The Project Gutenberg EBook of Observations Geologiques sur les Iles Volcaniques, by Charles Darwin Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check the copyright laws for your country before downloading or redistributing this or any other Project Gutenberg eBook. This header should be the first thing seen when viewing this Project Gutenberg file. Please do not remove it. Do not change or edit the header without written permission. Please read the "legal small print," and other information about the eBook and Project Gutenberg at the bottom of this file. Included is important information about your specific rights and restrictions in how the file may be used. You can also find out about how to make a donation to Project Gutenberg, and how to get involved. **Welcome To The World of Free Plain Vanilla Electronic Texts** **eBooks Readable By Both Humans and By Computers, Since 1971** *****These eBooks Were Prepared By Thousands of Volunteers!***** Title: Observations Geologiques sur les Iles Volcaniques Author: Charles Darwin Release Date: February, 2006 [EBook #9824] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on October 21, 2003] Edition: 10 Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK OBSERVATIONS GEOLOGIQUES *** Produced by David Starner, Anne Dreze, Marc D'Hooghe and the PG Online Distributed Proofreaders OBSERVATIONS GEOLOGIQUES SUR LES ILES VOLCANIQUES _EXPLOREES PAR L'EXPEDITION DU "BEAGLE"_ ET NOTES SUR LA GEOLOGIE DE L'AUSTRALIE ET DU CAP DE BONNE-ESPERANCE PAR Charles DARWIN TRADUIT DE L'ANGLAIS SUR LA TROISIEME EDITION PAR A.-F. RENARD AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR L'oeuvre de Darwin comprend, outre ses travaux biologiques, trois ouvrages consacres specialement a la geologie. Ils ont paru sous le titre general de _Geologie du Voyage du Beagle_[1] et forment comme une trilogie embrassant l'etude des constructions coralliennes, des iles volcaniques et de la geologie de l'Amerique meridionale. De ces publications, la seule qui ait ete traduite en francais est celle sur les iles coralliennes, etude magistrale ou se sont revelees pour la premiere fois la grandeur de conception, la puissance et la penetration de cet incomparable observateur[2]. Je me suis propose de completer la traduction des oeuvres geologiques de Darwin et je publie aujourd'hui ses _Observations sur les iles volcaniques_, qui seront suivies par ses etudes sur la geologie de l'Amerique du Sud. Ces ouvrages, qui ont paru en 1844 et 1846, constituent un ensemble avec le _Journal d'un Naturaliste_, dont ils developpent les passages essentiels sous une forme plus technique. Ces pages, moins descriptives et pittoresques de facture, reclamees telles en quelque sorte par les sujets plus speciaux dont elles traitent, n'ont pas, quoique d'une portee assez haute cependant pour consacrer, a elles seules, la reputation de l'Auteur, attire l'attention generale comme l'ont fait son attachant _Journal d'un Naturaliste_ et son livre sur la _Structure et la Distribution des iles coralliennes_. D'autre part, ces recherches geologiques sont de Darwin avant le Darwinisme: elles ont precede de pres de quinze ans l'_Origine des especes_ et ses travaux biologiques qui marquent une date dans l'histoire des sciences. Ces oeuvres revelatrices devoilaient la nature organique sous un jour ou elle avait ete a peine entrevue; il en decoulait des conclusions d'une si considerable portee dans tous les ordres d'idees, elles ebranlaient si profondement les prejuges et l'erreur, elles projetaient de si vives clartes sur tant de problemes restes insolubles, que durant la derniere moitie du XIXe siecle aucune conception ne s'imposa davantage a la pensee, n'y laissa une impression plus profonde et ne suscita des controverses plus passionnees. On comprend qu'au milieu du dechainement d'injures et de sarcasmes qui accueillirent l'idee de l'evolution telle que la formulait le Maitre, dans l'ardeur de la courageuse defense dont elle fut l'objet et dans le triomphe final de la theorie evolutionniste, on perdit peut-etre trop de vue le role preponderant que Darwin a joue comme l'un des fondateurs des sciences geologiques. Les recherches du debut de sa carriere furent comme noyees dans la gloire de ses plus recentes decouvertes. Cependant ces etudes et ces travaux geologiques ont eu une influence directrice sur la pensee du naturaliste anglais, et peut-etre n'est-il pas hors de propos, en presentant cette traduction, d'insister sur ce fait. On peut dire, en effet, que les recherches geologiques auxquelles ce savant s'est livre avant d'aborder la publication de l'_Origine des especes_ l'avaient admirablement prepare a la conception de l'oeuvre capitale qu'il devait edifier. Il est incontestable que c'est dans la connaissance du monde inorganique et de son developpement, dans l'observation immediate des phenomenes geologiques, dans l'application constante des principes de l'ecole de Hutton et de Lyell dont il fut un des premiers adeptes, qu'on peut voir, sinon le point de depart et l'orientation de ses theories biologiques, du moins une des bases sur lesquelles il les etablit. C'est du reste ce qu'il declare lui-meme, avec cette noble modestie qui a caracterise toute son existence, quand il ecrit en tete de son _Journal_, dans sa dedicace a Lyell, que le merite principal de ses oeuvres a sa source dans l'etude qu'il a faite des _Principes de Geologie_. C'est la qu'il a pu puiser, en effet, cette notion des causes actuelles, fondamentale pour sa doctrine, suivre leur action dans les periodes anciennes et rattacher l'un a l'autre les phenomenes dont la terre fut le theatre. C'est a la lumiere nouvelle que ce livre avait faite dans son esprit qu'il a pu embrasser, comme nul autre avant lui, l'immense duree des temps geologiques et de la succession des faunes et des flores. Or, ces considerations constituent quelques-unes des pierres angulaires du grandiose edifice qu'est le Darwinisme. Tous les naturalistes connaissent les deux chapitres X et XI de l'_Origine des Especes_, sur _l'insuffisance des donnees paleontologiques_ et sur _la succession geologique des etres organises_, ou Darwin traite des questions qui mettent en relation ses doctrines avec les donnees geologiques. L'une des plus hautes autorites contemporaines, Sir Archibald Geikie, les apprecie en ces termes: "Ces chapitres ont provoque, dans les theories geologiques admises, la revolution la plus profonde qui se soit produite a notre epoque"[3]. Peu d'hommes de science, toutefois, savent quelles etudes avaient prepare l'Auteur a ces conceptions geniales sur l'histoire de la terre. Pour retrouver la marche de ces etudes, de cette longue et difficile preparation, il faut remonter aux travaux de Darwin sur _la Geologie du Beagle_. C'est la qu'on peut apprecier, dans leur expression technique, ces connaissances speciales sur la nature des roches et sur la structure du globe qui servirent de base a ces generalisations. Quand on a lu et medite ces memoires, fruit de tant de recherches faites dans un contact direct avec la nature, on comprend comment l'Auteur a pu resoudre ces problemes fondamentaux avec le savoir et l'autorite incontestee qui le placent au premier rang parmi les initiateurs de la geologie. Et ce qui temoigne hautement de la valeur de ces travaux de geologie pure, c'est qu'a cote de tant d'oeuvres de cette epoque tombees dans l'oubli ils ont resiste aux attaques du temps. Certes il y a mis son inevitable patine; mais ils demeurent des modeles dont la matiere d'un pur metal et la ligne harmonieuse et severe commandent l'admiration. Ces memoires temoignent a tous comment une intelligence maitresse d'elle- meme, en possession des connaissances speciales reclamees par les sujets qu'elle aborde, douee d'une incomparable penetration, s'entend a scruter la nature, a edifier la synthese des faits et a la traduire d'une maniere claire, concise qui frappe par sa simplicite meme. Et pour ceux que leurs etudes ont prepares a penetrer le detail de ces oeuvres, qui peuvent se rendre compte des efforts qui accompagnent l'exploration de regions encore vierges, juger des procedes et des methodes suivis pour atteindre les resultats, se replacer par la pensee au point ou en etait la science lorsque ces recherches furent faites, saisir le caractere original et neuf des considerations qui devancerent leur temps et ont servi de point de depart aux generalisations futures, pour ceux-la l'oeuvre geologique de Darwin sera placee parmi celles qui appartiennent a l'histoire de la geologie; ils reliront ces pages avec admiration et fruit. Charge de decrire les materiaux recueillis par l'expedition du _Challenger_, j'ai ete amene a me livrer a une etude attentive de l'oeuvre geologique du naturaliste anglais: ce fut le cas, en particulier, pour ses _Observations sur les iles volcaniques_. Les savants qui avaient organise cette celebre croisiere s'etaient assigne la mission d'aller explorer, a un demi-siecle d'intervalle, les iles de l'Atlantique etudiees lors du voyage du _Beagle_. Le _Challenger_ aborda donc aux principaux points illustres par les premieres recherches de Darwin: les naturalistes de l'expedition, MM. Murray, Moseley, Buchanan et le Dr Maclean, purent se livrer ainsi sur le terrain a la constatation des faits signales par Darwin et, se guidant par ses memoires, recueillir aux gisements qu'il avait explores des series de roches analogues a celles sur lesquelles avaient porte ses investigations. On me fit l'honneur de me confier ces materiaux, et je les etudiai avec les ressources qu'offraient, au moment ou j'abordai ce travail, les procedes modernes de la lithologie[4]. Je dus, en me livrant a ces recherches, suivre ligne par ligne les divers chapitres des _Observations geologiques_ consacrees aux iles de l'Atlantique, oblige que j'etais de comparer d'une maniere suivie les resultats auxquels j'etais conduit avec ceux de Darwin, qui servaient de controle a mes constatations. Je ne tardai pas a eprouver une vive admiration pour ce chercheur qui, sans autre appareil que la loupe, sans autre reaction que quelques essais pyrognostiques, plus rarement quelques mesures au goniometre, parvenait a discerner la nature des agregats mineralogiques les plus complexes et les plus varies. Ce coup d'oeil qui savait embrasser de si vastes horizons, penetre ici profondement tous les details lithologiques. Avec quelle surete et quelle exactitude la structure et la composition des roches ne sont-elles pas determinees, l'origine de ces masses minerales deduite et confirmee par l'etude comparee des manifestations volcaniques d'autres regions; avec quelle science les relations entre les faits qu'il decouvre et ceux signales ailleurs par ses devanciers ne sont-elles pas etablies, et comme voici ebranlees les hypotheses regnantes, admises sans preuves, celles, par exemple, des crateres de soulevement et de la differenciation radicale des phenomenes plutoniques et volcaniques! Ce qui acheve de donner a ce livre un incomparable merite, ce sont les idees nouvelles qui s'y trouvent en germe et jetees la comme au hasard ainsi qu'un superflu d'abondance intellectuelle inepuisable. Et l'impression que j'exprime ici est celle qu'eprouvent tous ceux qui se sont familiarises avec les etudes de Darwin sur les phenomenes volcaniques. On s'en convaincra dans les pages qui suivent et par lesquelles M. J. W. Judd a fait preceder l'oeuvre geologique du grand naturaliste editee dans _The Minerva Library of famous Books_[5]. Parmi les geologues actuels, personne peut-etre n'a mieux connu Darwin et n'est plus a meme de se prononcer sur ses travaux que M. Judd: ses recherches sur le volcanisme dans ses manifestations a l'epoque presente et aux periodes anciennes de l'histoire du globe sont si hautement appreciees qu'elles le designaient pour la mission que lui ont confiee les editeurs de cette publication. Je tiens a les remercier ici, ainsi que mon savant ami M. Judd de l'autorisation qu'ils m'ont si obligeamment accordee de placer cette Introduction en tete du volume que je publie aujourd'hui. Elle m'a paru presenter un interet tres vif en rappelant, comme elle le fait, les circonstances dans lesquelles fut ecrit ce livre. Je me suis efforce de conserver religieusement a cette traduction la simplicite de l'original et j'ai mis tous mes soins a rendre la pensee de l'Auteur avec une scrupuleuse exactitude. J'ai maintenu les denominations lithologiques qu'il avait adoptees, considerant qu'il s'agissait en cela d'un aspect historique a conserver. En publiant cette traduction, mon but n'a pas ete seulement de rappeler la haute valeur et la portee de l'oeuvre geologique de Darwin, de completer ainsi pour les lecteurs francais la collection des oeuvres de l'immortel naturaliste: j'ai voulu aussi, par mon modeste travail, rendre hommage a ce liberateur de la pensee qu'est Darwin, a ce paisible chercheur qui marcha simplement vers la verite malgre les cris et les clameurs dont on essaya d'etouffer sa voix, a ce caractere vraiment eleve qui n'eut jamais en reponse aux insultes ineptes et haineuses que des paroles sereines. Mais la verite marcha cette fois d'un pas rapide, et, durant les dernieres annees de sa noble et laborieuse existence, il put voir le triomphe de l'evolution, et assister a ce mouvement emancipateur des sciences naturelles qu'avaient provoque ses doctrines. Darwin a trace la route qui menait vers des horizons nouveaux: le monde intellectuel tout entier s'y est engage et ceux-la meme qui le declaraient jadis un esprit faux et superficiel, qui criaient bien haut que ses theories etaient radicalement inconciliables avec les dogmes et la morale, se sentant vaincus par l'universalite de la poussee evolutionniste, en sont reduits a une honteuse capitulation. Pour ceux- la, la marche triomphale du Darwinisme est une nouvelle et terrible defaite. J'estime qu'il est bon de rappeler aux consciences ces heros de la verite qui n'eurent d'autres armes que leur intelligence liberee des prejuges, leur raison eclairee, leur travail opiniatre et calme et qui surent remplir au prix d'amertumes sans nombre la si difficile tache d'avoir fait accomplir a la pensee humaine un pas en avant. Entre eux, Darwin est des premiers. A.-F. RENARD. Notes: [1] La mise en oeuvre des observations et des materiaux geologiques amasses par Darwin pendant l'Expedition du _Beagle_ (decembre 1831 a octobre 1836) s'etend sur une periode de quatre ans, de 1842 a 1846. Son livre sur les iles volcaniques, commence en ete 1842, fut termine en janvier 1844; six mois apres, il mettait sur le metier ses observations sur la geologie de l'Amerique du Sud, qu'il achevait d'ecrire en avril 1845. Durant la periode qui s'etend de 1846 a 1854, il fit paraitre une serie de travaux secondaires se rattachant a la geologie et qui portent _sur les poussieres tombees sur les navires dans l'Ocean Atlantique_ (Geol. Soc. Journ. II, 1846, pp. 26-30), _sur la geologie des iles Falkland_ (Geol. Soc. Journ. II, 1846, pp. 267-274), _sur le transport des blocs erratiques_, etc. (Geol. Soc. Journ. IV, 1848, pp. 315-323), sur _l'analogie de structure de certaines roches volcaniques avec celles des glaciers_ (Edinb. Roy. Soc. Proc. II, 1851, pp. 17-18). Les deux volumes de son memoire sur les Cirripedes parurent en 1851 et 1854 ainsi que ses monographies des Balanides et des Verrucides fossiles de la Grande-Bretagne. [2] Darvin, _les Recifs de corail, leur structure et leur distribution_. Trad. de l'anglais d'apres la 2e edition, par L. Cosserat, Paris, 1878. [3] Sir Archibald Geikie, _The Founders of Geology_, p. 282. 1897. [4] Les memoires que j'ai publies sur la lithologie des iles explorees par Darwin lors du voyage du _Beagle_ et par les naturalistes du _Challenger_, ont paru dans la collection des _Reports of the scientific Results of the voyage of H.M.S. Challenger_ sous les titres _Petrology of Saint-Paul's Rocks_ (Narr. vol. II, appendice B), 1882, _Petrology of volcanic Islands_ (Phys. Chem. Part. VII) (vol. II, 1889). Les chapitres suivants de ce dernier memoire portent specialement sur les roches decrites dans _Geological Observations on volcanic Islands_ de Darwin: II, _Rocks of the Cape de Verde Islands_, p. 13. IV, _Rocks of Fernando Noronha_, p. 29. V, _Rocks of Ascension_, p. 39. VII, _Rocks of the Falkland Islands_, p. 97. [5] _Distribution and Structure of coral rocks, Geological Observations on volcanic Island and parts of South America_, by Ch. Darwin, with Introduction by J.W. Judd, Professor of Geology in the Normal School of Science, South Kensington. INTRODUCTION Pendant les dix annees qui suivirent son retour en Angleterre, apres son voyage autour du Monde, Darwin se consacra surtout a la preparation de la serie d'ouvrages qui furent publies sous le titre general de _Geologie du Voyage du Beagle_. Le second volume de la serie comprend les _Observations geologiques sur les iles volcaniques, et les notes sur la geologie de l'Australie et du Cap de Bonne-Esperance_, il parut en 1844. Les materiaux de ce volume ont ete reunis en partie au commencement du voyage, lorsque le Beagle fit escale a San Thiago dans l'archipel du Cap-Vert, aux Rochers de Saint-Paul et a Fernando Noronha; mais surtout durant la croisiere de retour; c'est alors que Darwin etudia les iles Galapagos, qu'il traversa l'archipel des iles Pomotou et visita Tahiti. Apres avoir touche a la Baie des Iles dans la Nouvelle-Zelande, ainsi qu'a Sydney, a Hobart-Town et a King George's Sound en Australie, le _Beagle_, traversant l'Ocean Indien, fit voile vers le petit groupe des iles Keeling ou Cocos, celebre par les observations qu'y a faites Darwin, et se dirigea ensuite vers l'ile Maurice. Apres une escale au Cap de Bonne-Esperance, le navire arriva successivement a Sainte-Helene et a l'Ascension, et visita une seconde fois les iles du Cap-Vert avant de rentrer en Angleterre. Le voyage pendant lequel Darwin eut l'occasion d'etudier tant de centres volcaniques interessants, lui reservait au debut une amere deception. Durant la derniere annee de son sejour a Cambridge il avait lu le _Personal Narrative_ de Humboldt et en avait extrait de longs passages relatifs a Teneriffe. Il avait recueilli un ensemble de renseignements en vue d'une exploration de cette ile, lorsqu'on lui proposa d'accompagner le capitaine Fitzroy a bord du _Beagle_. Son ami Henslow lui avait conseille, en le quittant, de se procurer le premier volume des _Principes de Geologie_ qui venait de paraitre, tout en le premunissant contre les idees de l'auteur de cet ouvrage. Au commencement du voyage, Darwin, accable par un violent mal de mer qui le confinait dans sa cabine, consacrait tous les instants de repit que lui laissait la maladie a etudier Humboldt et Lyell. On se figure sa deception, quand, au moment ou le navire atteignait Santa-Cruz et ou le Pic de Teneriffe apparaissait au milieu des nuages, on recut la nouvelle que le cholera regnait dans l'ile et empechait tout debarquement. Une ample compensation lui etait reservee, cependant, quand le _Beagle_ arriva a Porto-Praya dans l'ile de San Thiago, la plus grande de l'archipel du Cap-Vert. Darwin y passa trois semaines dans des conditions favorables et c'est la qu'il commenca, a proprement parler, son oeuvre de geologue et de naturaliste. "Faire de la geologie dans une contree volcanique, ecrit-il a son pere, est chose charmante; outre l'interet qui s'attache a cette etude en elle-meme, elle vous conduit dans les sites les plus beaux et les plus solitaires. Un amateur passionne d'histoire naturelle peut seul se representer le plaisir qu'on eprouve a errer parmi les cocotiers, les bananiers, les cafeiers et d'innombrables fleurs sauvages. Et cette ile, qui a ete pour moi si instructive et m'a prodigue tant de jouissances, est cependant l'endroit le moins interessant, peut-etre, de tous ceux que nous explorerons pendant notre voyage. Certes, elle est, en general, assez sterile, mais le contraste meme fait apparaitre les vallees admirablement belles. Il serait inutile de tenter la description de ce tableau; aussi facile serait-il d'expliquer a un aveugle ce que sont les couleurs, que de faire comprendre a quiconque n'a jamais quitte l'Europe la difference frappante qui existe entre les paysages tropicaux et ceux de nos contrees. Chaque fois qu'une chose attire mon attention admirative, je la note soit dans mon journal (dont le volume augmente), soit dans mes lettres; excusez mon enthousiasme mal traduit par des mots. Je constate que mes echantillons s'accroissent en nombre d'une maniere etonnante, et je crois que je serai oblige d'en expedier, de Rio, une collection en Angleterre." Un passage remarquable de l'_Autobiographie_, ecrite par Darwin en 1876, temoigne de l'impression ineffacable que lui laissa cette premiere visite a une ile volcanique. "La structure geologique de San Thiago est tres frappante, quoique d'une grande simplicite. Une coulee de lave s'est etalee autrefois sur le fond de la mer, constitue par des debris de coraux et de coquilles recentes; ces couches calcaires ont ete soumises comme a une cuisson et transformees en une roche blanche et dure. L'ile entiere a ete soulevee depuis cette epoque, mais l'allure de la zone de roche blanche m'a revele un fait nouveau et important: c'est qu'il s'est produit, plus tard, un affaissement autour des crateres qui avaient ete en activite depuis le soulevement. L'idee me vint alors, pour la premiere fois, que je pourrais peut-etre ecrire un livre sur la geologie des contrees que nous allions explorer, et cette pensee me fit tressaillir de joie. Ce fut pour moi une heure memorable; avec quelle nettete je me rappelle la petite falaise de lave sous laquelle je me tenais, le soleil eblouissant et torride, quelques plantes etranges du desert croissant aux alentours, et a mes pieds des coraux vivants, dans les lagunes inondees par la maree." Au moment de cette exploration, cinq annees seulement s'etaient ecoulees depuis l'epoque ou il suivait a Edimbourg les lecons du professeur Jameson, qui enseignait encore la doctrine Wernerienne. Darwin avait trouve ces lecons "incroyablement ennuyeuses". "Le seul effet qu'elles produisent sur moi, declarait-il, c'est de me faire prendre la resolution de ne lire de ma vie un livre de geologie, ni d'etudier cette science de quelque maniere que ce soit." Quel contraste avec les expressions dont il se sert en parlant de ses recherches geologiques, dans les lettres ecrites a ses parents a bord du _Beagle_! Apres avoir fait allusion au plaisir qu'il eprouve a rassembler et a etudier les animaux marins, il s'ecrie: "Mais la geologie l'emporte sur le reste!" Dans une lettre a Henslow, il dit: "La geologie m'entraine; mais, comme l'intelligent animal place entre deux bottes de foin, je ne sais a laquelle donner la preference: etudierai-je les roches cristallines anciennes ou les couches moins coherentes et plus fossiliferes?" Et, lorsque son long voyage va se terminer, il ecrit encore: "Je trouve a la geologie un interet qui ne faiblit jamais; et, comme on l'a dit deja, elle nous inspire des idees aussi vastes sur notre monde que celles que l'astronomie nous suggere sur l'ensemble des mondes." Darwin fait evidemment allusion ici a un passage de Sir John Herschel dans son admirable _Introduction a l'etude de la philosophie naturelle_, oeuvre qui exerca une influence tres profonde et tres heureuse sur l'esprit du jeune naturaliste. La predilection marquee que professait Darwin, durant et apres le celebre voyage du _Beagle_, pour les etudes geologiques, ne peut laisser aucun doute; comme il est facile aussi de reconnaitre quelle est l'ecole geologique dont il suivait les doctrines et dont l'enseignement, malgre les avertissements de Sedgwick et de Henslow, le dominait tout entier. Il ecrivit en 1876: "La premiere contree que j'ai etudiee, l'ile de San Thiago dans l'archipel du Cap Vert, m'a demontre clairement la remarquable superiorite de Lyell, au point de vue geologique, sur tous les auteurs dont j'avais emporte les oeuvres ou que j'ai etudies depuis." Et il ajoute: "La science geologique a contracte une grande dette envers Lyell, elle lui doit plus, je crois, qu'a personne au monde... Je suis fier de me rappeler que la premiere contree dont j'etudiai la constitution geologique, San Thiago dans l'archipel du Cap Vert, m'a convaincu de la superiorite infinie des idees de Lyell sur celles que j'avais pu puiser dans tout autre livre que les siens." Les passages que j'ai cites montrent dans quel esprit Darwin commenca ses etudes geologiques, et les pages qui suivent fourniront des preuves nombreuses de l'enthousiasme, de la penetration et du soin avec lesquels ses recherches furent poursuivies. Les collections de roches et de mineraux recueillies par Darwin furent, au cours meme de son voyage, envoyees a Cambridge et confiees a son fidele ami Henslow. A son retour en Angleterre, apres avoir revu sa famille et ses amis, le premier soin de Darwin fut de commencer l'etude de ces materiaux. Vers la fin de 1836, il alla se fixer, pendant trois mois, dans un appartement de Fitzwilliam street a Cambridge: il se rapprochait ainsi d'Henslow et pouvait se livrer a l'examen des roches et des mineraux qu'il avait reunis. Il fut puissamment seconde dans cette etude par le professeur William Hallows Miller, l'eminent cristallographe et mineralogiste. Darwin ne commenca reellement a ecrire son livre sur les iles volcaniques qu'en 1843, apres s'etre etabli dans la maison qu'il habita le reste de sa vie, sa celebre residence de Down dans le Kent. Dans une lettre du 28 mars 1843 a son ami M. Fox, il