plus de doute, plus de mystere, _(Montrant l'ermite.)_ C'est Monseigneur! c'est lui! LE COMTE, _a voix basse._ Miserable! crains ma colere. TOUS LES CHEVALIERS, _s'inclinant._ C'est le comte Ory! TOUTES LES FEMMES, _s'eloignant avec effroi, et se refugiant dans un coin._ Le comte Ory! LES PAYSANS, _s'avancant avec indignation._ Le comte Ory! LE COMTE. Eh bien! oui... le voici. QUATUOR DICESIMO. Ciel! o terreur' o trouble extreme! Quel indigne stratageme! Mon coeur En fremit d'horreur. LE COMTE, _bas, a Raimbaud._ O depit extreme! Lorsque j'etais sur du succes, C'est notre gouverneur lui-meme Qui vient dejouer mes projets. LE GOUVERNEUR. Pour vous, et de la part d'un pere qui vous aime, J'apporte cet ecrit qu'il remit a ma foi. Lisez. LE COMTE. Eh! lis toi-meme; D'un chevalier est-ce l'emploi? LE GOUVERNEUR, _lisant._ "La croisade est finie, Et dans notre patrie Tous nos preux chevaliers vont bientot revenir." TOUTES LES FEMMES, _avec joie._ La croisade est finie, Et dans notre patrie Tous nos maris vont enfin revenir. LE GOUVERNEUR, _lisant._ "Mon fils, pour mieux feter des guerriers que j'honore, Je veux qu'aupres de moi vous brilliez a ma cour.... Mais venez... hatez-vous; car la deuxieme aurore Peut-etre dans ces lieux les verra de retour." ENSEMBLE. CHOEUR DE FEMMES. Quoi! demain?... o bonheur extreme! Nos maris vont revenir! LE COMTE. Quoi! demain?... o depit extreme! Leurs maris vont revenir! RAIMBAUD, _bas._ Oui, Monseigneur, il faut partir; A votre pere il faut obeir. LE COMTE. Il n'est pas temps... un dernier stratageme Peut encor nous servir. DAME RAGONDE ET LES FEMMES, _au comte Ory._ Adieu vous dis, o noble comte, Soyez plus heureux desormais. LE COMTE, _a part._ Sachons venter ma honte Par de nouveaux succes. _(Bas, a Raimbaud.)_ Un jour encor nous reste, Sachons en profiter. RAIMBAUD, _bas._ Quoi! ce retour funeste.... LE COMTE. Ne saurait m'arreter. ENSEMBLE. LE COMTE ET SES COMPAGNONS. Beaute qui ris de ma souffrance, Bientot nous nous reverrons; Je veux qu'une douce vengeance Vienne reparer mes affronts. LA COMTESSE ET SES FEMMES. Mon coeur renait a l'esperance. Le ciel que nous implorons, Saurait encor, dans sa clemence, Nous soustraire a d'autres affronts. ISOLIER, _montrant le comte Ory._ Observons tout avec prudence; Suivons ses pas et voyons Si par quelque autre extravagance Il songe a venger ses affronts. ACTE DEUXIEME. _La chambre a coucher de la comtesse. Deux portes laterales; porte au fond. A gauche, un lit de repos, et une table sur laquelle brille une lampe. A droite, une croisee au premier plan._ SCENE PREMIERE. LA COMTESSE, DAME RAGONDE, DAMES _de la suite de la comtesse groupees differemment et occupees a des ouvrages de femmes._ LE CHOEUR. Dans ce sejour calme et tranquille S'ecoulent nos jours innocents; Et nous bravons dans cet asile Les entreprises des mechants. LA COMTESSE, _assise et brodant une echarpe._ Je tremble encore quand j'y pense; Quel homme que ce comte Ory! De la vertu, de l'innocence C'est le plus cruel ennemi. DAME RAGONDE. C'est le notre... Dieu! quelle audace! D'un saint homme prendre la place! Et me promettre mon mari! LA COMTESSE. Par bonheur nous pouvons sans crainte Le defier dans cette enceinte, Qui nous protege contre lui. ENSEMBLE. Dans ce sejour calme et tranquille S'ecoulent nos jours innocents; Et nous bravons dans cet asile Les entreprises des mechants. _(L'orage qui a commence a gronder pendant la reprise du choeur precedent se fait entendre en ce moment avec plus de force.)