dit: "J'avance tres lentement dans la redaction d'un livre, ou plutot d'une brochure sur les iles volcaniques que nous avons explorees; je n'y consacre qu'une couple d'heures chaque jour, et encore d'une maniere assez peu reguliere. C'est une besogne ingrate que d'ecrire des livres dont la publication coute de l'argent et que personne ne lit, pas meme les geologues." Cette etude occupa Darwin pendant toute l'annee 1843, et le livre fut publie au printemps de l'annee suivante. D'apres une note de son journal, le temps reellement consacre a la preparation de cet ouvrage s'etendit de l'ete de 1842 jusqu'en janvier 1844. Lorsqu'il fut acheve, Darwin ne parut nullement satisfait du resultat obtenu. Il ecrivait a Lyell: "Vous m'avez fait un grand plaisir en disant que vous aviez l'intention de parcourir mes _Iles volcaniques_; ce livre m'a coute dix-huit mois de travail! Et a ma connaissance, rares sont les gens qui l'ont lu. Je sens cependant que le peu que renferme cet ouvrage, et c'est peu de chose en effet, aura son utilite en confirmant des hypotheses anciennes ou nouvelles, et que mon travail ne sera pas perdu." Il ecrivait a Sir Joseph Hooker: "Je viens de terminer un petit volume sur les iles volcaniques que nous avons explorees. J'ignore jusqu'a quel point la geologie pure et simple vous interesse, mais j'espere que vous m'autoriserez a vous envoyer un exemplaire de mon ouvrage." Tout geologue sait combien ce livre de Darwin sur les iles volcaniques est interessant et suggestif. La satisfaction mediocre qu'il semble inspirer a son auteur doit etre probablement attribuee au contraste que Darwin sentait exister entre le souvenir des vives jouissances qu'il eprouvait lorsque, le marteau a la main, il errait dans des contrees nouvelles et interessantes, et la tache lente, laborieuse et moins conforme a ses gouts que lui imposaient la transcription et l'arrangement de ses notes sous forme de livre. Lorsqu'en 1874 je decrivais les anciens volcans des iles Hebrides, j'eus frequemment l'occasion de rappeler les observations de M. Darwin sur les volcans de l'Atlantique, pour expliquer les faits que nous montrent, dans nos propres iles, les restes de volcans anciens. Darwin, ecrivant a son fidele ami Sir Charles Lyell au sujet de mon travail, lui dit: "J'ai eprouve une satisfaction bien vive en voyant citer mon livre sur les volcans, je le croyais mort et oublie." Deux ans plus tard, en 1876, on proposa a Darwin de publier une nouvelle edition des _Observations sur les iles volcaniques et sur l'Amerique du Sud_. Il hesita d'abord, car il lui semblait que ces ouvrages n'offraient plus actuellement qu'un interet mediocre; il me consulta sur ce point au cours d'une des conversations que nous avions souvent ensemble a cette epoque, et j'insistai fortement aupres de lui pour la reedition de ces livres. J'eprouvai une vive satisfaction lorsque, se rendant a mes instances, il consentit a ce qu'ils fussent publies sans aucune modification du texte. Il ecrit dans la preface de cette nouvelle edition: "Par suite des progres recents de la geologie, mes idees sur quelques points pourront paraitre un peu vieillies, mais j'ai cru preferable de les laisser telles qu'elles ont ete publiees originairement." Peut-etre ne sera-t-il pas sans interet d'indiquer brievement les principaux problemes geologiques sur lesquels le livre de Darwin _les Iles volcaniques_ a jete une nouvelle et vive lumiere. Le principal merite de ces recherches est d'avoir fourni des observations qui, non seulement, presentent un haut interet scientifique, mais dont quelques-unes ont permis de faire rejeter des erreurs couramment admises; d'appeler l'attention sur des phenomenes et des considerations qui avaient ete completement negliges par les geologues, mais qui ont exerce depuis lors une grande influence sur la genese des theories geologiques; et, enfin, de faire ressortir l'importance qui s'attache a des causes faibles et insignifiantes en apparence, mais dont quelques-unes donnent la clef de problemes geologiques du plus haut interet. En visitant des contrees ou von Buch et d'autres geologues avaient cru trouver la preuve de la theorie des "crateres de soulevement", Darwin fut amene a demontrer que les faits pouvaient recevoir une interpretation tout a fait differente. Les idees emises d'abord par le celebre geologue et explorateur allemand, et presque universellement admises par ses compatriotes, avaient ete soutenues par Elie de Beaumont et par Dufrenoy, les chefs du mouvement geologique en France. Elles etaient pourtant vigoureusement combattues par Scrope et par Lyell en Angleterre, et par Constant Prevost et Virlet de l'autre cote de la Manche. Dans cet ouvrage, Darwin nous montre sur quelles faibles bases repose cette theorie d'apres laquelle les grands crateres circulaires des iles de l'Atlantique devraient leur origine a des ampoules gigantesques de la croute terrestre, qui, en crevant a leur sommet, auraient donne naissance aux crateres. Reconnaissant l'influence que l'injection de la lave exerce sur la structure des cones volcaniques, en accroissant leur masse et leur hauteur, il montre qu'en general les volcans sont edifies par des ejaculations repetees qui amenent une accumulation de matieres eruptives autour de l'orifice. Cependant, quoiqu'il arrivat aux memes vues generales que Scrope et que Lyell sur l'origine des crateres volcaniques ordinaires, Darwin vit clairement que, dans certains cas, de grands crateres peuvent s'etre formes ou s'etre agrandis par l'affaissement du plancher, a la suite d'eruptions. L'importance de ce facteur auquel les geologues avaient accorde trop peu d'attention, a ete montree recemment par le professeur Dana dans son admirable ouvrage sur le Kilauea et d'autres grands volcans de l'archipel hawaien. L'affaissement qui se produit autour d'un centre volcanique, et qui determine le plongement des couches environnantes, a ete mis en lumiere pour la premiere fois par Darwin, comme resultat de son premier travail sur les iles du Cap-Vert. Des exemples frappants du meme fait ont ete signales depuis en Islande par M. Robert et par d'autres, dans la Nouvelle-Zelande par M. Heaphy, et dans les iles occidentales de l'Ecosse par moi-meme. A diverses reprises, Darwin appela l'attention des geologues sur le fait que les orifices volcaniques presentent entre eux des relations qu'on ne saurait expliquer sans admettre l'existence, dans la croute terrestre, de lignes de fracture le long desquelles les laves se sont fraye un chemin vers la surface. Mais en meme temps il vit clairement qu'il n'existait pas de preuves du passage de grands torrents de laves le long de ces fractures; il montra comment les plateaux les plus remarquables, formes de nappes de laves successives, peuvent avoir ete construits par des emissions repetees et moderees, emanant d'orifices volcaniques nombreux, distincts les uns des autres. Il insiste expressement sur la rapidite avec laquelle la denudation peut faire disparaitre les cones de cendres formes autour des orifices d'ejaculation, et les traces d'emissions successives de laves. L'un des chapitres les plus remarquables du livre est celui ou l'auteur traite des effets de la denudation determinant l'erosion de l'appareil volcanique, au point de ne plus laisser subsister que des epaves ou troncons ruines de volcans. Il a eu l'occasion d'etudier une serie de cas permettant de suivre toutes les gradations des formes volcaniques, depuis les cones complets jusqu'aux masses bouchant les crateres, ou elles s'etaient solidifiees. Les observations de Darwin sur ce sujet ont ete de la plus haute valeur et du plus grand secours pour tous ceux qui se sont efforces d'etudier les effets de l'action volcanique pendant les periodes anciennes de l'histoire de la terre. Comme Lyell, Darwin etait fermement convaincu de la continuite des actions geologiques, et c'etait toujours avec une vive satisfaction qu'il constatait que les phenomenes du passe pouvaient s'interpreter par des causes actuelles. Au moment ou Lyell se livrait, quelques mois avant sa mort, a ses derniers travaux geologiques sur les environs de sa residence dans le Forfarshire, il ecrivit a Darwin: "Toutes mes recherches ont confirme ma conviction que la seule difference entre les roches volcaniques paleozoiques et recentes se reduit aux modifications qui ont du se produire en raison de l'immense periode de temps pendant laquelle les produits des volcans les plus anciens ont ete soumis a des transformations chimiques." Lorsqu'apres avoir acheve ses etudes sur les phenomenes volcaniques, Darwin entreprit l'examen des grandes masses granitiques des Andes, il fut vivement frappe des relations qui unissent les roches dites plutoniques et les roches d'origine incontestablement volcanique. On doit dire a ce sujet que les circonstances memes dans lesquelles se fit la croisiere du _Beagle_ furent tres favorables a Darwin dans ses etudes sur les roches eruptives. Apres avoir observe des types nettement caracterises de la serie recente, il alla etudier dans l'Amerique du Sud de remarquables gisements de masses ignees anciennes tres cristallines et, dans le voyage de retour, il put revoir les roches volcaniques recentes, raviver ainsi ses premieres impressions et etablir des relations entre ces deux types lithologiques. Il exposa quelques-unes des considerations generales que ces observations lui avaient suggerees, dans un travail qu'il lut a la Societe Geologique le 17 mars 1838, et qui portait comme titre: _Du rapport de certains phenomenes volcaniques, de la formation des chaines de montagnes, et des effets des soulevements continentaux_. La relation entre ces deux ordres de faits est discutee d'une maniere plus approfondie dans son livre sur la geologie de l'Amerique du Sud. Les preuves d'un soulevement recent constatees sur les cotes d'un grand nombre d'iles volcaniques amenerent Darwin a conclure qu'en general les aires volcaniques sont des regions de soulevement; et il fut conduit, naturellement, a les opposer aux aires dans lesquelles, comme il le montra, la presence d'atolls, de recifs frangeants et de recifs-barrieres, offre les preuves d'un affaissement. Il parvint de cette maniere a dresser une carte des aires oceaniques, les repartissant en zones soumises a des mouvements de soulevement ou d'affaissement. Ses conclusions a cet egard etaient aussi neuves que suggestives. Darwin reconnut tres clairement le fait que la plupart des iles oceaniques semblent etre d'origine volcanique, quoiqu'il prit soin de signaler les exceptions importantes qui infirment, dans une certaine mesure, la generalisation de cette regle. Dans son _Origine des especes_ il a developpe l'idee et emis la theorie de la permanence des bassins oceaniques, que d'autres auteurs ont adoptee apres lui et ont etendue plus loin, pensons-nous, que Darwin n'avait cru devoir le faire. Sa prudence sur ce point et sur les questions speculatives du meme genre etait bien connue de tous ceux qui avaient l'habitude de les discuter avec lui. Quelques annees avant le voyage du _Beagle_, M. Poulett Scrope avait signale les analogies remarquables qui existent entre certaines roches ignees a structure rubanee, telles qu'on en rencontre aux iles Ponces, et les schistes cristallins feuilletes. Il ne semble pas que Darwin ait eu connaissance du remarquable memoire de Scrope, mais il appela l'attention, d'une maniere toute spontanee, sur les memes phenomenes lorsqu'il entreprit l'etude de roches fort analogues qu'on observe a l'ile de l'Ascension. Comme il venait d'etudier les grandes masses de schistes cristallins du continent Sud-Americain, il fut frappe du fait que les roches incontestablement ignees de l'Ascension offrent une repartition identique des mineraux constitutifs, le long de "feuillets" paralleles. Ces observations conduisirent Darwin a la meme conclusion que celle a laquelle Scrope etait arrive quelque temps auparavant, c'est-a-dire que, lorsque la cristallisation s'opere dans des masses rocheuses soumises a des forces deformatrices tres puissantes, il se produit une separation et une distribution des mineraux constitutifs, suivant des plans paralleles. On a reconnu pleinement aujourd'hui que ce processus doit avoir ete un facteur important dans la formation des roches metamorphiques, que les auteurs recents designent sous le nom de _dynamo-metamorphisme_. Dans l'etude de ce probleme et d'un grand nombre d'autres analogues, exigeant des connaissances mineralogiques tres exactes, il est remarquable de voir a quel point Darwin reussissait a decouvrir la verite au sujet des roches qu'il etudiait, a l'aide seulement d'un canif, d'une simple loupe, de quelques essais chimiques et du chalumeau. Depuis Darwin l'etude des roches en sections minces sous le microscope a ete inventee, et est aujourd'hui du plus grand secours dans toutes les recherches petrographiques. Plusieurs des iles etudiees par Darwin ont ete explorees a nouveau, et des echantillons de leurs roches ont ete recueillis pendant le voyage du navire de la Marine Royale le _Challenger_. Les resultats de l'etude qu'en a faite un des maitres de la microscopie des roches, le Professeur Renard, de Bruxelles, ont ete publies recemment dans un des volumes des _Rapports sur l'Expedition du Challenger_. Il est interessant de constater que, tandis que ces recherches recentes ont enrichi la science geologique d'un grand nombre de faits nouveaux et precieux, et que des changements nombreux ont ete apportes a la nomenclature et a d'autres points de detail, tous les faits principaux decrits par Darwin et par son ami le professeur Miller ont resiste a l'epreuve du temps et d'une etude plus approfondie, et demeurent comme un monument de la sagacite et de la justesse d'observation de ces pionniers des recherches geologiques. JOHN W. JUDD. OBSERVATIONS GEOLOGIQUES SUR LES ILES VOLCANIQUES CHAPITRE PREMIER SAN THIAGO, ARCHIPEL DU CAP VERT Roches des assises inferieures.--Depot sedimentaire calcareux avec coquilles recentes metamorphise au contact de laves surincombantes; allure horizontale et etendue en surface de ces couches.--Roches volcaniques posterieures associees a une matiere calcaire terreuse et fibreuse, et frequemment renfermee dans les vacuoles des scories.--Anciens orifices d'eruption obliteres, de petite dimension.--Difficulte que presente la determination de coulees de laves recentes sur une plaine unie.--Collines de l'interieur de l'ile, constituees par des roches volcaniques plus anciennes.--Grandes masses d'olivine decomposee.--Roches feldspathiques situees sous les couches de basalte cristallin.--Uniformite de structure et d'aspect des collines volcaniques les plus anciennes.--Forme des vallees voisines de la cote.--Conglomerat en voie de formation sur la plage. L'ile de San Thiago s'etend du N.-N.-W. au S.-S.-E. sur une longueur de trente milles et une largeur de douze milles environ. Les observations auxquelles je me suis livre pendant mes deux visites a cette ile ont toutes ete faites dans sa partie meridionale et dans un rayon de quelques lieues seulement autour de Porto-Praya.--Vue de la mer, la contree offre une configuration variee: des collines coniques a pentes douces, de couleur rougeatre (telle que la colline designee sous le nom de Red Hill et representee dans la figure intercalee dans le texte)[1] et d'autres collines moins regulieres, d'une couleur noiratre et a sommet plat (marquees A, B, C, dans la meme figure), s'elevent au-dessus de plaines de lave qui s'etagent en gradins successifs. On apercoit dans le lointain une chaine de montagnes, hautes de plusieurs milliers de pieds, qui traverse l'interieur de l'ile. Il n'y a pas de volcan actif a San Thiago, et il n'en existe qu'un seul dans tout l'archipel, celui de Fogo. L'ile n'a ete eprouvee par aucun tremblement de terre violent depuis qu'elle est habitee. [Illustration: FIG. I.--Vue d'une partie de San Thiago, l'une des iles du Cap Vert.] Les roches inferieures que l'on voit sur la cote pres de Porto-Praya sont tres cristallines et fort compactes; elles semblent appartenir a des masses volcaniques anciennes et d'origine sous-marine. Frequemment elles sont recouvertes, en stratification discordante, par un depot calcaire irregulier, d'une faible epaisseur, ou abondent des coquilles appartenant a une des dernieres periodes de l'ere tertiaire; ce depot est recouvert, a son tour, par une grande nappe de lave basaltique, qui, partie du centre de l'ile, s'est repandue en coulees successives entre les collines a sommet plat marquees A, B, C, etc. Des coulees plus recentes ont ete ejaculees par les cones dissemines dans l'ile, tels que Red Hill et Signal-Post Hill. Les couches superieures des collines a sommet plat presentent, au point de vue de la constitution mineralogique et a d'autres egards encore, un rapport intime avec les assises inferieures des couches de la cote, qui semblent former avec elles une masse continue. _Description mineralogique des roches formant les assises inferieures_.--Le caractere de ces roches est extremement variable. Elles sont formees d'une masse fondamentale basaltique compacte, noire, brune ou grise, renfermant de nombreux cristaux d'augite, de hornblende, d'olivine, de mica, et parfois du feldspath vitreux. On rencontre frequemment une variete presque entierement composee de cristaux d'augite et d'olivine. On sait que le mica se presente rarement la ou l'augite abonde, et vraisemblablement la roche qui nous occupe n'offre pas une exception manifeste a cette regle, car le mica y est arrondi aussi parfaitement qu'un caillou dans un conglomerat (tout au moins dans le plus caracteristique de mes specimens, ou l'on voit un nodule de mica long d'un demi-pouce); il n'a evidemment pas cristallise dans la pate qui le renferme aujourd'hui, mais il doit avoir ete forme par la fusion d'une roche plus ancienne. Ces laves compactes alternent avec des tufs, des roches amygdaloides et des wackes, et, a certains endroits, avec des conglomerats grossiers. Parmi les wackes argileuses, les unes sont vert fonce, d'autre vert jaunatre pale, d autres enfin presque blanches. Je constatai avec etonnement qu'un certain nombre de ces dernieres roches, meme les plus blanches, fondaient en un email noir de jais, tandis que plusieurs echantillons des varietes vertes ne donnaient qu'un globule gris pale. De nombreux dikes formes essentiellement de roches augitiques tres compactes et de varietes amygdaloides grises coupent les couches; en divers endroits celles-ci ont ete violemment disloquees et fortement redressees. Une ligne de dislocation coupe l'extremite septentrionale de Quailland, ilot de la baie de Porto-Praya, et on peut le suivre jusqu'a l'ile principale. Ces dislocations se sont produites avant le depot de la couche sedimentaire recente, et la surface de l'ile a subi, anterieurement a ce depot, une denudation importante, comme l'attestent de nombreux dikes tronques. _Description du depot calcaire qui recouvre les roches volcaniques dont il vient d'etre question_.--Cette couche peut etre facilement reconnue a cause de sa couleur blanche et de l'extreme regularite avec laquelle elle s'etend le long de la cote, sur une ligne horizontale pendant plusieurs milles. Sa hauteur moyenne au-dessus de la mer, mesuree depuis sa ligne de contact avec les laves basaltiques qui la recouvrent, est de 60 pieds environ; et son epaisseur, fort variable a cause des inegalites de la formation sur laquelle elle repose, peut etre evaluee a environ 20 pieds. Cette couche est formee d'une substance calcaire parfaitement blanche, constituee en partie par des debris organiques et en partie par une substance que l'on pourrait comparer, pour l'aspect, a du mortier. Des fragments de roches et des cailloux sont dissemines dans toute cette couche, et se reunissent souvent en conglomerat, surtout vers la base. Un grand nombre de ces fragments sont comme badigeonnes d'une couche peu epaisse de matiere calcareuse blanchatre. A Quail-island, la partie inferieure du depot calcaire est remplacee par un tuf terreux tendre, de couleur brune, plein de turritelles, et qui est surmonte d'un lit de cailloux passant au gres et contenant des fragments d'echinides, des pinces de crabes et des coquilles; les coquilles d'huitres adherent encore aux roches sur lesquelles elles vivaient. Le depot renferme un grand nombre de spherules blanches ressemblant a des concretions pisolitiques, et dont la grosseur varie de celle d'une noix a celle d'une pomme; elles renferment ordinairement un petit caillou en leur centre. Je me suis assure par un examen minutieux que ces soi-disant concretions etaient des nullipores conservant leur forme propre, mais dont la surface etait legerement usee par le frottement; ces corps (consideres generalement aujourd'hui comme des vegetaux) n'offrent aucune trace d'organisation interieure, quand on les etudie sous un microscope de puissance moyenne. M. Georges R. Sowerby a bien voulu examiner les coquilles que j'ai rassemblees; elles appartiennent a quatorze especes, dont les caracteres sont assez bien conserves pour qu'il soit possible de les determiner avec un degre de certitude suffisant, et a quatre especes dont on ne peut etablir que le genre. Parmi les quatorze mollusques dont la liste se trouve a l'appendice, onze appartiennent a des especes recentes; un, non encore decrit, pourrait etre identique a une espece vivante que j'ai trouvee dans le port de Porto-Praya; les deux autres especes sont nouvelles et ont ete decrites par M. Sowerby. Les connaissances que nous possedons sur les mollusques de cet archipel et des cotes voisines ne sont pas encore assez completes pour nous permettre d'affirmer que ces coquilles, meme les deux dernieres, appartiennent a des especes eteintes. Parmi ces coquilles, celles qui se rapportent incontestablement a des especes vivantes ne sont pas nombreuses, mais elles suffisent cependant pour demontrer que le depot appartient a une periode tertiaire recente. Les caracteres mineralogiques de la formation, le nombre et les dimensions des fragments qu'elle renferme, et l'abondance des patelles et des autres coquilles littorales, demontrent que tout l'ensemble s'est accumule dans une mer peu profonde, pres d'un ancien rivage. _Effets produits par la coulee de lave basaltique qui s'est repandue sur le depot calcaire_.--Ces effets sont tres remarquables. Cette matiere calcareuse est modifiee jusqu'a une profondeur d'environ un pied sous la ligne de contact, et on peut suivre le passage, tout a fait insensible, de petits fragments de coquilles, de corallines et de nullipores a peine agreges, jusqu'a une roche, ou l'on ne peut trouver aucune trace d'une origine mecanique, meme au microscope. Aux points ou les modifications metamorphiques ont ete les plus intenses, on observe deux varietes de roches. La premiere variete est dure et compacte, finement grenue et blanche, sillonnee par quelques lignes paralleles formees de particules volcaniques noiratres; cette roche ressemble a un gres, mais un examen plus minutieux montre qu'elle est completement cristalline, avec des faces de clivage si parfaites qu'on peut les mesurer facilement au goniometre a reflexion. Si, apres les avoir mouilles, on examine, a l'aide d'une forte loupe, les echantillons qui ont subi un metamorphisme moins complet, on peut constater une transformation graduelle tres interessante; quelques-unes des particules arrondies qui les constituent conservent leur forme propre, tandis que d'autres se fusionnent insensiblement dans la masse granulo-cristalline. Les surfaces decomposees de cette roche revetent une couleur rouge-brique, comme c'est souvent le cas pour les calcaires ordinaires. La seconde variete metamorphique est, de meme, une roche dure mais sans trace de structure cristalline. C'est une pierre calcaire blanche, opaque et compacte, fortement mouchetee de taches, irregulierement arrondies, d'une matiere terreuse, ocreuse et tendre. Cette matiere terreuse presente une couleur brun-jaunatre pale, et parait etre un melange de fer et de carbonate de chaux; elle fait effervescence avec les acides, elle est infusible mais noircit au chalumeau et devient magnetique. La forme arrondie des petites taches de substance terreuse, ainsi que les diverses etapes qu'on peut constater jusqu'a leur isolement parfait, et qu'on peut suivre en examinant une serie d'echantillons, montrent clairement qu'elles ont ete formees, soit par l'attraction des particules terreuses entre elles, soit plus vraisemblablement par une attraction reciproque des atomes de carbonate de chaux amenant alors la segregation de ces impuretes terreuses etrangeres. Ce fait m'a vivement interesse, car j'avais observe souvent des roches quartzeuses (par exemple aux iles Falkland, et dans les couches siluriennes inferieures des Stiper-Stones dans le Shropshire) mouchetees, d'une maniere precisement analogue, par de petites taches d'une substance terreuse blanchatre (feldspath terreux?); on avait deja toutes raisons de croire alors que ces roches avaient ete modifiees ainsi sous l'action de la chaleur, et cette hypothese recoit maintenant sa confirmation. Cette texture tachetee pourrait fournir peut-etre quelques indications pour distinguer les roches quartzeuses, qui doivent leur structure actuelle a une action ignee, de celles formees par voie purement aqueuse; distinction qui doit avoir fait hesiter bien des geologues dans l'etude des regions arenaceo-quartzeuses, si j'en juge par ma propre experience. En s'epanchant sur les sediments etales au fond de la mer, les parties inferieures et les plus scoriacees de la lave ont empate une grande quantite de matiere calcaire, qui forme maintenant la pate tres cristalline et blanche comme neige, d'une breche renfermant de petits fragments de scories noires et brillantes. Un peu au-dessus de cette couche, la ou le calcaire est moins abondant et la lave plus compacte, les interstices de la masse de lave sont remplis d'un grand nombre de petites spheres, formees de spicules de calcaire spathique, qui rayonnent autour d'un centre commun. Dans une certaine partie de Quail-island, ou les laves surincombantes n'ont pas plus de 14 pieds d'epaisseur, le calcaire a pu cristalliser sous l'influence de la chaleur degagee par ces matieres eruptives; on ne peut pas admettre que cette faible couche de lave ait ete plus epaisse a l'origine, et que son epaisseur ait ete reduite par une erosion posterieure, l'etat celluleux de sa surface nous le montre. J'ai deja fait observer que la mer ou le depot calcaire s'est opere devait etre peu profonde; le degagement de l'anhydride carbonique a donc ete entrave par une pression de loin inferieure a celle, equivalant a une colonne d'eau haute de 1.708 pieds, que Sir James Hall considerait comme necessaire pour empecher ce degagement. Depuis l'epoque de ses experiences on a decouvert que c'est moins la pression que la nature de l'atmosphere ambiante qui intervient pour retenir l'acide carbonique gazeux. Ainsi, il resulte d'experiences de M. Faraday[2] que des masses importantes de calcaire se fondent quelquefois et cristallisent, meme dans des fours a chaux ordinaires. Suivant M. Faraday, le carbonate de chaux peut etre chauffe, pour ainsi dire, a toute temperature dans une atmosphere d'acide carbonique, sans se decomposer; et Gay-Lussac a montre que des fragments de calcaire, chauffes dans un tube a une temperature insuffisante par elle-meme pour provoquer leur decomposition, degageaient cependant l'acide carbonique des qu'on faisait passer au travers du tube un courant d'air ou de vapeur d'eau: Gay-Lussac attribue ce phenomene au deplacement de l'acide carbonique naissant. La matiere calcaire, qui se trouve sous la lave, surtout celle qui forme les aiguilles cristallines renfermees dans les vacuoles des scories, ne peut pas avoir subi l'action du passage d'un courant gazeux, quoiqu'elle ait ete chauffee dans une atmosphere contenant vraisemblablement une tres forte proportion de vapeur d'eau. Peut-etre est-ce pour cette raison qu'elle a conserve son acide carbonique sous cette pression relativement faible. Les fragments de scories renfermes dans la pate calcaire cristalline sont d'un noir de jais, a cassure brillante comme celle de la retinite. Cependant leur surface est recouverte d'une couche d'une substance translucide orange-rougeatre, que l'on peut gratter facilement au canif; ces fragments apparaissent alors comme s'ils etaient recouverts d'une couche mince de matiere resineuse. Les plus petits d'entre eux presentent des parties completement transformees en cette substance; transformation qui semble tout a fait differente d'une decomposition ordinaire. Nous verrons dans un autre chapitre qu'a l'archipel des Galapagos de grandes couches de cendres volcaniques, avec particules scoriacees, ont subi une transformation a peu pres identique. _Extension et horizontalite du depot calcaire_.--La limite superieure du depot calcaire, si nettement marquee a cause de la couleur blanche de cette roche, et si voisine de l'horizontale, court le long de la cote sur une distance de plusieurs milles, a l'altitude de 60 pieds environ au-dessus du niveau de la mer. La nappe de basalte qui la recouvre presente une epaisseur moyenne de 80 pieds. A l'ouest de Porto-Praya, au-dela de Red Hill, la couche blanche avec le basalte qui la surmonte, sont recouverts par des coulees plus recentes. J'ai pu la suivre de l'oeil, au nord de Signal-Post Hill, s'etendant au loin sur une distance de plusieurs milles, le long des falaises de la cote. Mes observations ont porte sur une etendue d'environ 7 milles le long de la cote, mais la regularite de cette couche me porterait a croire qu'elle s'etend beaucoup plus loin. Dans des ravins perpendiculaires a la cote, on la voit plonger doucement vers la mer, probablement suivant l'inclinaison qu'elle presentait lors de son depot sur les anciens rivages de l'ile. Je n'ai trouve dans l'interieur de l'ile qu'une seule coupe ou cette couche fut visible, a la hauteur de quelques centaines de pieds, c'est a la base de la colline marquee A; elle y repose, comme d'habitude, sur la roche augitique compacte associee avec de la wacke, et elle y est recouverte par la grande nappe de lave basaltique recente. En certains points cependant cette couche blanche ne conserve pas son horizontalite; a Quail-island sa surface superieure ne s'eleve qu'a 40 pieds au-dessus du niveau de la mer; ici egalement la nappe de lave qui la recouvre n'a que 12 a 15 pieds d'epaisseur; d'autre part, au nord-est du port de Porto-Praya, la couche calcaire ainsi que la roche sur laquelle elle repose atteignent une hauteur superieure au niveau moyen. Je crois que dans ces deux cas la difference de niveau ne provient pas d'un exhaussement inegal, mais de l'irregularite primitive du fond de la mer. Ce fait peut etre demontre a Quail-island, car le depot calcaire y offre en un certain point une epaisseur de beaucoup superieure a la moyenne, alors qu'en d'autres points cette roche ne se montre pas; dans ce dernier cas les laves basaltiques recentes reposent directement sur les laves plus anciennes. [Illustration: FIG. 2.--Signal-Post Hill;--A. Roches volcaniques anciennes;--B. Depot calcareux;--C. Lave basaltique superieure.] Sous Signal-Post Hill la couche blanche plonge dans la mer d'une maniere bien interessante. Cette colline est conique, haute de 450 pieds, et offre encore quelques traces de structure crateriforme; elle est constituee en majeure partie de matieres eruptives emises posterieurement au soulevement de la grande plaine basaltique, mais en partie aussi de laves tres anciennes, probablement de formation sous-marine. La plaine environnante et le flanc oriental de la colline ont ete decoupes par l'erosion en falaises escarpees surplombant la mer. La couche calcaire blanche est visible dans ces ravinements a la hauteur de 70 pieds environ au-dessus du rivage, et s'etend au nord et au sud de la colline, sur une longueur de plusieurs milles, en dessinant une ligne qui parait parfaitement horizontale; mais, au-dessous de la colline, elle plonge dans la mer et disparait sur une longueur d'environ un quart de mille. Le plongement est graduel du cote du sud, et plus brusque du cote du nord, comme le montre la figure. Ni la couche calcaire ni la lave basaltique surincombante (pour autant qu'on puisse distinguer cette derniere des coulees plus recentes) n'augmentent d'epaisseur a mesure qu'elles plongent; j'en conclus que ces couches n'ont pas ete originairement accumulees dans une depression dont le centre serait devenu plus tard un point d'eruption, mais qu'elles ont ete derangees et ployees posterieurement a leur depot. Nous pouvons supposer, ou bien que Signal-Post Hill, apres son soulevement, s'est abaisse avec la region environnante, ou bien qu'il n'a jamais ete souleve a la meme hauteur qu'elle. Cette derniere hypothese me parait la plus vraisemblable, car, durant le soulevement lent et uniforme de cette partie de l'ile, l'energie souterraine, affaiblie par des eruptions repetees de matieres volcaniques emises au-dessous de ce point, devait necessairement conserver moins de puissance pour le soulever. Un fait analogue semble s'etre produit pres de Red Hill, car, en remontant les coulees de lave qui affleurent, des environs de Porto-Praya vers l'interieur de l'ile, j'ai ete amene a supposer que la pente de la region a ete legerement modifiee depuis que la lave y a coule, soit qu'il y ait eu un leger affaissement pres de Red Hill, soit que cette partie de la plaine ait ete portee a une hauteur moins considerable que le reste de la contree, lors du soulevement general. _Lave basaltique qui surmonte le depot calcaire_.--Cette lave, d'un gris pale, est fusible en un email noir; sa cassure est terreuse et concretionnee, elle contient de petits grains d'olivine. Les parties centrales de la masse sont compactes, ou parsemees tout au plus de quelques petites cavites, et elles sont souvent colonnaires. Cette structure se presente d'une maniere saillante a Quail-island ou la lave a ete divisee, d'une part, en lamelles horizontales et, d'autre part, decoupee par des fissures verticales en plaques pentagonales; celles-ci etant a leur tour empilees les unes sur les autres, se sont insensiblement soudees, de maniere a former de belles colonnes symetriques. La surface inferieure de la lave est vesiculaire, mais parfois sur une epaisseur de quelques pouces seulement; la surface superieure, qui est egalement vesiculaire, est divisee en spheres formees de couches concentriques, et dont le diametre atteint souvent 3 pieds. La masse est formee de plus d'une coulee; son epaisseur totale etant, en moyenne, de 80 pieds. La partie inferieure s'est certainement etalee en coulees sous-marines, et il en est probablement de meme pour la partie superieure. Cette lave provient en majeure partie des regions centrales de l'ile, comprises entre les collines marquees A, B, C, etc., dans la figure. La surface de la contree est unie et sterile pres de la cote; le pays s'eleve vers l'interieur par des terrasses successives; lorsqu'on les observe de loin, on en distingue nettement quatre superposees. _Eruptions volcaniques posterieures au soulevement de la cote; matieres eruptives associees avec du calcaire terreux_.--Ces laves recentes proviennent des collines coniques a teinte brun-rouge, disseminees dans l'ile et qui s'elevent brusquement dans la plaine pres de la cote. J'en ai gravi plusieurs, mais je n'en decrirai qu'une seule, Red Hill, qui peut servir de type pour ce groupe et dont certaines particularites sont remarquables. Sa hauteur est de 600 pieds environ; elle est constituee par des roches de nature basaltique, tres scoriacees et d'un rouge vif; elle presente sur l'un des cotes de son sommet une cavite qui est probablement le dernier vestige d'un cratere. Plusieurs autres collines de la meme categorie sont, a en juger par leur forme exterieure, surmontees de crateres beaucoup mieux conserves. Lorsqu'on longe la cote par mer, on voit clairement qu'une masse considerable de lave, partie de Red Hill, s'est ecoulee dans la mer en passant au-dessus d'une ligne de rochers haute d'environ 120 pieds. Cette ligne de rochers constitue le prolongement de celle qui forme la cote et qui borne la plaine de deux cotes de la colline; ces coulees ont donc ete emises par Red Hill posterieurement a la formation des rochers de la cote, et a une epoque ou la colline se trouvait, comme aujourd'hui, au-dessus du niveau de la mer. Cette conclusion concorde avec la nature tres scoriacee de toutes les roches de Red Hill, qui semblent etre de formation subaerienne; et ce fait est important, car il existe pres du sommet quelques bancs d'une matiere calcaire, qu'a premiere vue on pourrait prendre a tort pour un depot sous-marin. Ces bancs sont formes de carbonate de chaux, blanc, terreux, et tellement friable qu'il s'ecrase sous le moindre effort, les specimens les plus compacts meme ne resistant pas a la pression des doigts. Quelques-unes de ces masses sont blanches comme la chaux vive, et paraissent absolument pures, mais on peut toujours y decouvrir a la loupe de petites particules de scories, et je n'ai pu en trouver une seule qui ne laissat pas de residu de cette nature quand on la dissolvait dans les acides. Il est difficile, pour cette raison, de decouvrir une particule de calcaire qui ne change pas de couleur au chalumeau; la plupart d'entre elles s'y vitrifient meme. Les fragments scoriaces et la matiere calcaire sont associes de la maniere la plus irreguliere, parfois en lits peu distincts, mais plus frequemment en une breche confuse, ou le calcaire predomine d'un cote et les scories de l'autre. Sir H. De La Beche a bien voulu faire analyser quelques-uns des specimens les plus purs, dans le but de decouvrir si, en raison de leur origine volcanique, ils contenaient beaucoup de magnesie; mais on n'en a decele qu'une faible quantite, analogue a celle qui existe dans la plupart des calcaires. Quand on brise les fragments de scories engages dans la masse calcaire, on voit qu'un grand nombre de leurs vacuoles sont tapissees et meme partiellement remplies d'un reseau de carbonate de chaux, blanc, delicat, excessivement fragile et semblable a de la mousse, ou plutot a des conferves. Ces fibres, observees a l'aide d'une loupe dont la distance focale est d'un dixieme de pouce, se montrent cylindriques; leur diametre est legerement superieur a un millieme de pouce; elles sont ou simplement ramifiees, ou plus communement unies en un reseau formant une masse irreguliere, a mailles de dimension et de forme tres variables. Quelques fibres sont recouvertes d'une couche epaisse de spicules extremement fins, parfois agreges en houppes minuscules, ce qui leur donne un aspect velu. Ces spicules ont un diametre uniforme sur toute leur longueur; ils se detachent facilement, de sorte que le porte-objet du microscope en est bientot recouvert. Le calcaire offre cette structure fibreuse dans les vacuoles d'un grand nombre de fragments des scories, mais generalement a un degre moins parfait. Ces vacuoles ne semblent pas etre reliees l'une a l'autre. Il n'est pas douteux, comme nous allons le montrer, que le calcaire ait ete ejacule a l'etat fluide, intimement melange a la lave, et c'est pour cette raison que j'ai cru devoir m'arreter a decrire cette curieuse structure fibreuse, dont je ne connais aucun analogue. A cause de la nature terreuse des fibres, cette structure ne semble pas pouvoir etre attribuee a la cristallisation. D'autres fragments de la roche scoriacee de cette colline, quand on les brise, se montrent rayes de traits blancs, courts et irreguliers, qui proviennent d'une rangee de vacuoles separees, entierement ou partiellement remplies d'une poudre calcareuse blanche. Cette structure m'a rappele immediatement les petites boules et les filaments etires de farine, dans une pate mal petrie, avec laquelle ils ne se sont pas melanges, et je suis porte a penser que, de la meme maniere, de petites masses de calcaire n'ayant pas ete incorporees dans la lave liquide, ont ete etirees, lorsque toute la masse etait en mouvement. J'ai examine soigneusement, en les broyant et en les dissolvant dans les acides, des fragments de scories prises a moins d'un demi-pouce de cellules qui etaient pleines de la poussiere en question, et je n'y ai pas trouve de traces de calcaire. Il est clair que la lave et le calcaire n'ont ete que tres imparfaitement melanges. Lorsque de petites masses de calcaire ont ete empatees dans la lave encore visqueuse, ou on les observe comme une matiere pulverulente, ou en fibres reticulees tapissant les vacuoles, je suis porte a penser que les gaz absorbes ont pu se dilater plus facilement aux points ou ce calcaire pulverulent rendait la lave moins resistante. A un mille a l'est de la ville de Praya on observe une gorge aux parois escarpees, large de 150 yards environ, coupant la plaine basaltique et les bancs sous-jacents, mais qui a ete comblee par une coulee de lave plus moderne. Cette lave est d'un gris sombre, et presente presque partout une structure compacte et une disposition imparfaitement colonnaire; mais, a une petite distance de la cote, elle renferme, irregulierement disposee, une masse brechiforme de scories rouges, melangees d'une quantite considerable de calcaire blanc, terreux, friable, et en certains points, presque pur, comme celui du sommet de Red Hill. Cette lave avec le calcaire qu'elle empate doit certainement avoir coule comme une nappe reguliere; a en juger par la forme de la gorge, vers laquelle convergent encore les precipitations atmospheriques actuellement peu abondantes dans cette region, et par l'aspect de la couche de blocs incoherents ressemblant aux quartiers de rochers du lit d'un torrent, et sur laquelle repose la lave, nous pouvons conclure que la coulee etait d'origine subaerienne. Je n'ai pu suivre cette coulee jusqu'a son origine, mais, d'apres sa direction, elle parait etre descendue de Signal-Post Hill, eloigne d'un mille un quart, et qui, comme Red Hill, a ete un centre d'eruption posterieure au soulevement de la grande plaine basaltique. Un fait qui concorde avec cette maniere de voir, c'est que j'ai trouve sur Signal-Post Hill une masse de matiere calcaire terreuse, de la meme nature, melangee avec des scories. Il importe de faire observer ici qu'une partie de la matiere calcaire qui constitue le banc sedimentaire horizontal, et specialement la matiere fine recouvrant d'une couche blanche les fragments de roches engages dans le banc, doit son origine, suivant toute probabilite, a la fois a des eruptions volcaniques et a la trituration de restes d'organismes. Les roches cristallines anciennes sous-jacentes sont associees avec beaucoup de carbonate de chaux sous la forme d'amygdaloides et de masses irregulieres, dont je n'ai pu comprendre la nature. En tenant compte de l'abondance du calcaire terreux pres du sommet de Red Hill, cone volcanique haut de 600 pieds et de formation subaerienne, du melange intime de petits fragments et de volumineux amas de scories empates dans des masses d'un calcaire presque pur, et de la maniere dont de petits noyaux et des trainees de poussiere calcaire sont renfermes dans des fragments massifs de scories, en tenant compte enfin d'une association identique de calcaire et de scories, constatee dans une coulee de lave qu'on a toutes raisons de croire moderne et subaerienne, et qui est descendue d'une colline ou l'on rencontre egalement du calcaire terreux, je pense que, sans aucun doute, le calcaire a ete ejacule a l'etat de melange avec la lave fondue. Je ne sache pas qu'aucun fait semblable ait ete decrit, et il me parait interessant de le signaler, d'autant plus qu'un grand nombre de geologues ont certainement cherche a determiner les actions qui doivent se produire dans un foyer volcanique prenant naissance dans des couches profondes, de composition mineralogique variee. La grande abondance de silice libre dans les trachytes de certaines regions (tels que ceux de Hongrie decrits par Beudant, et des iles Ponza par P. Scrope) resout peut-etre la question pour le cas ou les roches sous-jacentes seraient quartzeuses, et nous trouvons probablement ici la solution du probleme dans le cas ou les produits volcaniques ont traverse des masses sous-jacentes de calcaire. On est porte, naturellement, a se demander a quel etat se trouvait le carbonate de chaux, actuellement terreux, au moment ou il a ete ejacule avec la lave dont la temperature etait tres elevee; l'etat extremement celluleux des scories de Red Hill prouve que la pression ne peut avoir ete bien considerable, et comme la plupart des eruptions volcaniques sont accompagnees du degagement de grandes quantites de vapeur d'eau et d'autres gaz, nous trouvons ici reunies les conditions qui, suivant les idees actuelles des chimistes, sont les plus favorables pour l'elimination de l'acide carbonique[3]. On peut se demander si la lente reabsorption de ce gaz n'a pas donne au calcaire renferme dans les vacuoles de la lave cette structure fibreuse si particuliere, semblable a celle d'un sel efflorescent. Enfin je ferai remarquer la grande difference d'aspect constatee entre ce calcaire terreux, qui doit avoir ete porte a une haute temperature dans une atmosphere de vapeur d'eau et de gaz divers, et le calcaire spathique, blanc, cristallin, qui a ete forme sous une nappe de lave peu epaisse (comme a Quail-island) s'etalant sur un calcaire terreux et sur les debris d'organismes tapissant le fond d'une mer peu profonde. _Signal-Post Hill_.--Nous avons deja parle de cette colline a diverses reprises, notamment lorsque nous avons signale la maniere remarquable dont la couche calcaire blanche, en d'autres points parfaitement horizontale, plonge dans la mer sous la colline (figure 2). Son sommet est large et offre des traces peu nettes de structure crateriforme; il est forme de roches basaltiques[4], compactes ou celluleuses, avec des bancs inclines de scories incoherentes dont quelques-uns sont associes a du calcaire terreux. Comme Red Hill, cette colline a ete le foyer d'eruptions posterieures au soulevement de la plaine basaltique environnante; mais, contrairement a la premiere colline, elle a subi des denudations importantes et a ete le siege d'actions volcaniques a une periode tres reculee, quand elle etait encore sous-marine. Pour etablir ce point, je me base sur l'existence des derniers vestiges de trois petits centres d'eruption que j'ai decouverts sur le flanc qui regarde l'interieur des terres. Ils sont formes de scories luisantes cimentees par du spath calcaire cristallin, exactement comme le grand depot calcaire sous-marin, aux endroits ou la lave, encore a haute temperature, s'est etalee; leur aspect ruiniforme ne peut etre explique, je pense, que par l'action denudatrice des vagues de la mer. Ce qui m'a mene au premier orifice, c'est que j'ai observe une couche de lave de 200 yards carres environ, a bords abrupts, etalee sur la plaine basaltique sans qu'il y eut a proximite quelque monticule d'ou elle aurait pu etre ejaculee; et le seul vestige d'un cratere que je sois parvenu a decouvrir consistait en quelques bancs obliques de scories, a l'une de ses extremites. A 50 yards d'un second amas de lave a sommet plat comme le premier, mais beaucoup plus petit, je decouvris un groupe circulaire irregulier de plusieurs masses d'une breche formee de scories cimentees, hautes d'environ 6 pieds, et qui sans doute ont constitue autrefois le centre d'eruption. Le troisieme orifice n'est plus indique aujourd'hui que par un cercle irregulier de scories cimentees, de 4 yards de diametre environ, et ne s'elevant, en son point culminant, qu'a 3 pieds a peine au-dessus du niveau de la plaine, dont la surface presente son aspect habituel et n'offre aucune solution de continuite aux environs; nous avons ici une section horizontale de la base d'un orifice volcanique qui a ete presque entierement rase avec toutes les matieres ejaculees. A en juger par sa direction, la coulee de lave qui comble la gorge etroite[5] situee a l'est de la ville de Praya, parait etre descendue de Signal-Post Hill, comme nous l'avons fait remarquer plus haut, et s'etre repandue sur la plaine apres que celle-ci eut ete soulevee; la meme observation s'applique a une coulee (qui n'est peut-etre qu'une portion de la premiere) recouvrant les rochers du rivage, a peu de distance a l'est de la gorge. Lorsque je m'efforcai de suivre ces coulees sur la surface rocheuse de la plaine presque entierement privee de terre arable et de vegetation, je fus fort surpris de constater que toute trace distincte de ces coulees disparaissait bientot completement, quoiqu'elles soient constituees par une matiere basaltique dure et qu'elles n'aient pas ete exposees a l'action denudatrice de la mer. Mais j'ai observe depuis, a l'archipel des Galapagos, qu'il est souvent impossible de suivre des coulees de laves meme tres recentes et de tres grande dimension, au travers de coulees plus anciennes, si ce n'est en se guidant sur la dimension des buissons qui les recouvrent, ou en comparant l'etat plus ou moins luisant de leur surface,--caracteres qu'un laps de temps fort court suffit a effacer entierement. Je dois faire remarquer que dans une region a surface unie, a climat sec, et ou le vent souffle toujours dans la meme direction (comme a l'archipel du Cap Vert), les effets de degradation dus a l'action atmospherique sont probablement beaucoup plus considerables qu'on ne le supposerait, car dans ce cas le sol meuble s'accumule uniquement dans quelques depressions protegees contre le vent, et etant toujours pousse dans une meme direction, il chemine constamment vers la mer sous forme d'une poussiere fine, laissant la surface des rochers decouverte et exposee sans defense a l'action continue des agents atmospheriques. _Collines de l'interieur de l'ile constituees par des roches volcaniques plus anciennes_.