_ TOUTES, _effrayees._ Ecoutez!... le ciel gronde. LA COMTESSE. Oui, la grele et la pluie Ebranlent les vitraux de ce noble castel. DAME RAGONDE. Nous sommes a l'abri!... que je rends grace au ciel! LA COMTESSE. Et moi, lorsque l'orage eclate avec furie, Au fond du coeur combien je plains Le sort des pauvres pelerins! _(En ce moment on entend au dehors, au-dessous de la croisee a droite:)_ Noble chatelaine, Voyez notre peine; Et dans ce domaine, Dame de beaute, Pour fuir la disgrace Dont on nous menace, Donnez-nous, par grace, L'hospitalite. LA COMTESSE. Voyez qui ce peut etre, et qui frappe a cette heure. Jamais le malheureux qui vient nous supplier N'a de cette antique demeure Implore vainement le toit hospitalier. _(Dame Ragonde sort. La comtesse et les autres dames chantent le choeur suivant; et en meme temps on reprend en dehors celui qu'on a deja entendu. L'orage redouble.)_ ENSEMBLE. LES FEMMES. Grand Dieu! dans ta bonte supreme, Apaise cet orage affreux! En ce moment l'epoux que j'aime Est peut-etre aussi malheureux. LA COMTESSE. Grand Dieu! dans ta bonte supreme, Apaise cet orage affreux! En ce moment celui que j'aime Est peut-etre aussi malheureux. LE CHOEUR DES CHEVALIERS. Noble chatelaine, Voyez notre peine; Et dans ce domaine, Dame de beaute, Pour fuir la disgrace, Dont on nous menace, Donnez-nous, par grace L'hospitalite. SCENE II. LES PRECEDENTS, DAME RAGONDE. DAME RAGONDE, _d'un air agite._ Quand tomberont sur lui les vengeances divines Quelle horreur! TOUTES. Qu'avez-vous? DAME RAGONDE. Dieu! quel crime inoui! LA COMTESSE. Mais qu'est-ce donc? DAME RAGONDE. Encore un trait du comte Ory. De malheureuses pelerines Qui, fuyant sa poursuite, et cherchant un abri, Pour la nuit demandent un asile. LA COMTESSE. Que nos secours leur soient offerts! DAME RAGONDE. J'ai prevenu vos voeux! ce soin m'etait facile. On aime a compatir aux maux qu'on a soufferts... LA COMTESSE. Ces dames sont-elles nombreuses? DAME RAGONDE. Quatorze. LA COMTESSE. C'est beaucoup! DAME RAGONDE. Mais quel air! quel maintien! LA COMTESSE. Leur age? DAME RAGONDE. Quarante ans. LA COMTESSE. Leurs figures? DAME RAGONDE. Affreuses! Ce comte Ory n'a peur de rien. Je les ai fait entrer au parloir en silence. Elles tremblaient encor de froid et de frayeur. L'une d'elles pourtant, dans sa reconnaissance, De vous voir un instant demande la faveur. Mais c'est elle, je pense: Elle approche. LA COMTESSE. C'est bien. Laissez-nous un instant. DAME RAGONDE, _au comte Ory, qui parait en pelerine et les yeux baisses._ Entrez, ne craignez rien. _(Toutes les dames sortent.)_ LA COMTESSE. Ragonde avait raison, quel modeste maintien! SCENE III. LA COMTESSE, LE COMTE ORY. DUO. LE COMTE. Ah! quel respect, Madame, Pour vos vertus m'enflamme; Souffrez que de mon ame J'exprime ici l'ardeur! Nous vous devons l'honneur. LA COMTESSE. Je suis heureuse et fiere D'avoir d'un temeraire Dejoue les projets! Je suis heureuse et fiere D'avoir a sa colere Derobe tant d'attraits! LE COMTE. Ah! dans mon coeur charme de tant de grace, Ne craignez pas que rien efface Le souvenir de vos bienfaits. _(Prenant sa main.)