--Ces collines sont reportees approximativement sur la carte et marquees des lettres A, B, C, etc. Leur constitution mineralogique les rapproche des roches inferieures visibles sur la cote, et elles sont probablement en continuite directe avec ces dernieres. Vues de loin, ces collines semblent avoir fait partie autrefois d'un plateau irregulier, ce qui parait probable en raison de l'uniformite de leur structure et de leur composition. Leur sommet est plat, legerement incline et elles ont, en moyenne, environ 600 pieds de hauteur. Leur versant le plus abrupt est dirige vers l'interieur de l'ile, point d'ou elles rayonnent vers l'exterieur, et elles sont separees l'une de l'autre par des vallees larges et profondes, au travers desquelles sont descendues de grandes coulees de lave qui ont forme les plaines du rivage. Leurs flancs tournes vers l'interieur de l'ile et qui sont les plus abrupts, comme nous venons de le dire, dessinent une courbe irreguliere a peu pres parallele a la ligne du rivage, dont elle est eloignee de 2 ou 3 milles vers l'interieur. J'ai gravi quelques-unes de ces collines et, grace a l'amabilite de M. Kent, chirurgien-adjoint du _Beagle_, j'ai obtenu des specimens provenant de celles des autres collines que j'ai pu apercevoir a l'aide d'une longue-vue. Quoiqu'il ne m'ait ete possible d'etudier, a l'aide de ces divers elements, qu'une partie de la chaine, 5 a 6 milles seulement, je n'hesite pas a affirmer, d'apres l'uniformite de structure de ces collines, qu'elles appartiennent a une grande formation s'etendant sur la majeure partie de la circonference de l'ile. Les couches superieures de ces collines different considerablement des couches inferieures par leur composition. Les couches superieures sont basaltiques, generalement compactes, mais parfois scoriacees et amygdaloides, et sont associees a des masses de wacke. La ou le basalte est compact, il est tantot finement grenu et tantot tres grossierement cristallin; dans ce dernier cas il passe a une roche augitique renfermant beaucoup d'olivine; celle-ci est incolore ou presente les teintes ordinaires: jaune et rougeatre terne. Sur certaines collines, les couches basaltiques sont associees a des bancs d'une matiere calcaire, terreuse ou cristalline, englobant des fragments de scories vitreuses. Les couches dont nous parlons en ce moment ne different des coulees de lave basaltique qui constituent la plaine cotiere que par une plus grande compacite, par la presence de cristaux d'augite et par les dimensions plus fortes des grains d'olivine;--caracteres qui, joints a l'aspect des bancs calcaires associes avec ces couches, me portent a croire qu'elles sont de formation sous-marine. Quelques masses importantes de wacke sont fort curieuses. Les unes sont associees a ces couches basaltiques, les autres se montrent sur la cote, et specialement a Quail-island ou elles constituent les assises inferieures. Ces roches consistent en une substance argileuse d'un vert-jaunatre pale, a structure arenacee lorsqu'elle est seche, mais onctueuse quand elle est humide; dans son etat de plus grande purete, elle est d'une belle teinte verte, translucide sur les bords, et presente accidentellement des traces vagues d'un clivage originel. Elle se fond tres facilement au chalumeau en un globule gris-sombre, parfois meme noir, legerement magnetique. Ces caracteres m'ont conduit naturellement a croire que cette matiere etait un produit de decomposition d'un pyroxene faiblement colore; cette maniere de voir est appuyee par le fait que la roche non alteree se montre pleine de grands cristaux isoles d'augite noire, ainsi que de spheres et de trainees d'une roche augitique gris fonce. Le basalte etant ordinairement forme d'augite et d'olivine souvent alteree et de couleur rouge sombre, je fus amene a examiner les phases de decomposition de ce dernier mineral, et je m'apercus avec etonnement que je pouvais suivre une gradation presque parfaite entre l'olivine inalteree et la wacke verte. Dans certains cas, des fragments provenant d'un meme grain se comportaient au chalumeau comme de l'olivine, a part un leger changement de couleur, ou donnaient un globule magnetique noir. Je ne puis donc douter que la wacke verdatre n'etait a l'origine autre chose que de l'olivine, et que des modifications chimiques tres profondes aient du se produire au cours de la decomposition pour avoir pu transformer un mineral tres dur, transparent, infusible, en une substance argileuse, tendre, onctueuse et facilement fusible[6]. Les couches de la base de ces collines, ainsi que quelques monticules isoles, denudes et de forme arrondie, sont constitues par des roches feldspathiques ferrugineuses compactes, finement grenues, non cristallines (ou dont la nature cristalline est a peine perceptible); ces roches sont generalement a demi decomposees. Leur cassure est extremement irreguliere et esquilleuse, et meme les petits fragments sont souvent tres resistants. Elles renferment une forte proportion de matiere ferrugineuse, soit en petits grains a eclat metallique, soit en fibres capillaires brunes; en ce dernier cas, la roche prend une structure pseudo-brechiforme. Ces roches renferment parfois du mica et des veines d'agate. Leur couleur brun de rouille ou jaunatre est due partiellement aux oxydes de fer, mais surtout a d'innombrables taches microscopiques noires, qui fondent facilement lorsqu'on chauffe un fragment de roche, et sont evidemment formees de hornblende ou d'augite. Ces roches contiennent donc tous les elements essentiels du trachyte, quoiqu'elles offrent, a premiere vue, l'aspect d'argile cuite ou de quelque depot sedimentaire modifie. Elles ne different du trachyte que parce qu'elles ne sont pas rudes au toucher et qu'elles ne renferment pas de cristaux de feldspath vitreux. Ainsi que le cas s'en presente si souvent pour les formations trachytiques, on ne voit ici aucune trace de stratification. On croirait difficilement que ces roches ont pu couler a l'etat de laves; il existe pourtant a Sainte-Helene des coulees bien caracterisees, dont la composition est presque identique a celle de ces roches, ainsi que je le montrerai dans un autre chapitre. J'ai rencontre en trois endroits, parmi les monticules constitues par ces roches, des collines coniques, a pentes douces, formees de phonolite contenant de nombreux cristaux de feldspath vitreux bien formes, et des aiguilles de hornblende. Je crois que ces cones de phonolite ont le meme rapport avec les couches feldspathiques environnantes, que certaines masses d'une roche augitique grossierement cristallisee ont avec le basalte qui les entoure, dans une autre partie de l'ile, c'est-a-dire que dans les deux cas ces roches ont ete injectees. Les roches de nature feldspathique etant plus anciennes que les nappes basaltiques qui les recouvrent et que les coulees basaltiques de la plaine cotiere, obeissent a l'ordre de succession habituel de ces deux grandes divisions de la serie volcanique. Ce n'est qu'a la partie superieure des couches de la plupart de ces collines qu'on peut distinguer les plans de separation; les couches s'inclinent faiblement du centre de l'ile vers la cote. L'inclinaison n'est pas identique dans toutes les collines; elle est plus faible dans la colline marquee A que dans les collines B, D ou E; les couches de la colline C s'ecartent a peine d'un plan horizontal; et celles de la colline F (pour autant que j'ai pu en juger sans la gravir) sont faiblement inclinees en sens inverse, c'est-a-dire vers l'interieur et vers le centre de l'ile. Malgre ces differences d'inclinaison, leur similitude de forme exterieure et de constitution tant au sommet qu'a la base, leur disposition en une ligne courbe en presentant le flanc le plus escarpe vers l'interieur de l'ile, tout semble prouver qu'elles faisaient originairement partie d'un plateau qui s'etendait probablement autour d'une grande partie de la circonference de l'ile, comme je l'ai fait remarquer plus haut. Les couches superieures ont coule bien certainement a l'etat de lave, et se sont probablement etalees sous la mer, comme c'est aussi le cas pour les masses feldspathiques inferieures. Comment donc ces couches ont-elles ete amenees a prendre leur position actuelle, et d'ou ont-elles fait eruption? Au centre de l'ile il existe des montagnes elevees[7], mais elles sont separees du flanc escarpe interieur de ces collines par une large etendue de pays de moindre altitude; d'ailleurs les montagnes de l'interieur paraissent avoir ete le centre d'ejaculation de grandes coulees de lave basaltique qui, se retrecissant pour passer entre les pieds de ces collines, s'etalent ensuite sur la plaine cotiere. Des roches basaltiques forment un cercle grossierement dessine autour des cotes de Sainte-Helene, et a l'ile Maurice on voit les restes d'un cercle semblable entourant tout au moins une partie de l'ile, sinon l'ile entiere; la meme question revient immediatement se poser ici: comment ces masses ont-elles ete amenees a prendre leur position actuelle et de quel centre eruptif proviennent-elles? Quelle que puisse etre la reponse, elle s'applique probablement a ces trois cas. Nous reviendrons sur ce sujet dans un autre chapitre. _Vallees voisines de la cote_.--Elles sont larges, tres-plates et bordees ordinairement de falaises peu elevees. Certaines parties de la plaine basaltique sont parfois isolees par ces vallees, soit en partie, soit meme completement; l'espace ou la ville de Praya est batie offre un exemple de ce fait. Le fond de la grande vallee qui s'etend a l'ouest de la ville est rempli, jusqu'a la profondeur de plus de 20 pieds, de galets bien arrondis, qui sont solidement cimentes, en certains endroits, par une matiere calcaire blanche. La forme de ces vallees demontre a toute evidence qu'elles ont ete creusees par les vagues de la mer, pendant la duree de ce soulevement uniforme du pays atteste par le depot calcaire horizontal avec restes d'organismes marins actuels. En tenant compte de la conservation parfaite des coquilles contenues dans cette couche, il est etrange que je n'aie pu trouver un seul fragment de coquille dans le conglomerat qui occupe le fond des vallees. Dans la vallee qui se trouve a l'ouest de la ville, le lit de galets est coupe par une seconde vallee se greffant a la premiere sous forme d'affluent; mais cette derniere vallee meme parait beaucoup trop large et presente un fond beaucoup trop plat pour avoir ete creusee par la petite quantite d'eau qui peut tomber pendant la saison humide, fort courte en cette contree, car pendant le reste de l'annee ces vallees sont absolument a sec. _Conglomerats recents_.--J'ai trouve sur les rivages de Quail-island des fragments de briques, des morceaux de fer, des galets et de grands fragments de basalte, unis en un conglomerat solide par un ciment peu abondant, forme d'une matiere calcaire impure. Je puis dire, comme preuve de l'extreme solidite de ce conglomerat recent, que je me suis efforce de degager, a l'aide d'un lourd marteau de geologue, un gros morceau de fer enchasse dans le banc un peu au-dessus de la laisse de basse mer, mais que j'ai ete absolument incapable d'y parvenir. Notes: [1] La configuration de la cote, la position des villages, des ruisseaux et de la plupart des collines representes dans cette figure, ont ete copiees de la carte dressee a bord du _H.M.S. Leven_. Les collines a sommet plat (A B C, etc.) y ont ete reportees d'une maniere purement approximative, pour rendre ma description plus claire. [2] Je suis fort reconnaissant a M. E.-W. Brayley de m'avoir indique a ce sujet les travaux suivants: Faraday: _Edinburgh, New philosophical Journal_, vol. XV, p. 398;--Gay-Lussac: _Annales de chimie et de physique_, tome I, chap. XIII, p. 210, dont la traduction a paru dans le _London and Edinburgh philosophical Magazine_, vol. X, p. 496. [3] Je pense qu'a une grande profondeur au-dessous de la surface du sol, le carbonate de chaux etait a l'etat liquide. On sait que Hutton attribuait la formation de toutes les roches amygdaloides a des gouttes de calcaire fondu flottant dans le trapp comme de l'huile dans l'eau; cette theorie est certainement fausse, mais si les roches qui constituent le sommet de Red Hill s'etaient refroidies sous la pression des eaux d'une mer peu profonde, ou entre les parois d'un dike, nous aurions, selon toute probabilite, une roche trappeenne associee avec de grandes masses de calcaire spathique compacte et cristallin. Or, d'apres la maniere de voir de beaucoup de geologues aujourd'hui, la presence de ce calcaire aurait ete attribuee, a tort, a des infiltrations posterieures. [4] Ces roches offrent frequemment une variete remarquable, remplie de petits fragments d'un mineral terreux, rouge jaspe fonce, qui montre, quand on l'examine attentivement, un clivage peu net; les petits fragments sont allonges, tendres, magnetiques avant comme apres calefaction, et difficilement fusibles en un email terne. Ce mineral est evidemment tres voisin des oxydes de fer, mais je ne saurais le determiner avec certitude. La roche qui renferme ce mineral est criblee de petites cavites anguleuses tapissees et remplies de cristaux jaunatres de carbonate de chaux. [5] Aux endroits ou la nappe basaltique superieure est interrompue, les parois de cette gorge sont presque verticales. La lave qui l'a remplie ulterieurement adhere a ces parois presque aussi fortement qu'un dike a ses murs. Lorsqu'une nappe de lave s'est ecoulee le long d'une vallee, elle est souvent bordee, de chaque cote, par des masses de scories incoherentes. [6] D'Aubuisson, dans son _Traite de Geognosie_ (tome II, p. 569), indique, d'apres M. Marcel de Serres, que des masses de terre verte existent pres de Montpellier, et sont considerees comme dues a la decomposition de l'olivine. Je ne sache pas cependant que l'action du chalumeau sur ce mineral se trouve modifiee lorsqu'il presente un commencement de decomposition. Ce fait est important, car, a premiere vue, il semble invraisemblable qu'un mineral dur, transparent, refractaire, se soit transforme en une argile tendre et facilement fusible comme celle de San Thiago. Je decrirai plus loin une substance verte formant des filaments dans l'interieur des vacuoles de certaines roches basaltiques vesiculaires au Van Diemen's Land, qui se comporte au chalumeau comme la wacke verte de San Thiago, mais cette forme cylindrique des filaments prouve qu'elle ne peut pas avoir ete formee par la decomposition de l'olivine, mineral se presentant toujours en grains ou en cristaux. [7] Je n'ai presque rien vu de l'interieur de l'ile. Pres du village de Saint-Domingo il y a de magnifiques rochers de lave basaltique a gros grains cristallins. A 1 mille environ en amont du village, le long du petit ruisseau qui parcourt la vallee, la base du grand rocher est formee d'un basalte compact a grain fin, surmonte, en stratification concordante, d'un lit de galets. J'ai rencontre, pres de Fuentes, des collines mamelonnees constituees par des roches feldspathiques compactes. CHAPITRE II FERNANDO NORONHA, TERCEIRA, TAHITI, MAURICE ROCHERS DE SAINT-PAUL _Fernando Noronha_, colline escarpee de phonolite.--_Terceira_, roches trachytiques; leur decomposition remarquable par l'action de la vapeur a haute temperature.--_Tahiti_, passage de la wacke au trapp: roche volcanique interessante a vacuoles tapissees de mesotype.--_Maurice_, preuves de son emersion recente; structure de ses plus anciennes montagnes; analogie avec San Thiago.--_Rochers de Saint-Paul_. Ils ne sont pas d'origine volcanique, leur composition mineralogique singuliere. _Fernando Noronha_.--J'ai observe fort peu de choses dignes d'une description pendant notre courte visite a cette ile et aux quatre iles suivantes. Fernando Noronha est situee dans l'ocean Atlantique, par 3 deg.50' lat. S., et a 230 milles de la cote de l'Amerique meridionale. Ce groupe est forme de divers ilots, ayant ensemble 9 milles de longueur sur 3 de largeur. Tout l'ensemble parait etre d'origine volcanique; bien qu'il n'y ait de trace d'aucun cratere ni d'aucune eminence centrale. Le trait le plus remarquable de l'ile est une colline haute de 1.000 pieds, dont la partie superieure, comprenant 400 pieds, constitue un cone escarpe d'une forme etrange, compose de phonolite colonnaire contenant de nombreux cristaux de feldspath vitreux et quelques aiguilles de hornblende. Du point le plus eleve qu'il m'ait ete possible d'atteindre sur cette colline, j'ai pu apercevoir, dans differentes parties du groupe, plusieurs autres collines coniques, qui sont probablement de la meme nature. Il y a a Sainte-Helene de grandes masses protuberantes et coniques de phonolite, hautes d'environ 1.000 pieds, formees par l'injection de lave feldspathique fluide dans des couches qui ont cede sous la pression. Si, comme tout le fait supposer, cette colline a une origine semblable, la denudation doit s'etre produite ici sur une tres grande echelle. Pres de la base de la colline, j'ai observe des lits de tuf blanc coupes par de nombreux dikes de basalte amygdaloide ou de trachyte, et des lits de phonolite schisteux avec plans de feuilletage orientes N.-W. et S.-E. Certaines parties de cette roche, ou les cristaux etaient rares, ressemblaient beaucoup a une ardoise ordinaire modifiee au contact d'un dike de trapp. Ce feuilletage de roches qui ont ete incontestablement fluides me semble un sujet bien digne d'attention. Sur la plage il y avait de nombreux fragments de basalte compact, et a distance on voyait comme une facade a colonnes formees par cette roche. _Terceira dans les Acores_.--La partie centrale de cette ile est constituee par des montagnes irregulierement arrondies, assez peu elevees, formees de trachyte dont le caractere general se rapproche beaucoup de celui du trachyte de l'Ascension que nous decrirons plus loin. Cette formation est recouverte en bien des points, et suivant l'ordre de superposition ordinaire, par des coulees de lave basaltique, qui, pres de la cote, constituent la surface du sol presque tout entiere. On peut souvent suivre de l'oeil la route que ces coulees ont parcourue a partir de leurs crateres. La ville d'Angra est dominee par une colline crateriforme (Mount Brazil), entierement constituee par des couches minces d'un tuf a grain fin, rude au toucher et colore en brun. Les couches superieures paraissent recouvrir les coulees basaltiques sur lesquelles la ville est batie. Cette colline est presque identique, au point de vue de la structure et de la composition, a un grand nombre de collines crateriformes de l'archipel des Galapagos. _Action de la vapeur d'eau sur les roches trachytiques_.--Dans la partie centrale de l'ile, on observe en un point des vapeurs qui s'echappent constamment, en jets, du fond d'une petite depression en forme de ravin sans issue, et qui est accolee a une chaine de montagnes trachytiques. La vapeur est projetee de plusieurs fentes irregulieres; elle est inodore, noircit rapidement le fer, et possede une temperature beaucoup trop elevee pour que la main puisse la supporter. Le trachyte compact est altere d'une maniere fort curieuse sur les bords de ces orifices: la base devient d'abord terreuse, avec des taches rouges dues evidemment a l'oxydation de particules de fer; ensuite elle devient tendre, et enfin les cristaux de feldspath vitreux cedent eux-memes a l'agent de decomposition. Lorsque toute la masse est transformee en argile, l'oxyde de fer semble entierement elimine de certaines parties de la roche qui sont parfaitement blanches, tandis qu'il parait s'etre depose en grande quantite sur des parties voisines colorees d'un rouge eclatant; d'autres masses sont marbrees de ces deux couleurs. Certains echantillons de cette argile blanche, maintenant desseches, ne sauraient etre distingues a l'oeil nu de la craie lavee la plus fine; et broyes sous la dent, ils presentent l'impression d'une finesse de grain uniforme; les habitants se servent de cette substance pour badigeonner leurs maisons. La cause pour laquelle le fer a ete dissous dans certaines parties de la roche et depose a peu de distance de la, est obscure, mais le fait a ete observe en plusieurs autres points[1]. J'ai trouve, dans des echantillons a moitie decomposes, de petits agregats globulaires d'hyalite jaune, ressemblant a de la gomme arabique, et qui a ete, sans aucun doute, deposee par la vapeur. Comme il n'y a pas d'issue pour l'eau de pluie, qui ruisselle le long des parois de la cavite en forme de ravin d'ou s'echappe la vapeur, toute la masse doit passer au travers des fissures qui sont au fond de cette cavite et s'infiltrer dans le sol. Quelques habitants m'ont rapporte que, d'apres la tradition, des flammes (un phenomene lumineux?) s'etaient echappees autrefois de ces fissures, et qu'aux flammes avaient succede des emanations de vapeur; mais il m'a ete impossible d'obtenir des renseignements certains, quant a la date a laquelle ces faits se seraient produits, ni sur les faits eux-memes. L'etude des lieux m'a conduit a supposer que l'injection d'une grande masse rocheuse semi-fluide, comme serait le cone de phonolite a Fernando Noronha, en soulevant en voute la surface du sol, peut avoir determine la formation d'une cavite en forme de coin a fond crevasse, et que l'eau des pluies, penetrant jusqu'au voisinage des masses a haute temperature, a ete transformee en vapeur et expulsee sous cette forme pendant une longue suite d'annees. _Tahiti (Otaheite)_.--Je n'ai visite qu'une partie de la region nord-ouest de cette ile, elle est entierement formee de roches volcaniques. Pres de la cote on observe plusieurs varietes de basalte, dont les unes abondent en grands cristaux d'augite et en olivine alteree, et dont d'autres sont compactes et terreuses;--quelques-unes sont legerement vesiculaires, et d'autres parfois amygdaloides. Ces roches sont d'habitude fortement decomposees, et, a ma grande surprise, je remarquai que dans plusieurs coupes il etait impossible de distinguer, meme approximativement, la ligne de separation entre la lave decomposee et les lits de tuf alternant avec elle. Depuis que les echantillons se sont desseches, il est cependant plus facile de distinguer les roches ignees decomposees des tufs sedimentaires. Je pense que l'on peut expliquer cette transition de caracteres entre des roches dont l'origine est aussi differente, par le fait que les parois des cavites vesiculaires, qui occupent une grande partie de la masse dans plusieurs roches volcaniques, ont cede sous la pression, lorsqu'elles etaient ramollies par l'action de la chaleur. Comme le nombre et la dimension des vacuoles s'accroissent generalement dans les parties superieures d'une coulee de lave, les effets de leur compression s'accroitront en meme temps. En outre, chaque vacuole situee plus bas doit contribuer, en cedant sous la pression, a deranger toute la masse pateuse qui la surmonte. Nous pouvons donc nous attendre a trouver une gradation complete depuis une roche cristalline non modifiee jusqu'a une roche dont toutes les particules (quoique faisant partie, a l'origine, d'une meme masse solide) ont subi un deplacement mecanique; et ces particules pourront etre difficilement distinguees d'autres dont la composition est la meme, mais qui ont ete deposees comme matieres sedimentaires. Puisque des laves sont quelquefois laminees a leur partie superieure, on comprend que des lignes horizontales, rappelant celles des depots aqueux, ne peuvent pas dans tous les cas etre envisagees comme une preuve d'origine sedimentaire. Si l'on tient compte de ces considerations, on ne sera pas surpris qu'autrefois beaucoup de geologues aient cru qu'il existait des transitions reelles reunissant les depots aqueux, en passant par la wacke, aux trapps ignes. Dans la vallee de Tia-auru, les roches les plus frequentes sont des basaltes riches en olivine, et parfois presque entierement composes de grands cristaux d'augite. J'ai recueilli quelques specimens contenant beaucoup de feldspath vitreux et dont le caractere se rapproche de celui du trachyte. On rencontre aussi un grand nombre de gros blocs de basalte scoriace dont les cavites sont tapissees de chabasie (?) et de mesotype fibro-rayonne. Quelques-uns de ces specimens offraient une apparence singuliere, due a ce qu'une partie des vacuoles etaient a moitie remplies d'un mineral mesotypique blanc, tendre et terreux, qui gonflait sous le chalumeau d'une maniere remarquable. Comme les surfaces superieures, dans toutes les vacuoles a moitie remplies, sont exactement paralleles, il est evident que cette substance est descendue au fond de chaque vacuole sous l'action de son propre poids. Parfois cependant les vacuoles sont completement remplies. D'autres vacuoles sont ou bien remplies, ou bien tapissees de petits cristaux qui paraissent etre de la chabasie; frequemment aussi ces cristaux tapissent la moitie superieure des vacuoles qui sont partiellement remplies par le mineral terreux, ainsi que la surface superieure de cette derniere substance; dans ce cas les deux mineraux semblent se fondre l'un dans l'autre. Je n'ai jamais vu une roche amygdaloidale[2] dont les vacuoles fussent a moitie remplies comme celles que nous venons de decrire; il est difficile de decouvrir la cause pour laquelle ce mineral terreux s'est depose au fond des vacuoles sous l'influence de son propre poids, et pour quelle raison le mineral cristallin s'est depose en enduit d'epaisseur uniforme sur les parois des vacuoles. Sur les flancs de la vallee, les bancs basaltiques sont doucement inclines vers la mer, et je n'ai observe nulle part qu'ils fussent deranges de leur position normale; ils sont separes l'un de l'autre par des lits epais et compacts de conglomerats a fragments volumineux, quelquefois arrondis, mais generalement anguleux. Le caractere de ces bancs, l'etat compact et la nature cristalline de la plupart des laves, ainsi que la nature des mineraux qui s'y sont formes par infiltration, me portent a croire que la coulee s'est etalee primitivement sous la mer. Cette conclusion s'accorde avec le fait que le Rev. W. Ellis a rencontre, a une altitude considerable, des restes d'organismes marins dans des couches qu'il croit interstratifiees avec des matieres volcaniques. De plus, MM. Tyermann et Bennet ont signale des faits semblables a Huaheine, autre ile de cet archipel; en outre, M. Stutchbury a decouvert une couche de corail semi-fossile au sommet d'une des montagnes les plus elevees de Tahiti, a l'altitude de plusieurs milliers de pieds. Aucun de ces restes fossiles n'a ete determine specifiquement. J'ai vainement cherche la trace d'un soulevement recent sur la cote, ou les grandes masses coraliennes qui s'y trouvent en auraient fourni des preuves irrefutables. Je renvoie le lecteur a mon ouvrage sur la _Structure et la Distribution des recifs coraliens_, pour les citations des auteurs dont j'ai parle et pour l'exposition detaillee des raisons qui m'empechent de croire que Tahiti a subi un soulevement recent. _Maurice_.--Lorsqu'on approche de cette ile du cote du N. ou du N.-W., on voit une chaine recourbee de montagnes escarpees, surmontees de pics tres abrupts, dont le pied surgit d'une zone unie de terrain cultive, qui s'incline doucement jusqu'a la cote. La premiere impression qu'on eprouve est que la mer atteignait, a une epoque peu reculee, le pied de ces montagnes, et apres un examen attentif cette impression se confirme, au moins pour la partie inferieure de cette zone. Divers auteurs[3] ont decrit des masses de roche corallienne soulevees sur la plus grande partie de la circonference de l'ile. Entre Tamarin Bay et Great Black River j'ai observe avec le capitaine Lloyd deux monticules de roche corallienne, dont la partie inferieure est formee de gres calcareux dur, et la partie superieure, de grands blocs a peine agreges, constitues par des Astrees, des Madrepores et des fragments de basalte; ils etaient disposes en bancs plongeant vers la mer sous un angle qui dans un cas etait de 8 et dans un autre de 18 deg.; ils semblaient avoir ete exposes a l'action des vagues, et ils s'elevaient brusquement a la hauteur d'environ 20 pieds, d'une surface unie jonchee de debris organiques roules. L'_Officier du Roi_ a decrit dans son interessant voyage autour de l'ile, en 1768, des masses de roches coralliennes soulevees, conservant encore cette structure en forme de fosse (V. mon ouvrage sur les recifs coralliens, p. 54) caracteristique pour les recifs vivants. J'ai observe sur la cote, au nord de Port-Louis, que la lave etait cachee, sur une distance considerable dans la direction du centre de l'ile, par un conglomerat de coraux et de coquilles, semblables a ceux de la plage, mais cimentes par une matiere ferrugineuse rouge. M. Bory de Saint-Vincent a decrit des lits calcareux semblables s'etendant sur la plaine de Pamplemousses presque tout entiere. En retournant de grandes pierres qui gisaient dans le lit d'une riviere, a l'extremite d'une crique abritee, pres de Port-Louis et a quelques yards au-dessus du niveau des fortes marees, j'ai trouve plusieurs coquilles de serpules encore adherentes a la face inferieure de ces pierres. Les montagnes dentelees voisines de Port-Louis s'elevent a la hauteur de 2 a 3.000 pieds; elles sont constituees par des couches de basalte, separees les unes des autres, d'une maniere peu nette, par des bancs de matieres fragmentaires fortement agreges, et elles sont coupees par quelques dikes verticaux. Ce basalte, generalement compact, abonde dans certaines parties en grands cristaux d'augite et d'olivine. L'interieur de l'ile est une plaine, elevee probablement d'environ 1.000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et formee par des nappes de lave qui se sont repandues autour des montagnes basaltiques ravinees et ont comble les vallees qui les separent. Ces laves plus recentes sont egalement basaltiques, mais moins compactes, et un certain nombre d'entre elles abondent en feldspath au point qu'elles fondent en un verre de couleur pale. Sur les bords de Great River on peut voir une coupe d'environ 500 pieds de hauteur, qui met a decouvert de nombreuses nappes minces de lave basaltique separees les unes des autres par des lits de scories. Ces laves paraissent d'origine subaerienne et semblent s'etre ecoulees de divers points d'eruption situes sur le plateau central, dont le plus important est, dit-on, le Piton du Milieu. Il y a aussi plusieurs cones volcaniques qui sont probablement de cette meme periode moderne, repartis sur le pourtour de l'ile, specialement a l'extremite septentrionale, ou ils forment des ilots separes. L'ossature principale de l'ile est formee par les montagnes de basalte plus compact et plus riche en cristaux. M. Bailly[4] affirme que toutes ces montagnes "se developpent autour d'elle comme une ceinture d'immenses remparts, toutes affectant une pente plus ou moins inclinee vers le rivage de la mer, tandis que, au contraire, vers le centre de l'ile elles presentent une coupe abrupte et souvent taillee a pic. Toutes ces montagnes sont formees de couches paralleles inclinees du centre de l'ile vers la mer". Ces observations ont ete discutees d'une maniere generale par M. Quoy, dans le _Voyage de Freycinet_. J'ai constate leur parfaite exactitude pour autant que les moyens d'observation insuffisants dont je disposais m'aient permis de le faire[5]. Les montagnes que j'ai visitees dans le nord-ouest de l'ile, notamment La Pouce, Peter Botts, Corps de Garde, Les Mamelles, et probablement une autre encore situee plus au sud, offrent precisement la forme externe et la disposition des couches decrites par M. Bailly. Elles constituent le quart environ de sa ceinture de remparts. Quoique ces montagnes soient aujourd'hui isolees, et separees les unes des autres par des breches, dont la largeur atteint meme plusieurs milles, au travers desquelles se sont repandus des deluges de lave partis de l'interieur de l'ile, pourtant en voyant les grandes analogies qu'elles presentent, on reste convaincu qu'elles ont fait partie, a l'origine, d'une seule masse continue. A en juger d'apres la belle carte de l'ile Maurice publiee par l'Amiraute d'apres un manuscrit francais, il existe a l'autre extremite de l'ile une chaine de montagnes (M. Bambou) correspondant comme hauteur, position relative et forme exterieure, a celle que je viens de decrire. Il est douteux que la ceinture ait jamais ete complete, mais on peut conclure avec certitude de ce qu'avance M. Bailly et de mes propres observations, qu'a une certaine epoque des montagnes, formees de couches inclinees vers l'exterieur et presentant vers l'interieur des flancs a pic, s'etendaient sur une grande partie de la circonference de l'ile. La ceinture semble avoir ete ovale et de tres grandes dimensions, car son petit axe, mesure entre la partie interne des montagnes voisines de Port-Louis et celles des environs de Grand-Port, n'a pas moins de 13 milles geographiques de longueur. M. Bailly ne craint pas d'admettre que ce vaste golfe, comble ulterieurement en grande partie par des coulees de lave modernes, a ete forme par l'affaissement de toute la partie superieure d'un grand volcan. Il est singulier de voir sous combien de rapports concorde l'histoire geologique de ces parties des iles San Thiago et Maurice que j'ai visitees. Dans les deux iles la ligne des cotes est suivie par une chaine courbe de montagnes presentant la meme forme exterieure, la meme stratification et la meme composition (tout au moins en ce qui concerne les couches superieures). Dans les deux cas ces montagnes semblent avoir fait partie, a l'origine, d'une masse continue. Si on compare la structure compacte et cristalline des couches de basalte qui les constituent avec celle des coulees basaltiques voisines, de formation subaerienne, on est conduit a admettre que les premieres se sont etalees en nappes sur le fond de la mer et qu'elles ont ete emergees ensuite. Nous pouvons supposer que les larges breches entre les montagnes ont ete, dans les deux cas, ouvertes par l'action des vagues, pendant leur soulevement graduel, phenomene qui a continue a se produire encore a une periode relativement recente, dans chacune de ces iles, ainsi que le montrent des preuves evidentes qu'on peut constater sur leurs rivages. Dans ces deux iles, de grandes coulees de laves basaltiques plus recentes, emises du centre de l'ile, se sont etalees autour des anciennes collines basaltiques et ont comble les vallees qui les separaient; en outre, des cones d'eruptions recentes ont surgi sporadiquement sur le pourtour des deux iles; enfin, pas plus a San Thiago qu'a Maurice on ne constate d'eruption durant la periode historique. Comme on l'a fait remarquer dans le dernier chapitre, il est probable que ces anciennes montagnes basaltiques, qui ressemblent, a bien des egards, a la partie inferieure ruinee de deux enormes volcans, doivent leur forme actuelle, leur structure et leur position a l'action de causes semblables. _Rochers de Saint-Paul_.--Cette petite ile est situee dans l'ocean Atlantique, a 1 deg. environ, au nord de l'Equateur, et a 540 milles de l'Amerique du Sud, par 29 deg.15' de longitude ouest. Son point culminant ne s'eleve qu'a 50 pieds a peine au-dessus du niveau de la mer; ses contours sont irreguliers, et sa circonference entiere ne mesure que trois quarts de mille. Cette petite pointe rocheuse s'eleve a pic dans l'Ocean; et, sauf sur sa cote ouest, les sondages qu'on a operes n'ont pas atteint le fond, meme a la faible distance d'un quart de mille du rivage. Elle n'est pas d'origine volcanique, et a cause de ce fait, qui est le plus saillant de son histoire comme nous le verrons plus loin, il n'y aurait pas lieu d'en traiter dans cet ouvrage. Cette ile est formee de roches qui different de toutes celles que j'ai rencontrees, et je ne saurais les caracteriser par aucun nom; je dois donc les decrire. La variete la plus simple, et qui est aussi l'une des plus abondantes, est une roche tres compacte, lourde, d'un noir verdatre, a cassure anguleuse et irreguliere; certaines aretes sont assez dures pour rayer le verre, et la roche est infusible. Cette variete passe a d'autres d'un vert plus pale, moins dures, mais dont la cassure est plus cristalline, translucides sur les bords et qui sont fusibles en un email vert. Plusieurs varietes sont caracterisees principalement par le fait qu'elles contiennent d'innombrables filaments de serpentine vert sombre, et que leurs interstices sont remplis par une matiere calcaire. Ces roches ont une structure concretionnee peu visible, et sont remplies de pseudo-fragments anguleux de coloration variee. Ces pseudo-fragments anguleux sont formes par la roche vert sombre decrite en premier lieu, par une variete brune, plus tendre, de serpentine et par une roche jaunatre, rude au toucher, et qui doit probablement etre rapportee a une roche serpentineuse. Il y a encore dans l'ile d'autres roches, tendres, vesiculaires et de nature calcareo-ferrugineuse. On n'observe pas de stratification bien distincte, mais une partie des roches est imparfaitement laminaire, et tout l'ensemble est veine par des filons de diverses dimensions et des masses ressemblant a des veines, dont quelques-unes, qui sont calcaires et renferment de petits fragments de coquilles, sont incontestablement d'origine posterieure aux autres. _Incrustation luisante_.--Une grande partie de ces roches sont revetues d'une substance polie et luisante, a eclat perle, blanc-grisatre; cet enduit suit toutes les irregularites de la surface a laquelle il adhere fortement. En examinant cette substance a la loupe, on reconnait qu'elle est formee d'un grand nombre de couches excessivement minces, dont l'epaisseur totale atteint environ un dixieme de pouce. Cette matiere est beaucoup plus dure que le spath calcaire, mais elle peut etre rayee au couteau. Au chalumeau elle s'exfolie, decrepite, noircit legerement, emet une odeur fetide et devient fortement alcaline; elle ne fait pas effervescence aux acides[6]. Je suppose que cette substance a ete deposee par l'eau qui filtre au travers des excrements d'oiseaux dont les rochers sont couverts. J'ai observe a l'ile de l'Ascension des masses stalactitiques irregulieres paraissant etre de la meme nature, pres d'une cavite de la roche qui etait remplie d'une masse lamelleuse formee de fiente d'oiseaux amenee la par l'infiltration. Lorsqu'on les casse, ces masses offrent une texture terreuse, mais, a la partie externe et surtout a leur extremite, elles sont formees d'une substance perlee, ordinairement disposee en petits globules, ressemblant a l'email des dents, mais plus fortement translucide, et assez dure pour rayer le verre. Cette substance noircit legerement au chalumeau, degage une odeur desagreable, devient ensuite absolument blanche en se boursouflant un peu, et fond en un email blanc terne; elle ne devient pas alcaline et ne fait pas effervescence aux acides. Toute la masse offre un aspect ride, comme si elle s'etait fortement contractee lors de la formation de la croute dure et luisante. Aux iles Abrolhos sur la cote du Bresil, ou le guano abonde, j'ai trouve, en grande quantite, une substance brune, arborescente, adherant a une roche trappeenne. Cette substance ressemble beaucoup, sous sa forme arborescente, a quelques-unes des varietes ramifiees de Nullipores. Elle presente, au chalumeau, les memes caracteres que les specimens provenant de l'Ascension; mais elle est moins dure et moins brillante, et sa surface n'a pas l'aspect ride. Notes: [1] Spallanzani, Dolomieu et Hoffmann ont decrit des faits analogues dans les iles volcaniques d'Italie. Dolomieu dit (_Memoire sur les Isles Ponces_, p. 86) qu'aux iles Ponta le fer a ete redepose sous forme de veines. Ces auteurs croient aussi que la vapeur depose de la silice; il est demontre experimentalement aujourd'hui qu'a haute temperature la vapeur peut dissoudre la silice. [2] Cependant Mac-Culloch a decrit et a figure (_Geolog. Trans. 1st series_, vol. IV, p. 225) un trapp dont les cavites etaient remplies de quartz et de calcedoine disposes en zones horizontales. La moitie superieure de ces cavites est souvent remplie par des couches qui suivent toutes les irregularites de la surface, et par de petites stalactites suspendues, formees des memes substances siliceuses. [3] Dans Hooker, _Bot. Misc_., vol. II, p. 301, le capitaine Carmichael. Le capitaine Lloyd a decrit recemment quelques-unes de ces masses avec beaucoup de soin dans les _Proceedings of the geological Society_ (vol. III, p. 317). Plusieurs faits interessants sont rapportes sur ce sujet dans le _Voyage a l'Isle de France_, par un _Officier du Roi_. Consulter aussi _Voyage aux quatre Isles d'Afrique_ par M. Bory de Saint-Vincent. [4] _Voyages aux Terres australes_, t. I, p. 54. [5] M. Lesson semble admettre les idees de M. Bailly dans la description qu'il a faite de l'ile dans le _Voyage de la "Coquille"_. [6] J'ai decrit cette substance dans mon _Journal_. Je la croyais alors constituee par un phosphate de chaux impur. CHAPITRE III ASCENSION Laves basaltiques.--Nombreux crateres tronques du meme cote.--Structure singuliere de bombes volcaniques.--Explosions de masses gazeuses.--Fragments granitiques ejacules.--Roches trachytiques.--Veines remarquables.--Jaspe, son mode de formation.--Concretions dans le tuf ponceux.--Depots calcaires et incrustations dendritiques sur la cote.--Couches laminees alternant avec de l'obsidienne et passant a cette roche.--Origine de l'obsidienne.--Lamination des roches volcaniques. Cette ile est situee dans l'ocean Atlantique, par 8 deg. lat. S. et 14 deg. long. W. Elle a la forme d'un triangle irregulier (Voir la carte ci-jointe), dont chaque cote mesure environ 6 milles de longueur. Son point culminant se trouve a 2.870 pieds[1] au-dessus du niveau de la mer. Elle est entierement volcanique, et, vu l'absence de preuves contraires, je la crois d'origine subaerienne. La roche fondamentale est de nature feldspathique, elle offre partout une couleur pale, et elle est generalement compacte. Dans la region sud-est de l'ile, qui est aussi la plus elevee, on trouve du trachyte bien caracterise et d'autres roches analogues appartenant a cette famille lithologique si variee. La circonference presque tout entiere est couverte de coulees de lave basaltique noire et rugueuse: on y voit poindre de-ci de-la une colline ou une simple pointe de rocher constituees par du trachyte qui n'a pas ete recouvert. L'un de ces pointements, pres du bord de la mer, au nord du fort, n'a que 2 ou 3 yards de diametre. _Roches basaltique_.--La lave basaltique sous-jacente est extremement celluleuse en certains points, beaucoup moins en d'autres; sa couleur est noire, mais elle contient quelquefois des cristaux de feldspath vitreux, parfois aussi, mais rarement, une grande quantite d'olivine. Ces coulees semblent avoir ete singulierement peu fluides; leurs parois et leur extremite sont tres escarpees, et n'ont pas moins de 20 a 30 pieds de haut. Leur surface est extraordinairement raboteuse, et a distance elle parait parsemee d'un grand nombre de petits crateres. Ces intumescences sont des monticules larges, irregulierement coniques, traverses de fissures, et formes par un basalte plus ou moins scoriace, comme les coulees environnantes, mais possedant une structure colonnaire mal definie: leur hauteur au-dessus de la surface generale varie de 8 a 30 pieds, et ils ont ete formes, je pense, par l'accumulation de la lave visqueuse aux points ou elle rencontrait une plus grande resistance. A la base de plusieurs de ces monticules, et parfois aussi en des parties plus horizontales de la coulee, des cotes epaisses s'elevent a 2 ou 3 pieds au-dessus de la surface; elles sont formees de masses de basalte angulo-globulaires, ressemblant par leur forme et par leur dimension a des tuyaux de terre cuite recourbes, ou a des gouttieres de la meme matiere, mais elles ne sont pas creuses: j'ignore quelle peut avoir ete leur origine. Un grand nombre de fragments superficiels de ces coulees basaltiques offrent des formes singulierement contournees, et plusieurs specimens ressemblent, a s'y meprendre, a des blocs de bois de couleur sombre sans ecorce. Plusieurs des coulees basaltiques peuvent etre suivies, soit jusqu'aux points d'eruption a la base de la grande masse centrale de trachyte, soit jusqu'a des collines isolees, coniques, de teinte rougeatre, qui sont eparpillees sur le littoral du nord et de l'ouest de l'ile. Du haut de l'eminence centrale, j'ai compte vingt a trente de ces cones d'eruption. Le sommet tronque de la plupart d'entre eux est coupe obliquement, et tous presentent une pente vers le sud-est, point d'ou souffle le vent alize[2]. Cette structure est due, sans aucun doute, a l'action du vent, qui a pousse en plus grande quantite dans un sens que dans l'autre les fragments et les cendres rejetes pendant les eruptions. M. Moreau de Jonnes a fait une observation semblable pour les volcans des Antilles. _Bombes volcaniques_.--On les rencontre en grand nombre, repandues sur le sol, et quelques-unes d'entre elles se trouvent a une distance considerable de tout point d'eruption. Leur dimension varie de celle d'une pomme a celle du corps d'un homme; elles sont spheriques ou pyriformes, et l'extremite posterieure (qui repondrait a la queue d'une comete) est irreguliere et herissee de pointes saillantes; elle peut meme etre concave. Leur surface est rugueuse et traversee de fentes ramifiees; leur structure interne est irregulierement scoriacee et compacte, ou offre un aspect symetrique fort remarquable. La gravure represente tres exactement un segment irregulier d'une bombe appartenant a cette derniere espece, et dont j'ai trouve plusieurs specimens. Elle avait a peu pres la grandeur d'une tete d'homme. La partie interne tout entiere est grossierement celluleuse; le diametre moyen des vacuoles est d'un dixieme de pouce environ, mais leur dimension decroit graduellement vers la partie externe de la bombe. Cette partie interne est entouree d'une croute de lave compacte, nettement limitee, offrant une epaisseur presque uniforme d'environ un tiers de pouce. La croute est recouverte d'une enveloppe un peu plus epaisse de lave finement celluleuse (dont les vacuoles varient en diametre d'un cinquantieme a un centieme de pouce), et qui forme la surface exterieure. La limite qui separe la croute de lave compacte de l'enduit scoriace externe est nettement definie. On peut facilement se rendre compte de cette structure en supposant qu'une masse de matiere visqueuse et scoriacee soit projetee dans l'air, et animee d'un mouvement rotatoire rapide. En effet, pendant que la croute exterieure se solidifiait par refroidissement (et prenait l'etat ou nous la voyons aujourd'hui), la force centrifuge, en reduisant la pression a l'interieur de la bombe, devait permettre aux vapeurs chaudes de dilater les vacuoles, mais celles-ci, comprimees par la meme force contre la croute deja solidifiee, devaient diminuer graduellement de volume, et a mesure qu'elles etaient plus rapprochees de cette croute externe, leur volume devait toujours aller se reduisant jusqu'au moment ou la partie interne etait emprisonnee dans une croute massive concentrique. Nous savons que des eclats peuvent etre projetes d'une meule[3] lorsqu'elle est animee d'un mouvement de rotation assez rapide, nous ne devons donc pas douter que la force centrifuge soit assez puissante pour modifier, comme nous le supposons ici, la structure d'une bombe encore a l'etat plastique. Des geologues ont fait observer que la forme exterieure d'une bombe nous revele immediatement l'histoire de sa course aerienne, et nous constatons maintenant que sa structure interne peut nous redire presque aussi clairement le mouvement rotatoire dont elle etait animee. [Illustration: Fig. 3.--Fragment d'une bombe volcanique spherique, dont la partie interne grossierement celluleuse est entouree d'une couche de lave compacte recouverte d'une croute formee par une roche finement celluleuse.] M. Bory de Saint-Vincent[4] a decrit des masses arrondies de lave trouvees a l'ile Bourbon, qui ont une structure tout a fait semblable; pourtant son interpretation (si je la comprends bien) est fort differente de celle que j'ai donnee, car il suppose que ces corps ont roule, comme des boules de neige, le long des flancs du cratere. M. Beudant[5] a decrit de singulieres petites spheres d'obsidienne, dont le diametre ne depasse jamais 6 a 8 pouces, et qu'il a trouvees repandues a la surface du sol. Elles sont toujours de forme ovale, parfois elles sont fortement renflees par le milieu, et meme fusiformes; leur surface est recouverte de cretes et de sillons concentriques, disposes avec une certaine regularite, et qui sont tous perpendiculaires a un axe du globule; la partie interne est compacte et vitreuse. M. Beudant suppose que des masses de lave encore plastique ont ete projetees dans l'air et animees d'un mouvement rotatoire autour d'un meme axe, ce qui a determine la forme de la bombe et des cotes superficielles. Sir Thomas Mitchell m'a donne un echantillon qui semble etre, a premiere vue, la moitie d'un globe d'obsidienne fortement aplati; il a singulierement l'aspect d'un objet artificiel, et cet aspect est exactement represente (en grandeur naturelle) dans la gravure ci-jointe. Cet echantillon a ete trouve, tel que nous le voyons, dans une grande plaine sablonneuse, entre les rivieres Darling et Murray en Australie, et a plusieurs centaines de milles de toute region volcanique connue. Il parait avoir ete enfoui dans une matiere tufacee rougeatre, et peut-etre a-t-il ete transporte par les aborigenes ou par des agents naturels. La coupe ou enveloppe externe est formee d'obsidienne compacte, de couleur vert bouteille, et elle est remplie de lave noire finement celluleuse beaucoup moins transparente et moins vitreuse que l'obsidienne. La surface exterieure porte quatre ou cinq cotes assez peu nettes, que dans la figure on a peut-etre representees en les exagerant. Nous avons donc ici la structure externe decrite par M. Beudant et la nature celluleuse interne des bombes de l'Ascension. La levre de la coupe exterieure est legerement concave, exactement comme le bord d'une assiette creuse, et son bord interne surplombe un peu de lave cellulaire centrale. Cette structure est tellement symetrique sur toute la circonference, qu'on est oblige d'admettre que la bombe a fait explosion pendant sa course aerienne, alors qu'elle etait encore animee d'un mouvement de rotation, avant d'etre entierement solidifiee, et que la levre et les bords ont ete ainsi legerement modifies et inflechis vers l'interieur. On peut observer que les cotes exterieures sont situees dans des plans perpendiculaires a un axe oblique au grand axe de l'ovoide aplati: nous devons supposer, pour expliquer ce fait, que, lors de l'explosion de la bombe, l'axe de rotation a subi un deplacement. [Illustration: FIG. 4.--Bombe volcanique d'obsidienne d'Australie, vue de face dans la figure superieure et de profil dans la figure inferieure.] _Explosions de masses gazeuses_.--Les flancs de Green Mountain et la contree environnante sont couverts d'une grande quantite de fragments incoherents, formant une masse epaisse de quelques centaines de pieds. Les couches inferieures consistent generalement en tufs a grain fin a peine consolides[6], et les lits superieurs en grands fragments detaches, alternant avec des lits de matieres moins grossieres[7]. Une couche blanche rubanee de breche ponceuse decomposee etait reployee d'une facon remarquable en fortes courbes ininterrompues, au-dessous de chacun des grands fragments du banc surincombant. Je suppose, d'apres la position relative de ces bancs, qu'un cratere a orifice etroit, occupant a peu pres l'emplacement de Green Mountain, a lance comme un enorme fusil a air, avant son extinction finale, cette vaste accumulation de materiaux meubles. Des dislocations tres importantes se sont produites posterieurement a cet evenement, et un cirque ovale a ete forme par affaissement. Cet espace affaisse se trouve au pied nord-est de Green Mountain, et il est nettement indique sur la carte qui accompagne cet ouvrage. Son grand axe, repondant a une ligne de fissure dirigee N.-E.-S.