_ Par cette main, je le jure a jamais. LA COMTESSE. Que faites-vous? LE COMTE. De ma reconnaissance, Quoi! l'exces vous offense! Ah! sans votre assistance, Helas! lorsque j'y pense... Quel etait notre sort!... Je tremble encor!... LA COMTESSE, _avec bonte, et lui tendant la main._ Calmez le trouble de votre ame. LE COMTE, _pressant sa main sur ses levres._ Ah! Madame! LA COMTESSE, _souriant._ Quel exces de frayeur! LE COMTE. Il fait battre mon coeur. ENSEMBLE. LA COMTESSE. Ah! vous pouvez sans crainte Braver le comte Ory. Ici, dans cette enceinte, On peut rire de lui. LE COMTE, _a part._ Meme dans cette enceinte, Craignez le comte Ory. _(Haut.)_ On le dit temeraire. LA COMTESSE. Je brave sa colere. LE COMTE. On pretend qu'il vous aime. LA COMTESSE. Lui!... Quelle audace extreme! LE COMTE. A vos genoux S'il implorait sa grace, Madame, que feriez-vous? LA COMTESSE. D'une pareille audace La honte et le mepris Seraient le prix. ENSEMBLE. LA COMTESSE. Le temeraire Qui croit nous plaire, En vain espere Etre vainqueur; Moi je prefere L'amant sincere Qui sait nous taire Sa tendre ardeur... Mais on doit rire Du faux delire Et du martyre D'un seducteur. LE COMTE. Beaute si fiere, Prude severe, Bientot j'espere Toucher ton coeur; Je ris d'avance De sa defense; La resistance Est de rigueur... Puis l'heure arrive Ou la captive, Faible et plaintive, Cede au vainqueur. LA COMTESSE. Voici vos compagnes fideles. LE COMTE. (_Se reprenant._) Je les entends... ce sont eux... ce sont elles! _(A part et regardant par le fond.)_ Mes chevaliers! sous ces humbles habits! LA COMTESSE, _montrant une table qu'on a apportee a la fin du duo_. J'ordonne qu'on vous serve et du lait et des fruits. LE COMTE. Quelle bonte celeste! _Il baise avec respect la main de la comtesse, qui sort en le regardant avec interet. Le comte la suit quelque temps des yeux; puis il dit en montrant la table_: L'ordinaire est frugal et le repas modeste Pour d'aussi nobles appetits. SCENE IV. LE COMTE, LE GOUVERNEUR, ONZE CHEVALIERS. _Ils sont vetus d'une pelerine qui est entr'ouverte, et laisse apercevoir leurs habits de chevaliers._ LE CHOEUR. Ah! la bonne folie! C'est charmant, c'est divin! Le plaisir nous convie A ce joyeux festin. LE COMTE. L'aventure est jolie, N'est-il pas vrai... monsieur le gouverneur? LE GOUVERNEUR. Je pense comme Monseigneur. Mais si le duc... LE COMTE. Mon pere... LE GOUVERNEUR. Apprend cette folie, Ma place m'est ravie! Il faudra prendre garde. LE COMTE. Eh! mais, c'est ton emploi; Tu veilleras pour nous, et nous rirons pour toi. Rien ne nous manquera, je pense; Car sagement j'ai su choisir Mes compagnons, pour le plaisir, Mon gouverneur pour la prudence. LE GOUVERNEUR. Qui peut vous inspirer pareille extravagance? LE COMTE. C'est mon page Isolier... mon rival. LE GOUVERNEUR. L'imprudent! LE COMTE. Qui, ne connaissant point l'objet de ma tendresse, M'a suggere lui-meme un tel deguisement Pour mieux enlever sa maitresse. LE GOUVERNEUR. Et le ciel le punit. LE COMTE. En me recompensant. LE CHOEUR. Oh! la bonne folie! C'est charmant, c'est divin! Le plaisir nous convie A ce joyeux festin. (_Ils se mettent a table._) LE GOUVERNEUR. Eh! mais, quelle triste observance! Rien que du laitage et des fruits. LE COMTE. C'est le repas de l'innocence, Mesdames. LE GOUVERNEUR. Point de vin! SCENE V. LES PRECEDENTS, RAIMBAUD, _tenant un panier sous son manteau de Pelerine._ RAIMBAUD. En voici, mes amis. TOUS, _se levant._ C'est Raimbaud! RAIMBAUD. En heros j'ai tente l'aventure, Et je viens avec vous partager ma capture. AIR. Dans ce lieu solitaire, Propice au doux mystere, Moi, qui n'ai rien a faire, Je m'etais endormi. Dans mon ame indecise, Certain gout d'entreprise Que l'exemple autorise Vient m'eveiller aussi. C'est le seul moyen d'etre