-W., a une longueur de trois cinquiemes de mille marin; les bords de ce cirque sont presque verticaux, sauf en un seul point, et ont a peu pres 400 pieds de hauteur; a la partie inferieure ils sont constitues par un basalte feldspathique de couleur pale, et a la partie superieure par du tuf et par des fragments projetes a l'etat incoherent; le fond est uni, et sous tout autre climat il se serait forme en cet endroit un lac profond. A juger par l'epaisseur du banc de fragments incoherents qui recouvre la contree environnante, la masse de matiere gazeuse qui les a projetes doit avoir ete enorme. Nous pouvons conclure vraisemblablement de ces faits, qu'apres l'explosion, de vastes cavernes auront ete formees sous le sol, et que l'ecroulement de la voute de l'une d'entre elles a forme la cavite que nous venons de decrire. Dans l'archipel des Galapagos on rencontre souvent des fosses d'un caractere semblable, mais de dimension beaucoup moindre, a la base de petits cones d'eruption. _Fragments granitiques projetes_.--Il n'est pas rare de trouver dans le voisinage de Green Mountain des fragments de roches heterogenes empates dans des masses de scories. Le lieutenant Evans, a l'amabilite duquel je dois un grand nombre de renseignements, m'en a donne plusieurs specimens, et j'en ai trouve d'autres moi-meme. Ils ont presque tous une structure granitique, ils sont cassants, rudes au toucher, et leur couleur est evidemment alteree: 1. Une syenite blanche, rayee et tachetee de rouge, elle est formee de feldspath bien cristallise, de nombreux grains de quartz et de cristaux de hornblende brillants quoique petits. Le feldspath et la hornblende de cet echantillon et de ceux dont on parlera dans la suite ont ete determines a l'aide du goniometre a reflexion, et le quartz par sa maniere d'etre au chalumeau. D'apres son clivage, le feldspath de ces fragments projetes ainsi que la variete vitreuse que l'on trouve dans le trachyte, est un feldspath potassique.--2. Une masse rouge brique de feldspath, de quartz et de petites plages d'un mineral decompose dont un petit fragment m'a montre le clivage de la hornblende.--3. Une masse de feldspath blanc a cristallisation confuse, avec de petits nids d'un mineral de couleur sombre, souvent caries, arrondis sur les bords, a cassure luisante, mais sans clivage distinct; sa comparaison avec le second specimen m'a demontre que c'etait de la hornblende fondue.--4. Une roche qui, a premiere vue, semble etre une simple agregation de grands cristaux distincts de Labrador gris[8]; mais dans les interstices de ces cristaux il y a un peu de feldspath grenu blanc, de nombreuses paillettes de mica, et un peu de hornblende alteree; je ne crois pas qu'il y ait du quartz. J'ai decrit ces fragments en detail parce qu'on rencontre rarement[9] des roches granitiques projetees par des volcans et _dont les mineraux n'aient pas subi de modifications_, comme c'est le cas pour le premier specimen, et dans une certaine mesure pour le second. Un autre grand bloc trouve ailleurs merite d'etre signale; c'est un conglomerat contenant de petits fragments de roches granitiques, celluleuses et jaspeuses, et de porphyre petro-siliceux empates dans une masse fondamentale de wacke et traverses d'un grand nombre de couches minces de retinite concretionnee passant a l'obsidienne. Ces couches sont paralleles, peu etendues, et legerement incurvees, elles s'amincissent a leurs extremites et rappellent par leur forme les couches de quartz dans le gneiss. Il est probable que ces petits fragments empates n'ont pas ete projetes a l'etat isole, mais qu'ils etaient empates dans une roche volcanique fluide, voisine de l'obsidienne; nous allons voir que plusieurs varietes appartenant a la serie de cette derniere roche possedent une structure laminaire. _Roches trachytiques_.--Elles occupent la partie la plus elevee et la plus centrale de l'ile, ainsi que la region du sud-est. Le trachyte est ordinairement d'une couleur brun pale, tachetee de points plus fonces; il contient des cristaux de feldspath vitreux brises et ployes, des grains de fer speculaire et des points microscopiques noirs que je considere comme etant de la hornblende parce qu'ils sont aisement fusibles et qu'alors ils deviennent magnetiques. Cependant la plupart des collines sont formees d'une pierre tres blanche, friable, et qui semble etre un tuf trachytique. L'obsidienne, le hornstone et diverses especes de roches feldspathiques laminaires sont associes au trachyte. On n'observe pas de stratification distincte, et je n'ai pu decouvrir de structure crateriforme dans aucune des collines de cette serie. Il s'est produit des dislocations considerables, et plusieurs des crevasses de ces roches sont encore beantes, ou ne sont que partiellement comblees par des fragments detaches. Quelques coulees basaltiques se sont avancees sur l'aire[10] ou s'etale le trachyte; et non loin du sommet de Green Mountain on voit une coulee de basalte vesiculaire absolument noir, contenant de petits cristaux de feldspath vitreux d'aspect arrondi. La pierre blanche tendre, mentionnee plus haut, est remarquable par la ressemblance frappante qu'elle offre avec un tuf sedimentaire lorsqu'on la voit en masse; j'ai ete longtemps sans pouvoir me convaincre que telle n'etait pas son origine, et d'autres geologues ont eprouve les memes hesitations pour des formations presque identiques, dans des regions trachytiques. En deux points, cette pierre blanche terreuse forme des collines isolees, en un troisieme elle est associee a du trachyte colonnaire et laminaire, mais je n'ai pu reconnaitre la trace d'un contact. Cette roche contient de nombreux cristaux de feldspath vitreux et des points noirs microscopiques, et elle est mouchetee de petites taches plus foncees, exactement comme le trachyte environnant. Pourtant sa pate vue au microscope, parait generalement terreuse, mais parfois elle offre une structure nettement cristalline. Sur la colline designee sous le nom de _Crater of an old volcano_, elle passe a une variete d'un gris verdatre pale, qui n'en differe que par la couleur, et parce qu'elle n'est pas aussi terreuse; en un endroit, le passage s'opere insensiblement; en un autre, il se fait par l'intermediaire de nombreuses masses anguleuses et arrondies de la variete verdatre englobees dans la variete blanche;--dans ce dernier cas, l'aspect ressemble beaucoup a celui d'un depot sedimentaire disloque et erode pendant la formation d'une couche plus recente. Ces deux varietes de roches sont traversees d'innombrables veines tortueuses (que je decrirai plus loin); elles ne ressemblent en rien aux dikes injectes ni aux veines que j'ai pu observer ailleurs. Les deux varietes renferment quelques fragments isoles, et de dimension variable, de roches scoriacees a teinte foncee; les vacuoles d'un certain nombre de ces fragments sont partiellement remplies par la pierre blanche terreuse. Les deux varietes renferment aussi d'enormes blocs d'un porphyre cellulaire[11]. Ces fragments font saillie au-dessus de la surface de la roche alteree, et ressemblent tout a fait a des fragments empates dans un tuf sedimentaire. Mais ce fait n'est pas un argument serieux en faveur de l'origine sedimentaire de la pierre blanche terreuse[12] car on sait que le trachyte colonnaire, la phonolite[13] et d'autres laves compactes renferment quelquefois des fragments etrangers de roches celluleuses. Le passage insensible de la variete verdatre a la variete blanche, et de meme, le passage plus brusque d'une roche a l'autre determine par la presence de fragments de la premiere, empates dans la seconde, peut provenir de legeres differences dans la composition d'une meme masse de pierre fondue, et de l'action d'arasion exercee par une masse encore fluide sur une autre masse deja solidifiee. Je crois que les singulieres veines dont il a ete question plus haut ont ete formees par une substance siliceuse qui s'est posterieurement isolee de la masse. Mais la principale raison qui me porte a croire que ces roches terreuses tendres, avec leurs fragments etrangers, ne sont pas d'origine sedimentaire, c'est qu'il est tres peu probable que des cristaux de feldspath, des points noirs microscopiques et de petites taches de couleur foncee puissent se presenter en meme proportion dans un sediment aqueux et dans des masses de trachyte compact. En outre, comme je l'ai fait observer plus haut, le microscope decele parfois une structure cristalline dans la masse fondamentale d'apparence terreuse. D'un autre cote, il est certainement fort difficile d'expliquer la decomposition partielle de masses de trachyte aussi considerables et formant des montagnes entieres. _Veines dans les masses trachytiques terreuses_.--Ces veines sont extremement nombreuses, elles traversent avec une allure tres complexe les varietes blanche et verte de trachyte terreux; c'est sur les flancs du _Crater of the old volcano_ qu'on les observe le mieux. Elles renferment des cristaux de feldspath vitreux, des points noirs microscopiques et de petites taches foncees, absolument comme la roche qui les environne, mais la base est fort differente, car elle est excessivement dure, compacte, assez cassante, et un peu moins fusible. L'epaisseur des veines varie beaucoup et tres brusquement, d'un dixieme de pouce a un pouce; frequemment elles s'amincissent au point de disparaitre tout a fait, non seulement a leur extremite, mais leur partie centrale s'evide parfois en laissant ainsi des ouvertures rondes, irregulieres; leur surface est rugueuse. Elles sont orientees dans tous les sens ou sont horizontales, generalement curvilignes, et souvent elles se ramifient entre elles. Par suite de leur durete, elles resistent a l'alteration; elles s'elevent de deux ou trois pieds au-dessus du sol, et s'etendent parfois sur une longueur de quelques yards; quand on frappe ces plaques de pierre, elles produisent un son analogue a celui du tambour, et on les voit distinctement vibrer, leurs fragments repandus sur le sol resonnent comme des morceaux de fer quand on les entre-choque. Elles affectent souvent les formes les plus singulieres; j'ai vu un piedestal de trachyte terreux recouvert par une portion hemispherique d'une veine, semblable a un grand parapluie, et assez large pour abriter deux personnes. Je n'ai jamais rencontre de veines semblables a celles-ci et n'en ai vu la description nulle part, mais elles ressemblent par leur forme aux veines ferrugineuses produites par segregation, et qui ne sont pas rares dans les gres, par exemple dans le _nouveau gres rouge_ d'Angleterre. Des veines nombreuses de jaspe et d'une matiere siliceuse, qu'on rencontre au sommet de la meme colline, prouvent qu'une source abondante de silice a existe en cet endroit, et comme ces veines en forme de plaques ne different du trachyte que parce qu'elles sont plus dures, plus cassantes et moins fusibles, il semble probable que leur origine est due a la segregation ou a l'infiltration de matiere siliceuse, de la meme maniere que s'opere le depot des oxydes de fer dans plusieurs roches sedimentaires. _Depot siliceux et jaspe_.--Ce depot siliceux est tantot tout a fait blanc, leger, sa cassure presente un eclat legerement perle et il passe au quartz rose perle, ou bien il est d'un blanc jaunatre, a cassure rude, et renferme alors, dans de petites cavites, une poudre terreuse. Les deux varietes se presentent, soit en grandes masses irregulieres dans le trachyte decompose, soit en couches renfermees dans de grandes veines verticales, tortueuses et irregulieres d'une pierre compacte, rude, rouge sombre, et ressemblant a un gres. Cependant cette roche n'est autre chose qu'un trachyte decompose; une variete a peu pres semblable, mais qui affecte souvent la forme d'un gateau de miel adhere frequemment aux veines plates en saillie qui ont ete decrites dans le paragraphe precedent. Ce jaspe a une couleur jaune d'ocre ou rouge; il se presente en grandes masses irregulieres, et quelquefois en veines, dans le trachyte decompose et dans la masse de basalte scoriace qui lui est associee. Les vacuoles de cette derniere roche sont tapissees ou remplies de fines couches concentriques de calcedoine, recouvertes et parsemees d'oxyde de fer rouge vif. Cette roche renferme, specialement en ses parties les plus compactes, de petits fragments irreguliers et anguleux de jaspe rouge dont les bords se confondent insensiblement avec la masse entourante; on trouve aussi d'autres fragments, d'une nature intermediaire entre le jaspe proprement dit et la base basaltique ferrugineuse decomposee. Dans ces fragments ainsi que dans les grandes masses de jaspe en forme de veines, on remarque de petites cavites arrondies; ces cavites sont exactement de la meme dimension et de la meme forme que celles du basalte scoriace remplies ou tapissees de couches de calcedoine. De petits fragments de jaspe, vus au microscope, paraissent ressembler a une calcedoine dont le pigment n'aurait pas ete depose en couches, mais serait reste melange avec quelques impuretes a la pate siliceuse. Le passage insensible du jaspe au basalte a moitie decompose, sa presence en plages anguleuses qui n'occupent evidemment pas des cavites preexistantes de la roche, et l'existence dans ce jaspe de petites vesicules remplies de calcedoine comme celles de la lave scoriacee ne peuvent s'expliquer que dans l'hypothese qu'un liquide, probablement le meme qui a depose la calcedoine dans les vacuoles, a enleve aux parties de la roche basaltique ne renfermant pas de cavites les elements constitutifs de cette roche, a depose a leur place de la silice et du fer, et a forme ainsi le jaspe. J'ai observe, dans certains echantillons de bois silicifie, que, tout comme dans le basalte, les parties solides etaient transformees en une matiere pierreuse homogene de couleur sombre, tandis que les cavites formees par les plus gros vaisseaux conducteurs de la seve (qu'on peut comparer aux vacuoles de la lave basaltique) et d'autres cavites irregulieres, produites apparemment par la decomposition du bois, etaient remplies de couches concentriques de calcedoine; il n'est pas douteux que, dans ce cas, la substance fondamentale homogene et les couches concentriques de calcedoine aient ete deposees par un meme liquide. D'apres ces considerations, je ne puis douter que le jaspe de l'ile de l'Ascension doive etre considere comme une roche volcanique silicifiee, en donnant a ce mot absolument le meme sens qu'on y attache quand on l'applique au bois silicifie: nous ignorons aussi bien la maniere dont chaque atome de bois, alors qu'il est encore dans son etat normal, puisse etre enleve et remplace par des atomes de silice, que nous ignorons comment les parties constituantes d'une roche volcanique ont pu subir la meme modification[14]. J'ai ete amene a faire un examen minutieux de ces roches et a en tirer les conclusions que je viens d'exposer, en entendant exprimer par le Rev. Professeur Henslow une opinion analogue au sujet de l'origine d'un grand nombre de calcedoines et d'agates dans des roches trappeennes. Les depots siliceux paraissent etre tres frequents, sinon tout a fait constants, dans les tufs trachytiques partiellement decomposes[15]; et comme ces collines, ainsi que nous l'avons expose plus haut, sont formees de trachyte ayant perdu sa durete et decompose _in situ_, la presence, en ce cas, de silice libre constitue un exemple de plus de ce phenomene. _Concretions dans le tuf ponceux_.--La colline que la carte indique sous le nom de "Crater of an old volcano" est designee improprement; rien dans tout ce que j'ai pu observer ne justifie cette appellation, sauf que la colline se termine en un sommet circulaire ayant la forme d'une soucoupe tres evasee, et d'environ un demi-mille de diametre. Cette depression a ete presque entierement comblee par un grand nombre de couches successives de cendres et de scories, diversement colorees et faiblement consolidees. Chaque couche cupuliforme successive se montre sur toute la peripherie, de sorte qu'il se produit plusieurs anneaux de couleur differente, donnant a la colline un aspect fantastique. L'anneau exterieur est large et de couleur blanche, ce qui le fait ressembler a une piste ou l'on aurait exerce des chevaux, et lui a valu le nom de Manege du Diable, sous lequel il est le plus generalement connu. Ces couches superposees de cendres doivent etre tombees sur toute la contree environnante, mais elles ont ete completement enlevees par le vent, sauf dans cette seule depression, ou l'humidite s'accumulait sans doute, soit au cours d'une annee exceptionnelle, lorsqu'il tombait de la pluie, soit pendant les orages qui accompagnent souvent les eruptions volcaniques. Une des couches, coloree en rose et formee principalement de petits fragments de ponce decomposee, est remarquable par le grand nombre de concretions qu'elle renferme. Celles-ci sont generalement spheriques et mesurent d'un demi-pouce a trois pouces de diametre, mais elles sont parfois cylindriques comme les concretions de pyrite de fer que l'on trouve dans la craie d'Europe. Elles sont formees d'une pierre brun pale, tres tenace, compacte, a cassure unie et douce au toucher. Elles sont divisees en couches concentriques par de minces cloisons blanches ressemblant a la surface exterieure de la concretion; vers la peripherie, six ou huit de ces couches sont nettement limitees, mais les couches qui se trouvent vers l'interieur deviennent ordinairement indistinctes et se fusionnent en une masse homogene. Je pense que ces couches concentriques se sont formees par la contraction que la concretion a subie lorsqu'elle est devenue compacte. La partie interne est generalement divisee par de petites fentes ou septaria, qui sont tapissees de taches les unes noires et metalliques, les autres blanches et cristallines, dont je n'ai pu determiner la nature. Quelques-unes des concretions les plus volumineuses ne sont autre chose qu'une croute spherique remplie de cendres faiblement consolidees. Les concretions contiennent une petite quantite de carbonate de chaux; un fragment expose au chalumeau decrepite, blanchit ensuite et fond en un email globuleux, mais il ne devient pas caustique. Les cendres qui renferment les concretions ne contiennent pas de carbonate de chaux; les concretions ont donc ete formees probablement par l'agregation de cette substance, comme c'est souvent le cas. Je n'ai jamais rencontre de concretions semblables a celles-ci, et, en considerant leur degre de tenacite et de compacite, leur disposition en un lit qui n'a probablement ete expose a aucune autre humidite que celle de l'atmosphere est fort remarquable. _Formation de roches calcaires sur la cote_.--Il y a sur plusieurs points de la cote d'immenses accumulations de petits fragments bien arrondis de coquilles et de coraux blancs, jaunatres et roses, entremeles de quelques particules volcaniques. A la profondeur de quelques pieds on constate qu'ils sont cimentes et forment une pierre dont on utilise les varietes les plus tendres pour les constructions; d'autres varietes, les unes grossieres et les autres a grain fin, sont trop dures pour cet usage, et j'ai vu une masse, divisee en couches uniformes d'un demi-pouce d'epaisseur et si compactes qu'elles rendaient un son semblable a celui du flint quand on les frappait avec un marteau. Les habitants croient que ces fragments sont cimentes au bout d'un an. Cette cimentation s'opere par une matiere calcareuse, et dans les varietes les plus compactes on peut voir distinctement chaque fragment arrondi de coquille ou de roche volcanique entoure d'une enveloppe translucide de carbonate de chaux. Tres peu de coquilles entieres sont engagees dans ces masses agglutinees, et j'ai meme examine au microscope un grand fragment sans parvenir a decouvrir le moindre vestige de stries, ou d'autres traces de forme exterieure; cela demontre que chaque particule doit avoir ete roulee ca et la pendant bien longtemps avant que son tour vint d'etre engagee dans la masse et cimentee[16]. Une des varietes les plus compactes soumise a l'action d'un acide s'y est completement dissoute, a l'exception d'un peu de matiere organique floconneuse; son poids specifique etait 2,63. Le poids specifique du calcaire ordinaire varie de 2,6 a 2,75; sir H. de la Beche[17] a trouve pour le carrare pur 2,7. C'est un fait remarquable que ces roches de l'ile de l'Ascension, formees pres de la surface de la mer, soient presque aussi compactes qu'un marbre qui a subi l'action de la chaleur et de la pression dans les regions plutoniques. La grande accumulation de particules calcaires incoherentes sur le rivage, pres du _Settlement_, commence au mois d'octobre en progressant vers le sud-ouest; ce fait est du, d'apres le lieutenant Evans, a un changement dans la direction des courants predominants. A cette epoque, les rochers exposes a l'action de la maree a l'extremite sud-ouest de la cote, ou s'accumule le sable calcareux, et qui sont baignes par les courants, se recouvrent peu a peu d'une incrustation calcaire epaisse d'un demi-pouce. Elle est absolument blanche, compacte, legerement spathique en quelques parties, et elle adhere fortement aux rochers. Elle disparait graduellement apres un temps assez court, soit qu'elle se redissolve quand l'eau est moins chargee de calcaire, soit qu'elle soit enlevee mecaniquement, ce qui est plus vraisemblable. Le lieutenant Evans a observe ces faits pendant les six annees de son sejour a l'Ascension. L'epaisseur de l'incrustation varie suivant les annees; elle etait exceptionnellement forte en 1831. Lors de ma visite, au mois de juillet, il n'y avait plus de trace d'incrustation, mais elle s'etait parfaitement conservee sur un pointement de basalte d'ou les ouvriers carriers avaient enleve, peu auparavant, une masse de pierre de taille. En tenant compte de la position des rochers exposes a l'action de la maree, et de l'epoque de l'annee pendant laquelle ils se recouvrent d'incrustations, il n'est pas douteux que, par le deplacement et le bouleversement de cette vaste accumulation de particules calcaires dont un grand nombre avaient deja ete partiellement agglutinees, les eaux de la mer se chargent tellement de carbonate de chaux qu'elles le deposent sur les premiers objets avec lesquels elles viennent en contact. Le lieutenant Holland, R.N., m'a dit que ces incrustations se font en un grand nombre de points de la cote, sur la plupart desquels il y a aussi, je crois, de grandes masses de coquilles brisees en menus fragments. _Incrustation calcaire frondescente_.--C'est un depot tres remarquable a divers points de vue; il recouvre durant toute l'annee les roches volcaniques exposees a la maree et qui surplombent des plages de coquilles brisees. Son aspect general est fidelement reproduit dans la gravure, mais les frondes ou les disques dont il est forme sont ordinairement rapproches au point de se toucher. Les bords sinueux de ces frondes sont finement decoupes, et elles surplombent leurs piedestaux ou supports; leur surface superieure est legerement concave ou legerement convexe; elles offrent un beau poli et une couleur gris-fonce ou noir de jais; leur forme est irreguliere, generalement circulaire, et leur diametre varie d'un dixieme de pouce a un pouce et demi; leur epaisseur ou la hauteur dont elles s'elevent au-dessus du rocher qui les porte, varie beaucoup; elle est, le plus ordinairement peut-etre, d'un quart de pouce. Parfois les frondes deviennent de plus en plus convexes, jusqu'a passer a l'etat de masses botryoides, dont les sommets sont fissures; lorsqu'elles affectent cette forme, elles sont luisantes et d'un noir intense, au point de ressembler a une matiere metallique fondue. J'ai montre cette incrustation a plusieurs geologues, tant sous cette derniere forme que sous sa forme ordinaire, et aucun d'entre eux n'a pu lui assigner une origine, si ce n'est qu'elle etait peut-etre de nature volcanique! [Illustration: FIG. 5.