Digne d'un pareil maitre, Et je veux reconnaitre Ce manoir en detail! Je pars... Je m'oriente; A mes yeux se presente Une chambre elegante, C'est celle du travail. Une harpe jolie... De la tapisserie; Pres d'une broderie J'apercois un roman! Meme en une chambrette, J'ai, dans une cachette, Cru voir l'historiette Du beau Tyran-le-Blanc! Marchant a l'aventure Sous une voute obscure, Je vois une ouverture... C'est un vaste cellier, Dont l'etendue immense Et la bonne apparence Attestaient la prudence Du sir de Formoutiers, Arsenal redoutable, Qui fait qu'on puise a table Un courage indomptable Contre le Sarrasin. Armee immense et belle, D'une espece nouvelle, Plus a craindre que celle Du Sultan Saladin.... Pres des vins de Touraine, Je vois ceux d'Aquitaine, Et ma vue incertaine S'egare en les comptant. La, je vois l'Allemagne; Ici, brille l'Espagne La, fremit le champagne Du joug impatient. J'hesite... o trouble extreme! O doux peril que j'aime! Et seul, avec moi-meme, Contre tant d'ennemis, Au hasard je m'elance. Sans compter je commence, J'attaque avec vaillance, A la fois vingt pays. Quelle conquete Pour moi s'apprete... Mais je m'arrete, J'entends du bruit. Quelqu'un s'avance, Vers moi s'elance! On me poursuit. Les echos en fremissent, Les voutes retentissent, Et moi, je fuis soudain. Mais, que m'importe? Gaiment j'emporte Toute ma gloire et mon butin. TOUS, _otant les bouteilles du panier._ Partageons son butin! Qu'il avait de bon vin Le seigneur chatelain! Pendant qu'il fait la guerre Au Turc, au Sarrasin; A sa sante si chere Buvons ce jus divin. Buvons, buvons jusqu'a demain. Quelle douce ambroisie! Celebrons tour a tour Le vin et la folie, Le plaisir et l'amour. LE COMTE. On vient... c'est la touriere! Silence! taisez-vous! Mettez-vous en priere, Ou bien c'est fait de nous. SCENE VI. LES PRECEDENTS, DAME RAGONDE, _traversant le theatre et examinant si les pelerines n'ont besoin de rien._ TOUS LES CHEVALIERS, _fermant leur pelerine, et cachant leur bouteille, sans avoir l'air de voir Ragonde_. Modele d'innocence Et de fidelite, Que le ciel recompense Votre hospitalite! Ah! que le ciel vous recompense! (_Ragonde les regarde d'un air attendri, leve les yeux au ciel, et s'eloigne._) RAIMBAUD. Elle a disparu, Reparons bien le temps perdu. LE GOUVERNEUR. De crainte encore peut-etre Qu'on n'arrive soudain, Faisons bien disparaitre Les traces du butin. (_Il boit._) TOUS. Buvons, buvons soudain!... Qu'il avait de bon vin, Le seigneur chatelain! Pendant qu'il fait la guerre Au Turc, au Sarrasin; A sa sante si chere Buvons ce jus divin. Buvons, buvons jusqu'a demain. Quelle douce ambroisie! Celebrons tour a tour Le vin et la folie, Le plaisir et l'amour. LE COMTE. Mais on vient encore... silence! SCENE VII. LES PRECEDENTS, LA COMTESSE, DAME RAGONDE, PLUSIEURS FEMMES, _portant des flambeaux_. TOUS, _feignant de ne pas les voir_. Modele d'innocence Et de fidelite, Que le ciel recompense Votre hospitalite! LA COMTESSE, _a part, aux autres femmes._ Quel doux ravissement! combien je les admire! (_Haut._) Du repos voici le moment. Que chacune de vous, Mesdames, se retire Dans son appartement. LE COMTE. Adieu, noble comtesse... ah! si le ciel m'entend, Bientot viendra l'instant peut-etre, Ou pourrai vous faire connaitre Ce qu'eprouve pour vous mon coeur reconnaissant. TOUS. Modele d'innocence Et de fidelite, Que le ciel recompense Votre hospitalite! (_Le comte et les chevaliers prennent les flambeaux des