--Incrustation de calcaire et de matiere organique tapissant les rochers exposes a l'action de la maree a l'ile de l'Ascension.] La cassure de la substance dont les frondes sont formees est tres compacte et souvent presque cristalline, avec des bords translucides et assez durs pour rayer facilement le spath calcaire. Au chalumeau elle devient immediatement blanche et emet une odeur animale tres prononcee, semblable a celle de coquilles fraiches; elle est surtout composee de carbonate de chaux; traitee par l'acide chlorhydrique elle fait une vive effervescence et laisse un residu de sulfate de chaux et d'oxyde de fer, meles a une poudre noire insoluble dans les acides a chaud. Cette derniere substance, qui est evidemment la matiere colorante, parait de nature charbonneuse. Le sulfate de chaux se trouve ici a l'etat de matiere etrangere, et il se presente en lamelles distinctes, excessivement petites, repandues a la surface des frondes et engagees entre les couches minces dont elles sont formees; quand on chauffe un fragment au chalumeau, ces lamelles deviennent immediatement visibles. On peut souvent suivre le contour exterieur primitif des frondes, soit jusqu'a un petit fragment de coquille fixe dans une fente du rocher, soit jusqu'a une agglomeration de ces fragments cimentes ensemble. On constate que tout d'abord l'action des vagues corrode profondement ces esquilles et les reduit a l'etat de cretes aigues, et qu'elle les recouvre ensuite de couches successives du calcaire incrustant gris et luisant. Les inegalites du support primitif se trahissent a la surface de chaque couche successive, comme on le voit souvent dans les pierres de bezoard, lorsqu'un objet, tel qu'un clou, forme le centre de l'agregation. Pourtant les decoupures des bords paraissent dues a l'action corrosive que le ressac exerce sur son propre depot, alternant avec la formation de depots nouveaux. J'ai trouve sur des roches basaltiques tendres de la cote de San Thiago une couche extremement mince de matiere calcaire brune qui, vue a la loupe, ressemblait en miniature aux frondes decoupees et polies de l'ile de l'Ascension; dans ce dernier cas, il n'y avait pas de base constituee par des particules etrangeres faisant saillie. Quoique l'incrustation persiste a l'Ascension durant toute l'annee, l'aspect delabre de certaines parties et l'aspect frais de certaines autres parties font croire que tout l'ensemble subit un cycle de destruction et de renouvellement, du sans doute aux modifications de forme de la plage qui se deplace et, par suite, aux modifications que subit l'action des brisants; c'est probablement pour cette raison que l'incrustation n'acquiert jamais une grande epaisseur. En considerant a la fois la composition de la matiere incrustante et la situation des rochers qui la portent, au milieu d'une plage calcaire, je crois qu'il n'est pas douteux qu'elle est due a la dissolution et au depot subsequent de la matiere qui forme les fragments arrondis de coquilles et de coraux[18]. C'est a cette source qu'elle puise la matiere organique qui constitue evidemment le principe colorant. On peut souvent discerner nettement la nature du depot, au debut de sa formation, quand un fragment de coquille blanche se trouve serre entre deux frondes; le depot offre alors l'aspect d'une couche tres mince de vernis gris pale. Sa teinte plus ou moins foncee varie un peu, mais la couleur noir de jais qu'offrent les frondes et les masses botryoidales parait due a la translucidite des couches grises superposees. On constate pourtant ce fait singulier que, lorsque le depot s'opere sur la face inferieure des rochers en saillie, ou dans des fissures, il parait etre toujours d'une couleur gris-perle pale, meme quand il atteint une epaisseur considerable; on est amene ainsi a croire que l'action d'une lumiere abondante est necessaire au developpement de la couleur foncee, ainsi que cela semble se produire pour les coquilles des mollusques vivants, dont la partie superieure, tournee vers la lumiere, est toujours d'une teinte plus foncee que la surface inferieure et que les parties ordinairement recouvertes par le manteau de l'animal. Cette circonstance, la decoloration immediate et la production d'une odeur par l'action du chalumeau, le degre de durete et de translucidite des bords, le beau poli de la surface[19], qui rivalise, lorsqu'elle est a l'etat frais, avec celui des plus fines olives, tous ces faits etablissent une analogie frappante entre cette incrustation inorganique et les coquilles de mollusques vivants[20]. Cela me parait etre un fait physiologique interessant[21]. _Bancs lamellaires remarquables alternant avec l'obsidienne et passant a cette roche_.--On rencontre ces bancs dans la region trachytique, a la base occidentale de Green Mountain, sous laquelle ils plongent suivant des inclinaisons tres fortes. Ils n'affleurent qu'en partie seulement, car ils sont recouverts par des produits d'eruption modernes; c'est pourquoi je n'ai pu constater leur contact avec le trachyte, ni determiner s'ils se sont etales comme des nappes de lave ou s'ils ont ete injectes dans les strates surincombantes. On observe trois bancs principaux d'obsidienne, dont le plus puissant constitue la base de la coupe. Ces bancs pierreux alternants me paraissent fort interessants; je les decrirai d'abord et m'occuperai ensuite de leur transition a l'obsidienne. Ils offrent un aspect tres varie; on peut reconnaitre cinq varietes principales, mais elles passent insensiblement l'une a l'autre par toutes les transitions. 1. Une roche gris-pale, irregulierement et grossierement lamellaire[22], rude au toucher, ressemblant a un phyllade qui aurait subi le contact d'un dike de trapp; sa cassure est a peu pres la meme que celle que donnerait une structure cristalline. Cette roche et les varietes suivantes fondent facilement en un verre de couleur pale. La plus grande partie de la roche est disposee en forme de gateau de miel a cavites irregulieres et anguleuses, de sorte que l'ensemble offre un aspect carie, et que certains fragments ressemblent d'une maniere remarquable a des morceaux silicifies de bois decompose. Cette variete, surtout lorsqu'elle est compacte, est souvent traversee de fines raies blanchatres; celles-ci sont droites ou elles ondulent les unes derriere les autres autour des vides allonges et caries. 2. Une roche gris bleuatre ou brun pale, compacte, lourde, homogene, a cassure angulaire, inegale et terreuse; cependant, lorsqu'on l'examine avec une forte loupe, la cassure se montre nettement cristalline, et l'on peut meme y reconnaitre des mineraux individualises. 3. Une roche de la meme nature que la precedente, mais striee d'un grand nombre de lignes blanches, paralleles, legerement ondulees, de l'epaisseur d'un cheveu. Ces lignes blanches sont d'une nature plus cristalline que les parties intercalees entre elles, et la roche se fend suivant leur direction; elles se dilatent frequemment en formant alors de petites cavites qui sont souvent a peine visibles a la loupe. La matiere dont les lignes blanches sont formees est mieux cristallisee dans ces cavites, et le professeur Miller est parvenu, apres plusieurs essais, a determiner que les cristaux blancs, les plus grands de tous, se rapportent au quartz[23], et que les petites aiguilles vertes transparentes sont de l'augite, ou suivant la denomination qu'on leur donne le plus generalement, de la diopside. A cote de ces cristaux on observe de petits points de couleur foncee, sans trace de cristallisation, et une matiere cristalline blanche, fine et grenue qui est probablement du feldspath. Les petits fragments de cette roche sont facilement fusibles. 4. Une roche cristalline compacte zonee de lignes tres nombreuses, droites, blanches et grises, dont la largeur varie de 1/30e a 1/200e de pouce; ces couches semblent composees principalement de feldspath, et elles renferment un grand nombre de cristaux bien developpes de feldspath vitreux orientes dans le sens de leur longueur; elles sont aussi abondamment parsemees de points noirs microscopiques et amorphes disposes en rangees, et isoles les uns des autres, ou plus frequemment, reunis deux a deux, trois a trois, ou en plus grand nombre, et formant des lignes noires plus fines qu'un cheveu. Quand on chauffe au chalumeau un petit fragment de cette roche, les points noirs se fondent facilement en globules noirs brillants, qui deviennent magnetiques, caracteres applicables a bien peu de mineraux, a l'exception de la hornblende et de l'augite. D'autres points, colores en rouge, sont associes aux points noirs; ils sont magnetiques et sont certainement formes d'oxyde de fer. Dans un echantillon de cette variete, j'ai observe que les points noirs etaient agreges sous forme de cristaux minuscules autour de deux petites cavites; ils ressemblaient a des cristaux d'augite ou de hornblende, mais ils etaient trop ternes et trop petits pour pouvoir etre mesures au goniometre. J'ai pu distinguer aussi, dans le feldspath cristallin du meme echantillon, des grains qui avaient l'aspect du quartz. J'ai constate a l'aide d'une regle a paralleles que les couches grises minces et les lignes capillaires noires etaient absolument droites et paralleles entre elles. Il est impossible de suivre le passage de la roche grise homogene a ces varietes striees, ou meme de comparer le caractere des differentes couches d'un echantillon sans se convaincre que la blancheur plus ou moins parfaite de la matiere feldspathique cristalline depend du degre d'agregation plus ou moins complet de la matiere diffuse, sous forme de taches noires et rouges de hornblende et d'oxyde de fer. 5. Une roche lourde et compacte, non lamellaire, a cassure irreguliere, anguleuse et tres cristalline; elle contient un grand nombre de cristaux isoles de feldspath vitreux; la base feldspathique cristalline est tachetee par un mineral noir qui, sur la surface alteree, se montre agrege en petits cristaux, dont quelques-uns sont bien developpes, tandis que le plus grand nombre ne l'est pas. J'ai montre cet echantillon a un geologue experimente, et je lui ai demande quelle en etait la nature. Il m'a repondu, comme tout autre je pense l'eut fait a sa place, que c'etait un _greenstone_ primitif. De meme, la surface alteree de la variete zonaire que nous avons etudiee tantot (no. 4) ressemble d'une maniere frappante a un fragment use de gneiss finement lamellaire. Ces cinq varietes, ainsi que plusieurs termes intermediaires, passent et repassent l'une a l'autre. Comme les varietes compactes sont absolument subordonnees aux autres, tout l'ensemble peut etre considere comme lamellaire ou comme zonaire. En resume, les lamelles sont tantot tout a fait droites, tantot legerement ondulees et tantot contournees; elles sont toutes paralleles entre elles et aux couches d'obsidienne intercalees, et sont d'ordinaire extremement minces. Ces lamelles consistent soit en une roche compacte d'apparence homogene, rayee de diverses nuances de gris et de brun, soit en couches cristallines de feldspath plus ou moins pur, dont l'epaisseur varie, et qui renferment des cristaux isoles de feldspath vitreux alignes suivant leur longueur; soit enfin en couches tres minces composees en grande partie de petits cristaux de quartz et d'augite, ou de points noirs et rouges d'un mineral augitique et d'un oxyde de fer, amorphes ou imparfaitement cristallises. Apres cette description detaillee de l'obsidienne, je reviens a la lamellation des roches de la serie trachytique. Le passage des lits que nous venons de decrire aux couches d'obsidienne vitreuse s'opere de diverses manieres: 1. des masses angulo-noduleuses d'obsidienne de dimensions tres variables apparaissent brusquement, disseminees dans une roche feldspathique de couleur pale, feuilletee ou amorphe, et a cassure plus ou moins perlee; 2. de petits nodules d'obsidienne, isoles ou reunis en couches dont l'epaisseur depasse rarement un dixieme de pouce, alternent a plusieurs reprises avec des couches tres minces d'une roche feldspathique offrant, comme une agate, des zones paralleles de couleurs differentes, extremement fines, et passant parfois a la resinite; les interstices entre les nodules d'obsidienne sont generalement remplis par une matiere blanche, tendre, ressemblant a des cendres ponceuses; 3. la roche encaissante tout entiere passe brusquement a une masse concretionnee et fragmentaire d'obsidienne. Ces masses d'obsidienne sont souvent vert pale, comme les petits nodules, et generalement bigarrees de diverses nuances, parallelement aux feuillets de la roche environnante; ainsi que les nodules, elles renferment generalement de petits spherulites blancs dont une moitie est souvent empatee dans une zone d'une nuance, et l'autre moitie dans une zone de nuance differente. L'obsidienne n'acquiert sa couleur noir de jais et sa cassure parfaitement conchoidale que lorsqu'elle est en grandes masses; pourtant, par un examen minutieux, et en exposant les echantillons a la lumiere sous differentes incidences, j'ai pu generalement discerner des zones paralleles de teinte plus au moins foncee, meme quand la roche etait en grandes masses. L'une des roches de transition les plus communes merite, a divers egards, une description detaillee. Sa nature est fort complexe; elle est formee d'un grand nombre de couches minces, legerement ondulees, d'une matiere feldspathique a teinte pale, passant souvent a une retinite imparfaite, alternant avec des couches constituees par d'innombrables petits globules de deux varietes d'obsidienne, et par deux varietes de spherulites empates dans une pate perlee dure ou tendre. Les spherulites sont blancs et transparents ou brun fonce et opaques; les premiers sont parfaitement spheriques, de petite dimension, a structure nettement rayonnee. Les spherulites brun fonce ne sont pas aussi exactement spheriques et leur diametre varie de 1/20e a 1/30e de pouce; lorsqu'on les brise, ils montrent une structure vaguement rayonnee vers leur centre qui est blanchatre. Quelquefois deux spherulites unis n'ont qu'un seul centre d'ou part la structure rayonnee; il existe parfois au centre comme un indice de cavite ou de crevasse. Ces spherulites sont tantot separes et tantot reunis par deux, par trois ou en plus grand nombre, et forment des groupes irreguliers, ou plus communement des couches paralleles a la stratification de la masse. L'agregation est souvent si intime que les faces superieure et inferieure de la couche formee par les spherulites sont exactement planes. Lorsque ces couches deviennent moins brunes et moins opaques, on ne peut plus les distinguer des zones de la roche feldspathique a teinte pale qui alternent avec elles. Quand les spherulites ne sont pas agreges, ils sont generalement comprimes dans le sens de la structure lamellaire de la masse, et dans ce meme plan ils offrent souvent a l'interieur des zones de differentes nuances de couleur, et a l'exterieur ils sont ornes de petites cretes et de petits sillons. Les spherulites avec leurs sillons et leurs cretes paralleles sont representes grossis dans la partie superieure de la gravure ci-jointe, mais ils ne sont pas bien dessines; leur mode ordinaire de groupement est indique dans la partie inferieure de cette figure. Dans un autre echantillon, une couche mince de spherulites bruns, intimement unis, traverse une couche de meme composition, comme le montre la figure 7, et cette trainee de spherulites, apres avoir suivi sur une faible longueur une direction legerement courbe, la recoupe ainsi qu'une autre couche situee un peu au-dessous de la premiere. [Illustration: FIG. 6.--Spherulites bruns opaques, grossis. Les spherulites representes dans la partie superieure de la figure portent a la surface des sillons paralleles. La structure radiee interne des spherulites du bas de la figure est accusee beaucoup trop fortement.] Les petits nodules d'obsidienne portent aussi quelquefois des cretes et des sillons externes, disposes parallelement a la lamellation de la masse, mais toujours moins marques que ceux des spherulites. Les nodules d'obsidienne sont generalement anguleux, a bords emousses; souvent ils portent l'empreinte des spherulites adjacents qui sont toujours plus petits qu'eux. Les nodules isoles semblent rarement s'etre rapproches les uns des autres par attraction mutuelle. Si je n'avais pas trouve quelquefois un centre d'attraction distinct dans ces nodules d'obsidienne, j'aurais ete porte a les considerer comme un residu de cristallisation qui s'est isole durant la formation de la perlite qui les empate et des globules spherulitiques. [Illustration: FIG. 7.--Couche formee par l'agregation de petits spherulites bruns, coupant deux autres couches semblables. L'ensemble est represente a peu pres en grandeur naturelle.] Les spherulites et les petits nodules d'obsidienne de ces roches ressemblent si bien par leur structure et leur forme generale aux concretions des depots sedimentaires, qu'on est tente, a premiere vue, de leur attribuer une origine analogue. Ils ressemblent aux concretions ordinaires sous les rapports suivants: par leur forme exterieure; par l'agregation de deux, de trois ou d'un plus grand nombre d'individus en une masse irreguliere ou en une couche a faces planes; parce qu'il arrive parfois qu'une de ces couches en coupe une autre comme on l'observe pour les silex de la craie; par la presence dans une meme masse fondamentale de deux ou trois especes de nodules souvent serres les uns contre les autres; par leur structure fibreuse et radiee et l'existence accidentelle de cavites en leur centre; par la coexistence des structures lamelleuse, concretionnee et radiee, si bien developpees dans les concretions de calcaire magnesien decrites par le professeur Sedgwick[24]. On sait que les concretions des depots sedimentaires sont dues a la separation partielle ou totale d'une substance minerale de la masse environnante, et a son agregation autour de certains centres d'attraction. Guide par ce fait, j'ai cherche a decouvrir si l'obsidienne et les spherulites (auxquels on peut ajouter la marekanite et la perlite qui se presentent toutes deux en concretions noduleuses dans les roches trachytiques) different par leur composition des mineraux qui forment generalement les roches trachytiques. Les resultats de trois analyses ont demontre que l'obsidienne contient en moyenne 76 p. 100 de silice; d'apres une analyse, les spherulites en contiennent 79,12 p. 100; la marekanite 79,25 p. 100 (deux analyses) et la perlite 75,62 p. 100 (deux analyses)[25]. Or, pour autant qu'on puisse les determiner, les elements du trachyte sont le feldspath contenant 65,21 p. 100 de silice, ou l'albite, qui en contient 69,09 p. 100, la hornblende, qui en renferme 55,27 p. 100[26], et l'oxyde de fer; de sorte que les substances vitreuses concretionnees que nous avons mentionnees plus haut contiennent toutes une proportion de silice superieure a celle qui existe ordinairement dans les roches feldspathiques ou trachytiques. D'Aubuisson[27] a fait remarquer aussi combien la teneur en silice est forte relativement a celle de l'alumine dans six analyses d'obsidienne et de perlite donnees dans la _Mineralogie_ de Brongniart. De tous ces faits je conclus que les concretions susdites ont ete formees par un procede d'agregation identique a celui dont on constate l'action dans les depots sedimentaires. Ce procede agit principalement sur la silice, mais il exerce aussi son action sur une partie des autres elements de la masse environnante, et produit ainsi les diverses varietes concretionnees. En considerant l'influence bien connue du refroidissement rapide[28] sur la production de la texture vitreuse, il parait necessaire d'admettre que, dans des cas semblables a celui de l'Ascension, la masse entiere a du se refroidir uniformement, mais en tenant compte des alternances multiples et compliquees de nodules et de couches minces a texture vitreuse avec d'autres couches entierement pierreuses ou cristallines, sur un espace de quelques pieds ou meme de quelques pouces, il est possible, a la rigueur, que les diverses parties se soient refroidies avec des rapidites differentes, et qu'elles aient acquis ainsi leurs textures variees. Les spherulites naturelles de ces roches[29] ressemblent beaucoup a celles qui se produisent dans le verre lorsqu'il se refroidit lentement. Dans de beaux echantillons de verre partiellement devitrifie appartenant a M. Stokes, on voit les spherulites reunies en couches rectilignes a faces planes, paralleles les unes aux autres et a l'une des surfaces exterieures, absolument comme dans l'obsidienne. Ces couches se ramifient parfois et s'anastomosent; mais je n'ai constate aucun cas de veritable intersection. Elles forment le passage des parties parfaitement vitreuses a celles qui sont presque entierement homogenes et pierreuses, et qui ne presentent qu'une structure concretionnee peu nette. Dans les memes echantillons, on observe aussi des spherulites engagees dans la masse et tres rapprochees les unes des autres, elles sont faiblement differenciees par leur structure et leur couleur. En presence de ces faits, les idees que nous avons exposees plus haut sur l'origine concretionnaire de l'obsidienne et des spherulites naturelles trouvent une confirmation dans l'interessante notice que M. Dartigues[30] a publiee sur ce sujet et ou il attribue la production des spherulites dans le verre a ce que les divers elements s'agregent en obeissant chacun a son propre mode d'attraction. Il est amene a cette conclusion en observant la difficulte qu'on eprouve a refondre du verre spherulitique sans avoir au prealable pile soigneusement et melange toute la masse, et en considerant aussi le fait que la transformation s'opere le plus facilement dans du verre compose d'un grand nombre de substances. En confirmation des idees de M. Dartigues, je ferai remarquer que M. Fleuriau de Bellevue[31] a constate que les parties spherulitiques du verre devitrifie se comportent autrement sous l'action de l'acide nitrique et au chalumeau que la pate compacte dans laquelle elles etaient engagees. _Comparaison des bancs d'obsidienne et des couches alternantes de l'Ascension avec ceux d'autres contrees_.--J'ai ete frappe de voir a quel point les observations que j'ai faites a l'Ascension concordaient avec l'excellente description des roches d'obsidienne de Hongrie, qui a ete donnee par Beudant[32], avec celle de la meme formation au Mexique et au Perou par de Humboldt[33], et avec les descriptions des regions trachytiques des iles italiennes donnees par divers auteurs[34]. Plusieurs passages auraient pu etre copies sans modifications dans les ouvrages des auteurs que je viens de citer, et auraient pu s'appliquer a notre ile. Tous les auteurs s'accordent sur le caractere lamellaire et stratifie de la serie entiere, et de Humboldt parle de quelques bancs d'obsidienne qui sont rubanes comme du jaspe[35]. Tous constatent le caractere noduleux ou concretionne de l'obsidienne, et le passage des nodules a des couches. Tous insistent sur les alternances repetees de couches vitreuses, perlees, lithoides et cristallines qui se produisent souvent suivant des surfaces ondulees. Pourtant les couches cristallines semblent beaucoup mieux developpees a l'Ascension que dans les autres contrees designees plus haut. D'apres de Humboldt, un certain nombre des bancs lithoides ressemblent de loin a des couches de gres schisteux. Suivant ces auteurs, les spherulites sont toujours abondantes, et elles paraissent marquer partout le passage des bancs parfaitement vitreux aux bancs lithoides et cristallins. La description que Beudant[36] donne de sa "perlite lithoide globulaire" pourrait avoir ete ecrite, jusque dans ses moindres details, pour les petits globules spherulitiques bruns des roches de l'Ascension. La grande ressemblance qui existe, sous tant de rapports, entre les formations d'obsidienne de Hongrie, du Mexique, du Perou, de certaines iles italiennes et celles de l'Ascension, me fait croire qu'en toutes ces contrees l'obsidienne et les spherulites doivent leur origine a un concretionnement de la silice, et de quelques-uns des autres elements constituants, s'operant pendant que la masse liquefiee se refroidissait avec la rapidite voulue. On sait cependant qu'en diverses localites l'obsidienne s'est repandue en coulees comme la lave, par exemple a Tenerife, aux iles Lipari et en Islande[37]. Les parties superficielles sont alors les plus parfaitement vitreuses, l'obsidienne se transformant a la profondeur de quelques pieds en une pierre opaque. Dans une analyse faite par Vauquelin d'un echantillon d'obsidienne de l'Hecla, qui avait probablement coule comme une lave, la proportion de silice est a peu pres la meme que dans l'obsidienne noduleuse et concretionnee du Mexique. Il serait interessant de determiner si les parties interieures opaques et la surface vitreuse externe contiennent la meme proportion d'elements constitutifs. Nous savons, d'apres M. Dufrenoy[38], que la composition des parties internes et externes d'une meme coulee de lave est parfois fort differente. Quand meme la masse totale de la coulee serait uniformement composee d'obsidienne noduleuse, il suffirait, d'apres les faits que nous venons de rapporter, de supposer qu'au moment de l'emission de la lave ses elements constituants etaient melanges en meme proportion que dans l'obsidienne concretionnee. _Structure lamellaire de roches volcaniques de la serie trachytique_.