mains des dames, et se retirent._) SCENE VIII. LA COMTESSE, DAME RAGONDE, QUELQUES AUTRES DAMES. LA COMTESSE, _commencant a defaire son voile._ Oui, c'est une bonne oeuvre, et qui, dans notre zele, (_Ecoutant._) Doit nous porter bonheur. On sonne a la tourelle, Qui vient encore? DAME RAGONDE, _regardant par la fenetre._ Un page. LA COMTESSE. Un page dans ces lieux, Dont l'enceinte est par nous aux hommes interdite! Je veux savoir quel est l'audacieux! SCENE IX. LES PRECEDENTS, ISOLIER, ET LES AUTRES FEMMES. ISOLIER. C'est moi, belle cousine, et point je ne merite Ce fier courroux qui brille en vos beaux yeux. LA COMTESSE. Qui vous amene ici? ISOLIER. Le duc mon maitre. Il m'a charge de vous faire connaitre Que les preux chevaliers... DAME RAGONDE. Parlez, mon coeur fremit. ISOLIER. Qu'on attendait demain, arrivent cette nuit. TOUTES. Quoi! nos maris... bonte divine!... ISOLIER. Seront de retour a minuit. Oui, dans l'ardeur qui les domine, Ils veulent en secret vous surprendre ce soir. TOUTES. Ah! cet heureux retour comble tout notre espoir! ISOLIER. Le duc le croit aussi; mais il pense en son ame Qu'un mari bien prudent previent toujours sa femme. Un bonheur trop subit peut etre dangereux. DAME RAGONDE. Quoi! nos maris enfin reviennent en ces lieux! Ah! le ciel les devait a nos vives tendresses. Je cours en prevenir nos aimables hotesses. ISOLIER, _l'arretant._ Et qui donc? DAME RAGONDE. Quatorze vertus... Que le comte Ory, votre maitre, Poursuivait. ISOLIER. De terreur tous mes sens sont emus. Achevez... ce sont peut-etre Des pelerines? DAME RAGONDE. Oui, vraiment. ISOLIER. C'est fait de nous... sous ce deguisement Vous avez accueilli le comte Ory lui-meme, Et tous ses chevaliers. TOUTES. O ciel! LA COMTESSE. Terreur extreme! DAME RAGONDE. Que dire a mon mari, trouvant en ses foyers Sa chaste epouse avec quatorze chevaliers? TOUTES. Helas! a quel peril sommes-nous reservees? ISOLIER. Une heure seulement, et vous etes sauvees. On va nous secourir... il faut gagner du temps. TOUTES. Helas! helas! je tremble! LA COMTESSE. Plus terrible a lui seul que les autres ensemble, Le comte Ory... le voici... je l'entends. (_Toutes les dames s'enfuient en poussant un grand cri. Isolier va souffler la lampe qui est sur le gueridon, puis, s'enveloppant du voile que la comtesse vient de quitter, il se place sur le canape, et fait signe a la comtesse de s'approcher de lui._) SCENE X. ISOLIER, _assis sur le canape_; LA COMTESSE, _debout, s'appuyant pres de lui_; LE COMTE, _sortant de sa chambre._ (_La nuit est complete._) TRIO. LE COMTE. A la faveur de cette nuit obscure, Avancons-nous, et sans la reveiller, Il faut ceder au tourment que j'endure; Amour me berce, et ne puis sommeiller. ENSEMBLE. LA COMTESSE. Ah! sa seule presence Fait palpiter mon coeur; La nuit et le silence Redoublent ma frayeur. ISOLIER. De crainte et d'esperance Je sens battre mon coeur. La nuit et le silence Redoublent son erreur. LE COMTE. D'amour et d'esperance Je sens battre mon coeur; Et sa seule presence Est pour moi le bonheur. ISOLIER, _bas, a la comtesse._ Parlez-lui. LA COMTESSE. Qui va la? LE COMTE. C'est moi: C'est soeur Colette. Seule, et dans cette chambre ou je ne peux dormir, Tout me trouble, et tout m'inquiete. J'ai peur... permettez-moi... pres de vous... devenir. ISOLIER ET LA COMTESSE, _a part._ Ah! quelle perfidie! LE COMTE, _avancant pres d'Isolier._ O moments pleins de charmes! Quand on est deux, on a moins peur. ISOLIER, _a part._ Oui, lorsqu'on est deux. LE COMTE, _prenant la main d'Isolier._ Ah! je n'ai plus d'alarmes. LA COMTESSE. Que faites-vous? LE COMTE, _pressant la main d'Isolier._ Pour moi plus de frayeur! Quand cette main est sur mon coeur. LA COMTESSE, _a part, et riant._ Il presse ma main sur son coeur. ISOLIER, _bas, a la comtesse._ Beaute severe, Laissez-le faire; Son bonheur ne vous coute rien. LE COMTE, _a part._ Grand Dieu! quel bonheur est le mien! ENSEMBLE. LE COMTE. D'amour et d'esperance Je sens battre mon coeur; Amour, par ta puissance, Acheve mon bonheur. LA COMTESSE. Ah! sa seule presence Fait palpiter mon coeur; La nuit et le silence Redoublent ma frayeur. ISOLIER. De crainte et d'esperance Je sens battre mon coeur; Sachons avec prudence Prolonger son erreur. LA COMTESSE. Maintenant, je vous en supplie, Soeur Colette, rentrez chez vous. LE COMTE, _a Isolier._ Vous quitter... c'est perdre la vie... Oui, je demeure a vos genoux. LA COMTESSE, _a part._ (_Haut._) Il tremble. O ciel! que faites-vous? LE COMTE. Sachez le feu qui me devore! C'est un amant qui vous implore. LA COMTESSE. Ah! grand Dieu! quelle trahison! LE COMTE. L'amour qui trouble ma raison Doit me meriter mon pardon. (_A Isolier qui veut se lever._) Ne m'otez point, je la reclame, Cette main que ma vive flamme... LA COMTESSE. Ah! comme vous me pressez! Laissez-moi. LE COMTE, _embrassant Isolier._ Vrai Dieu! Madame. Peut-on vous aimer assez! (_En ce moment ou entend sonner la cloche, et un bruit de clairons retentit a la porte du chateau. Les femmes de la comtesse se precipitent dans l'appartement en tenant des flambeaux._) LE COMTE. O ciel! quel est ce bruit? ISOLIER, _jetant son voile._ L'heure de la retraite. Car il faut partir, Monseigneur. LE COMTE, _le reconnaissant._ C'est mon page Isolier! ISOLIER. Celui que soeur Colette Embrassait avec tant d'ardeur. LE COMTE. Je suis trahi! crains ma colere! ISOLIER. Craignez celle de mon pere! Il arrive dans ce castel. Entendez-vous ces cris de joie? LE COMTE. O ciel! SCENE XI. LES PRECEDENTS; LE GOUVERNEUR, RAIMBAUD, COMPAGNONS DU COMTE ORY, _en habits de chevaliers, et paraissant a la grille a droite._ LE CHOEUR. Ah! quelle perfidie! Nous sommes tous Sous les verrous; Delivrez-nous! LE COMTE. Je suis captif ainsi que vous. LA COMTESSE. Vous qui faites la guerre aux femmes, Vous voila donc nos prisonniers! LE COMTE Oui, nous sommes vaincus! a vos pieds, nobles dames, Je demande merci pour tous mes chevaliers. Pour leur rancon qu'exigez-vous? LA COMTESSE. Un gage. Votre depart!.. Evitez le courroux De nos maris. ISOLIER. Par un secret passage Je vais guider vos pas, et votre page Fermera la porte sur vous. LE COMTE. C'est lui qui nous a joues tous. LA COMTESSE. Ecoutez ces chants de victoire... Ce sont de braves chevaliers Que l'amour ainsi que la gloire Ont ramenes dans leurs foyers. LE COMTE ET SES COMPAGNONS. A l'hymen cedons la victoire, Et qu'il rentre dans ses foyers. Quittons ces lieux hospitaliers. (_Isolier ouvre a gauche une porte secrete, par laquelle le comte Ory et ces chevaliers disparaissent. En ce moment s'ouvrent les portes du fond. Le duc et les chevaliers revenant de la Palestine entrent, precedes de leurs ecuyers, qui portent des etendards et des faisceaux d'armes. Dame Ragonde et les autres femmes se precipitent dans les bras de leurs maris, et la comtesse dans ceux de son frere: puis Isolier va baiser la main du comte de Formoutiers, qui le releve et l'embrasse pendant le choeur suivant._) LE CHOEUR. Honneur aux fils de la victoire, Honneur aux braves chevaliers, Que l'amour ainsi que la gloire Ont ramenes dans leurs foyers! DAME RAGONDE, _a son mari._ Seules, dans ce sejour, nous vivions d'esperance, Attendant le retour de nos preux chevaliers! Et nous n'avons recu, pendant cinq ans d'absence, Aucun homme en ces lieux. ISOLIER, _aux maris._ Vous etes les premiers. LE CHOEUR. Honneur aux fils de la victoire, Honneur aux braves chevaliers, Que l'amour ainsi que la gloire Ont ramenes dans leurs foyers! End of the Project Gutenberg EBook of Le Comte Ory by Eugene Scribe et Delestre-Poirson (Charles-Gaspard) *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE COMTE ORY *** This file should be named 7cory10.txt or 7cory10.zip Corrected EDITIONS of our eBooks get a new NUMBER, 7cory11.txt VERSIONS based on separate sources get new LETTER, 7cory10a.txt Produced by Vital Debroey, Renald Levesque and PG Distributed Proofreaders. This file was produced from images generously made available by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. Project Gutenberg eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not keep eBooks in compliance with any particular paper edition. 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If the value per text is nominally estimated at one dollar then we produce $2 million dollars per hour in 2002 as we release over 100 new text files per month: 1240 more eBooks in 2001 for a total of 4000+ We are already on our way to trying for 2000 more eBooks in 2002 If they reach just 1-2% of the world's population then the total will reach over half a trillion eBooks given away by year's end. The Goal of Project Gutenberg is to Give Away 1 Trillion eBooks! This is ten thousand titles each to one hundred million readers, which is only about 4% of the present number of computer users. Here is the briefest record of our progress (* means estimated): eBooks Year Month 1 1971 July 10 1991 January 100 1994 January 1000 1997 August 1500 1998 October 2000 1999 December 2500 2000 December 3000 2001 November 4000 2001 October/November 6000 2002 December* 9000 2003 November* 10000 2004 January* The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been created to secure a future for Project Gutenberg into the next millennium. We need your donations more than ever! 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They tell us you might sue us if there is something wrong with your copy of this eBook, even if you got it for free from someone other than us, and even if what's wrong is not our fault. So, among other things, this "Small Print!" statement disclaims most of our liability to you. It also tells you how you may distribute copies of this eBook if you want to. *BEFORE!* YOU USE OR READ THIS EBOOK By using or reading any part of this PROJECT GUTENBERG-tm eBook, you indicate that you understand, agree to and accept this "Small Print!" statement. If you do not, you can receive a refund of the money (if any) you paid for this eBook by sending a request within 30 days of receiving it to the person you got it from. If you received this eBook on a physical medium (such as a disk), you must return it with your request. ABOUT PROJECT GUTENBERG-TM EBOOKS This PROJECT GUTENBERG-tm eBook, like most PROJECT GUTENBERG-tm eBooks, is a "public domain" work distributed by Professor Michael S. 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