--Nous avons vu que, dans des contrees diverses et fort eloignees les unes des autres, les strates qui alternent avec les lits d'obsidienne sont fortement lamellaires. En outre, les nodules de l'obsidienne, quelles que soient leurs dimensions, sont zones de differentes nuances, et j'ai vu dans la collection de M. Stokes un echantillon provenant du Mexique dont la surface externe etait decomposee[39] et portait des cretes et des sillons correspondant a des zones plus ou moins vitreuses. En outre, de Humboldt[40] a trouve au pic de Tenerife une coulee d'obsidienne subdivisee par des couches de ponce alternantes et tres minces. Un grand nombre d'autres laves de la serie feldspathique sont lamellaires; ainsi, a l'Ascension, des masses de trachyte ordinaire sont divisees par des lignes terreuses fines, suivant lesquelles la roche se divise et qui separent de minces couches a couleurs peu tranchees. En outre, la plupart des cristaux empates de feldspath vitreux sont alignes suivant cette meme direction. M.P. Scrope[41] a decrit un trachyte colonnaire remarquable des iles Ponza, qui parait avoir ete injecte dans une masse surincombante de conglomerat trachytique; il est raye de zones souvent extremement fines se distinguant par la texture et la couleur; les zones les plus dures et les plus foncees paraissent contenir une plus grande proportion de silice. Dans une autre partie de l'ile, il existe des couches de perlite et de retinite ressemblant, sous beaucoup de rapports, a celles de l'Ascension. Dans le trachyte colonnaire, les zones sont ordinairement contournees; elles s'etendent sans interruption sur une grande longueur, suivant une direction verticale paraissant etre parallele aux faces laterales de la masse qui affecte la forme d'un dike. Von Buch[42] a decrit a Tenerife une coulee de lave contenant d'innombrables cristaux de feldspath minces et tabulaires, disposes comme des fils blancs, l'un derriere l'autre, et orientes pour la plupart suivant une meme direction. Dolomieu[43] constate aussi que les laves grises du cone moderne de Vulcano, dont la texture est vitreuse, sont rayees de lignes blanches paralleles; il decrit ensuite une roche ponceuse resistante a structure fissile comme celle de certains schistes micaces. Le phonolite, qui, comme on le sait, est souvent, sinon toujours, une roche d'injection, a frequemment aussi une structure fissile; cette structure est due generalement a l'orientation parallele des cristaux de feldspath empates, mais semble parfois a peu pres independante de leur presence, comme on l'observe a Fernando Noronha[44]. Ces faits nous montrent que des roches feldspathiques de diverses especes presentent soit une structure lamellaire, soit une structure fissile, et que ces structures s'observent sur des masses injectees dans des strates surincombantes, et sur d'autres masses qui ont coule comme des laves. Les feuillets des bancs qui alternent avec l'obsidienne a l'Ascension plongent, suivant un angle tres prononce, sous la montagne au pied de laquelle les bancs se trouvent, et ils ne semblent pas devoir cette inclinaison a un mouvement violent. Au Mexique, au Perou et dans certaines des iles italiennes[45], ces bancs offrent habituellement une forte inclinaison; en Hongrie, au contraire, les couches sont horizontales. En outre, si je comprends bien la description qui en a ete donnee, les lamelles d'un certain nombre des coulees de lave citees plus haut semblent etre fortement inclinees ou verticales. Je doute qu'en aucun de ces cas les feuillets aient ete amenes a leur position actuelle posterieurement a leur formation, et dans certains exemples, comme dans celui du trachyte decrit par M. Scrope, il est presque certain qu'ils ont ete formes originairement dans une position fortement inclinee. Dans plusieurs de ces cas, il est evident que la masse de roche liquefiee s'est deplacee suivant la direction des lamelles. A l'Ascension, plusieurs des vacuoles paraissent etirees et sont traversees par des fibres grossieres semi-vitreuses dirigees dans le sens des lamelles, et certaines couches qui separent les globules spheruliliques ont un aspect scoriace qui parait du au frottement que les globules leur ont fait subir. J'ai vu dans la collection de M. Stokes un specimen d'obsidienne zonee du Mexique, dans lequel les surfaces des couches les plus nettement definies etaient striees ou sillonnees de lignes paralleles, et ces lignes ou stries ressemblaient exactement a celles qui se produisent a la surface d'une masse de verre artificiel en fusion quand on le repand du vase qui le renferme. Humboldt aussi a decrit de petites cavites, qu'il compare a la queue des cometes et qui s'etalent derriere des spherulites dans des obsidiennes lamellaires du Mexique; et M. Scrope a decrit d'autres cavites a la partie posterieure de fragments empates dans un trachyte lamellaire; il croit qu'elles se sont formees pendant que la masse etait en mouvement[46]. D'apres ces faits, plusieurs auteurs ont attribue la lamellation de ces roches volcaniques au mouvement qu'elles ont subi quand elles etaient a l'etat liquide. Quoiqu'il soit facile de comprendre pourquoi chaque vacuole, ou chaque fibre de pierre ponce[47], doit etre etiree dans le sens du mouvement de la masse, on ne voit nullement pour quelle raison le mouvement aurait dispose ces vacuoles et ces fibres dans les memes plans, et en lames absolument droites et paralleles entre elles qui sont souvent d'une finesse extreme; et l'on voit encore beaucoup moins pour quelle cause ces couches arrivent a presenter une composition presque semblable avec une structure differente. Pour chercher a etablir la cause qui a determine la lamellation de ces roches feldspathiques ignees, rappelons les faits decrits d'une maniere si detaillee a l'Ascension. Nous voyons qu'un certain nombre des couches les plus minces sont constituees, en tres grande partie, par de nombreux cristaux excessivement petits, quoique parfaits, de divers mineraux; que d'autres couches sont formees par la reunion de globules concretionnes de differentes especes, et que souvent on ne saurait distinguer les couches ainsi constituees des couches feldspathiques ordinaires et des couches de retinite, dont la masse totale est constituee en grande partie. A en juger par plusieurs cas semblables, la structure fibro-radiee des spherulites parait allier la tendance a la concretion avec la tendance a la cristallisation; en outre, les cristaux isoles de feldspath sont tous disposes dans les memes plans paralleles[48]. Ces forces en se combinant ont joue, par consequent, un role important dans la lamellation de la masse, mais elles ne sauraient etre considerees comme la force primordiale; car les nodules des differentes especes, les petits aussi bien que les plus grands, sont stries interieurement par des zones nuancees excessivement fines, paralleles a la lamellation de la masse totale; et un grand nombre d'entre eux portent aussi a la surface des sillons et des cretes paralleles diriges dans cette meme direction, et qui n'ont pas ete produits par decomposition. On peut voir distinctement que quelques-unes des stries colorees les plus fines des couches lithoides alternant avec l'obsidienne sont dues a un commencement de cristallisation des mineraux constitutifs. On peut aussi constater avec certitude que le degre de cristallisation atteint par les mineraux est en rapport avec la dimension plus ou moins grande, et avec le nombre des fissures ou des petites vacuoles aplaties et echancrees. Des faits nombreux prouvent que la cristallisation est considerablement facilitee quand elle peut s'operer dans un espace libre, comme le montrent les geodes, et les cavites du bois silicifie, des roches primaires et des filons. J'en conclus que si, pendant le refroidissement d'une masse rocheuse volcanique, une cause quelconque vient a provoquer la formation d'un certain nombre de petites fissures, ou de zones de moindre tension (qui pourront souvent se transformer par dilatation en vacuoles a contours irreguliers sous l'action des vapeurs comprimees), la cristallisation des parties constitutives et probablement la formation de concretions s'operera dans ces zones ou y sera notablement facilitee. Il se produira ainsi une structure lamellaire du genre de celle que nous etudions en ce moment. Pour expliquer la formation des zones paralleles de moindre tension dans les roches volcaniques durant leur consolidation, nous devons admettre l'intervention d'une cause encore indeterminee; tel est le cas pour les couches minces alternantes d'obsidienne et de ponces decrites par de Humboldt, et pour les petites vacuoles aplaties et irregulieres qu'on observe dans les roches lamellaires de l'Ascension; car nous ne pouvons concevoir autrement pour quelle raison les vapeurs contenues dans la masse formeraient par leur expansion des vacuoles ou des fibres disposees en plans separes paralleles, au lieu de se repandre irregulierement dans la roche tout entiere. J'ai vu dans la collection de M. Stokes un bel exemple de cette structure dans un specimen d'obsidienne du Mexique, nuance et zone comme la plus belle agate, de nombreuses couches droites et paralleles, plus ou moins blanches et opaques ou presque parfaitement vitreuses; le degre d'opacite et de vitrification dependant de l'abondance plus ou moins grande de vacuoles aplaties microscopiques. Dans cet exemple il semble certain que la masse a laquelle appartenait le fragment a ete soumise a quelque action, vraisemblablement prolongee, qui a determine une legere difference de tension entre les plans successifs. Plusieurs causes paraissent pouvoir provoquer la formation de zones d'inegale tension dans des masses a demi liquefiees par la chaleur. J'ai observe dans un fragment de verre devitrifie des couches de spherulites qui, d'apres la maniere dont elles etaient brusquement recourbees, semblaient formees par une simple contraction de la masse dans le vase ou elle s'etait refroidie. Pour certains dikes de l'Etna decrits par M. Elie de Beaumont[49], et qui sont bordes par des bandes alternantes de roches scoriacee et compacte, on est conduit a supposer que l'etirement des couches environnantes qui a provoque la formation des fissures s'est continue pendant que la roche injectee demeurait fluide. Cependant, si on se laisse guider par la description si lucide donnee par le professeur Forbes[50] de la structure zonaire de la glace des glaciers, on arrive a admettre que l'interpretation la plus vraisemblable de la structure lamellaire de ces roches feldspathiques doit etre cherchee dans l'etirement qu'elles ont subi lorsqu'elles s'ecoulaient lentement suivant la pente alors qu'elles etaient encore a l'etat pateux[51], exactement comme la glace des glaciers en mouvement s'etend et se fissure. Dans les deux cas on peut comparer les zones a celles des plus fines agates; elles s'etendent toujours dans la direction suivant laquelle la masse a coule, et celles qui sont visibles a la surface sont generalement verticales. Dans la glace les lames poreuses sont rendues distinctes par la congelation subsequente d'eau infiltree, et dans les laves feldspathiques lithoides par l'intervention posterieure des actions cristalline et concretionnaire. Le fragment d'obsidienne vitreuse de la collection de M. Stokes et qui est zone de petites vacuoles, doit ressembler d'une maniere frappante a un fragment de glace zonaire si on en juge d'apres la description du professeur Forbes. Si le mode de refroidissement et la nature de la masse avaient favorise sa cristallisation, ou le concretionnement, nous aurions pu constater dans l'echantillon dont il s'agit, de belles zones paralleles differenciees par leur texture et leur composition. Dans les glaciers les zones de glace poreuse et de petites fissures paraissent dues a un commencement d'etirement provoque par le fait que les parties centrales du glacier progressent plus rapidement que les parties laterales et que le fond, dont la marche est retardee par le frottement. C'est pour cette raison que les zones deviennent horizontales dans certains glaciers d'une forme determinee, et a l'extremite inferieure de presque tous les glaciers. On pourrait se demander si les laves feldspathiques a lamelles horizontales ne nous offrent pas un cas analogue. Tous les geologues qui ont etudie des regions trachytiques sont arrives a conclure que les laves de cette serie n'ont ete qu'imparfaitement fluides. Il est evident, en outre, que les matieres qui ont eu une faible fluidite sont les seules qui puissent se fissurer et ou les differences de tension puissent provoquer la disposition zonaire, comme nous l'admettons ici. C'est peut-etre pour cette raison que les laves augitiques, qui semblent generalement avoir joui d'un haut degre de fluidite, ne sont pas[52] divisees en lames de composition et de texture differentes, comme les laves feldspathiques. En outre, dans la serie augitique, il ne parait jamais exister de tendance a l'action concretionnaire qui joue, comme nous l'avons vu, un role important dans la structure lamellaire des roches de la serie trachytique, ou qui, tout au moins, contribue a rendre cette structure apparente. Quelle que soit l'opinion qu'on puisse avoir sur l'interpretation que je viens de donner ici de la structure lamellaire des roches trachytiques, je me permets d'attirer l'attention des geologues sur ce seul fait, qu'a l'ile de l'Ascension, dans une masse rocheuse d'origine incontestablement volcanique, il s'est produit des couches souvent tres minces, absolument droites et paralleles entre elles. Une partie de ces couches sont composees de cristaux isoles de quartz et de diopside, auxquels s'ajoutent des taches amorphes de nature augitique et des grains de feldspath. D'autres couches sont entierement constituees par ces taches augitiques noires avec des granules d'oxyde de fer. Enfin, un certain nombre de couches sont formees de feldspath cristallin plus ou moins pur, associe a de nombreux cristaux de feldspath orientes dans le sens de leur longueur. Il y a des raisons de croire que, dans cette ile, les lamelles ont ete formees originairement dans la position fortement inclinee qu'elles occupent aujourd'hui, et ce fait est parfaitement etabli pour d'autres roches analogues. Les faits de ce genre sont incontestablement importants quant a l'origine de la structure de cette grande serie de roches plutoniques qui, de meme que les roches volcaniques, ont ete soumises a l'action de la chaleur, et qui sont formees de couches alternantes de quartz, de feldspath, de mica et d'autres mineraux. Notes: [1] _Geographical Journal_, vol. V, p. 243. [2] M. Lesson a observe ce fait (Voir la _Zoologie du voyage de la "Coquille"_, p. 490). M. Hennah (_Geolog. Proceedings_, 1835, p. 189) fait observer en outre qu'a l'Ascension les lits de cendre les plus etendus se trouvent invariablement du cote sous le vent. [3] Nichol, _Architecture of Heavens_. [4] _Voyage aux Quatre Isles d'Afrique_, t. I, p. 222. [5] _Voyage en Hongrie_, t. II, p. 214. [6] Une variete de cette peperine ou tuf est assez dure pour ne pouvoir etre brisee meme sous la pression la plus forte des doigts. [7] A la partie nord de Green Mountain, on observe une couche mince d'oxyde de fer compacte, epaisse d'un pouce environ, qui s'etend sur une surface considerable; elle est en stratification concordante avec la partie inferieure de la masse stratifiee de cendres et de fragments. Cette substance est d'un brun rougeatre, a eclat presque metallique; elle n'est pas magnetique, mais le devient lorsqu'elle a ete chauffee au chalumeau, elle noircit alors et fond en partie. Cette roche compacte retient la petite quantite d'eau de pluie qui tombe dans l'ile, et donne naissance ainsi a une petite source coulant goutte a goutte, que Dampier a decouverte le premier. C'est la seule eau douce que l'on trouve dans l'ile, de sorte qu'elle n'est habitable que grace a l'existence de cette couche ferrugineuse. [8] Le professeur Miller a bien voulu examiner ce mineral. Il a observe deux bons clivages de 86 deg.30' et 86 deg.50'. La moyenne de plusieurs clivages que j'ai mesures etait 86 deg.30'. Le professeur Miller constate que ces cristaux, reduits en poudre fine, sont solubles dans l'acide chlorhydrique avec residu de silice; l'addition d'oxalate d'ammonium donne un abondant precipite de chaux. Il fait remarquer, en outre, que, d'apres von Kobell, l'anorthite (mineral qu'on rencontre dans les fragments projetes au Monte Somma) est toujours blanche et transparente, de sorte que, s'il en est ainsi, ces cristaux de l'Ascension doivent etre consideres comme du feldspath Labrador. Le professeur Miller ajoute qu'il a vu dans _Erdmann's Journal fuer technische Chemie_ la description d'un mineral rejete par un volcan, qui offrait les caracteres exterieurs du Labrador, mais dont la composition differait de celle donnee pour cette espece par les mineralogistes. L'auteur attribuait cette difference a une erreur dans l'analyse du Labrador qui est fort ancienne. [9] Daubeny remarque, dans son ouvrage sur les _Volcans_ (p. 386), qu'il en est ainsi; et de Humboldt dit (_Personal Narrative_, vol. I, p. 236) qu' "en general les masses de roches primitives connues, je veux parler de celles qui ressemblent parfaitement a nos granites, gneiss et micaschistes, sont fort rares dans les laves; les substances que nous designons generalement sous le nom de granite et qui ont ete projetees par le Vesuve, sont des melanges de nepheline, de mica et de pyroxene". [10] Cette aire est limitee approximativement par une ligne embrassant Green Mountain et se prolongeant jusqu'aux collines designees sous les noms de Weather Port Signal, Holyhead et _the Crater of an old volcano_ (cette derniere appellation est inexacte dans le sens geologique du mot). [11] Le porphyre est de couleur foncee; il contient de nombreux cristaux de feldspath blanc opaque, souvent brises, et des cristaux d'oxyde de fer en decomposition; ses vacuoles renferment de petites masses cristallines capillaires qu'on pourrait rapporter a l'analcime. [12] Le Dr Daubeny (On Volcanoes, p. 180) parait avoir ete amene a croire que certaines formations trachytiques d'Ischia et du Puy-de-Dome, qui ressemblent de tres pres a celles de l'Ascension, etaient d'origine sedimentaire; il basait principalement cette opinion sur la presence frequente dans ces roches "de fragments scoriaces dont la teinte differe de celle de la masse englobante". Le Dr Daubeny ajoute que, d'un autre cote, Brocchi et d'autres geologues eminents ont considere ces lits comme des varietes terreuses de trachyte; d'apres lui le sujet merite de faire l'objet de nouvelles etudes. [13] D'Aubuisson, _Traite de Geognosie_, t. II, p. 548. [14] Beudant (_Voyage en Hongrie_, t. III, p. 502, 504) decrit des masses reniformes de jaspe opale, qui passent insensiblement au conglomerat trachytique environnant ou y sont empatees comme des silex dans la craie, et il les compare aux fragments de bois opalise qui abondent dans la meme formation. Pourtant Beudant semble avoir considere le processus de leur formation plutot comme une simple infiltration que comme un echange moleculaire, mais la presence d'une concretion differant absolument de la matiere englobante me semble exiger un deplacement, soit chimique, soit mecanique, des atomes qui occupaient l'espace ulterieurement rempli par cette concretion, si elle ne s'est pas formee dans une cavite preexistante. Le jaspe opale de Hongrie passe a la calcedoine, c'est pourquoi, dans ce cas comme dans celui de l'Ascension, l'origine du jaspe parait etre en rapport intime avec celle de la calcedoine. [15] Beudant (_Voyage mineralogique_, t. III, p. 507) en cite des exemples en Hongrie, en Allemagne, au Plateau Central de France, en Italie, en Grece et au Mexique. [16] Les oeufs de tortues enfouis par ces animaux peuvent quelquefois etre emprisonnes dans cette roche massive. M. Lyell a donne une figure (_Principles of Geology_, livre III, ch. xvii) representant des oeufs ainsi empates dans la roche et renfermant le squelette de jeunes tortues. [17] _Researches in Theoretical Geology_, p. 12. [18] Ainsi que je l'ai fait remarquer, le sulfate de chaux constitue une matiere etrangere et doit avoir ete extrait de l'eau de mer. C'est donc un fait interessant de voir les vagues de l'Ocean assez chargees de sulfate de chaux pour le deposer sur les rochers contre lesquels elles se brisent a chaque maree. Le Dr Webster a decrit (_Voyage of the Chanticleer_, vol. II, p. 319) des lits de gypse et de sel marin atteignant deux pieds d'epaisseur, formes par l'evaporation des embruns sur les rochers de la cote exposes a l'action du vent dominant. De belles stalactites de gypse, ressemblant a des stalactites calcaires, se sont formees pres de ces lits. On trouve aussi des masses amorphes de gypse dans des cavernes de l'interieur de l'ile, et j'ai vu a Cross Hill (un ancien cratere) une quantite considerable de sel suintant d'une pile de scories. Dans ces derniers cas le sel et le gypse semblent etre des produits volcaniques. [19] D'apres le fait decrit dans mon _Journal of Researches_ (p. 12), d'une couche d'oxyde de fer deposee par un ruisseau sur les roches de son lit (comme un revetement a peu pres semblable qui existe aux grandes cataractes de l'Orenoque et du Nil) et qui prend un beau poli aux endroits ou le remous se fait sentir, je suppose que le polissage est produit ici egalement par la meme cause. [20] J'ai decrit, dans le chapitre consacre aux rochers de Saint-Paul, une substance luisante et perlee qui recouvre ces rochers, et une incrustation stalactitique, de l'ile de l'Ascension, d'une nature analogue, dont la croute ressemble a l'email des dents, mais est assez dure pour rayer le verre. Ces deux substances renferment une matiere organique qui parait provenir de l'eau filtrant au travers d'amas de fiente d'oiseaux. [21] M. Horner et sir David Brewster ont decrit (_Philosophical Transactions_, 1836, p. 65) une singuliere "substance artificielle ressemblant a celle qui constitue les coquilles". Cette substance se depose en lames fines de couleur brune, transparentes, presentant une surface tres lisse et des proprietes optiques speciales, a l'interieur d'un vase contenant de l'eau, ou l'on fait tourner rapidement un linge enduit d'une couche de colle et ensuite d'une couche de chaux. Cette substance est beaucoup plus tendre, plus transparente, et contient plus de matiere organique que l'incrustation naturelle de l'Ascension; pourtant nous constatons encore une fois ici la forte tendance que manifestent le carbonate de chaux et la matiere organique a former une substance solide voisine de celle de la coquille des mollusques. [22] Ce terme peut preter a un malentendu parce qu'on peut l'appliquer soit a des roches divisees en feuillets de composition identique, soit a des couches fortement adherentes les unes aux autres sans tendance a la fissilite, mais constituees par des mineraux differents, ou presentant des zones de couleurs differentes. Au cours du present chapitre le terme lamellaire est pris dans ce dernier sens, et j'ai employe le mot fissile lorsqu'une roche homogene se divise suivant une direction determinee comme c'est le cas pour les ardoises. [23] Le professeur Miller m'informe que les cristaux qu'il a mesures presentaient les faces P, _z_, _m_ de la figure 147 donnee par Haidinger dans sa traduction de Mohs; et il ajoute qu'il est remarquable qu'aucun de ces cristaux ne presente la moindre trace des faces _r_ du prisme hexagonal regulier. [24] _Geological Transactions_, vol. III, part. 1, p. 37. [25] Ces analyses ont ete prises dans le _Traite de Mineralogie_ de Beudant, t. II, p. 113; et une analyse d'obsidienne dans _Phillips's Mineralogy_. [26] Ces analyses sont prises dans von Kobell, _Grundzuege der Mineralogie_, 1838. [27] _Traite de geognosie_, t. II, p. 535. [28] On constate ces faits dans la fabrication du verre ordinaire, et dans les experiences de Gregory Watt sur le trapp fondu; on les observe aussi sur la surface naturelle des coulees de lave et sur les flancs lateraux des dikes. [29] J'ignore s'il est generalement connu qu'on rencontre parfois dans les agates des corps presentant exactement le meme aspect que les spherulites. M. Robert Brown m'a montre une agate formee dans une cavite d'un morceau de bois silicifie, portant de petites taches a peine visibles a l'oeil nu; vues a l'aide d'une forte loupe, ces taches offraient un tres bel aspect; elles etaient exactement circulaires et consistaient en fibres extremement fines, de couleur brune, rayonnant fort regulierement autour d'un centre commun. Ces petites etoiles rayonnantes sont quelquefois coupees et partiellement entamees par les fines zones rubanees de l'agate. Dans l'obsidienne de l'Ascension, les deux moities d'une spherulite sont souvent engagees dans des zones de couleur differente, mais elles ne sont pas entamees par ces dernieres comme dans l'agate. [30] _Journal de physique_, t. LIX (1804), pp. 10, 12. [31] _Id_., t. LX (1805), p. 418. [32] _Voyage en Hongrie_, t. I, p. 330; t. II, pp. 221 et 315; t. III, pp. 369, 371, 377, 381. [33] _Essais geognostiques_, pp. 176, 326, 328. [34] P. Scrope, _Geological Transactions_, vol. II (second series), p. 195. Consulter aussi: Dolomieu, _Voyage aux Isles Lipari_, et D'Aubuisson, _Traite de geognosie_, t. II, p. 534. [35] J'ai observe que dans les obsidiennes du Mexique formant la belle collection de M. Stokes, les spherulites sont ordinairement beaucoup plus grandes que celles de l'Ascension; elles sont generalement blanches, opaques, et sont accolees en couches distinctes. Plusieurs varietes remarquables different de toutes celles de l'Ascension. Les obsidiennes presentent des zones minces, absolument droites ou ondulees, qui ne se distinguent de la masse que par des differences extremement faibles de nuance, de porosite ou d'etat vitreux plus ou moins parfait. En suivant un certain nombre des zones les moins nettement vitreuses, on constate qu'elles se montrent bientot parsemees de spherulites blanches tres petites qui deviennent de plus en plus nombreuses et finissent par se reunir en une couche distincte. A l'Ascension, au contraire, les spherulites brunes seules se reunissent et forment des couches; les blanches sont toujours disseminees irregulierement. Certains echantillons appartenant aux collections de la Societe geologique, et rapportes a une formation d'obsidienne du Mexique, ont une cassure terreuse et sont divises en lamelles extremement fines par des taches d'un mineral noir semblables aux taches d'augite et de hornblende des roches de l'Ascension. [36] _Voyage de Beudant_, t. III, p. 373. [37] Pour Tenerife, voir von Buch, _Descript. des isles Canaries_, p. 184 et 190; pour les iles Lipari, voir le _Voyage_ de Dolomieu, p. 34; pour l'Islande, voir _Mackenzie's Travels_, p. 369. [38] _Memoire pour servir a une description geologique de la France_, t. IV, p. 371. [39] Mac Culloch constate (_Classification of Rocks_, p. 531) que, sur les dikes de retinite a l'ile d'Arran, les surfaces exposees a l'air sont sillonnees "de lignes ondulees, ressemblant a certains genres de papier marbre et qui resultent evidemment d'une difference correspondante dans la structure lamellaire". [40] _Personal Narrative_, vol. I, p. 222. [41] _Geological Transactions_, vol. II (seconde serie), p. 195. [42] _Description des iles Canaries_, p. 184. [43] _Voyage aux iles de Lipari_, pp. 35 et 85. [44] Dans ce cas, comme dans celui de la pierre ponce fissile, la structure s'ecarte beaucoup de celle des roches precedentes, dont les lamelles consistent en couches alternantes qui different de composition ou de texture. Cependant il y a des raisons de croire avec d'Aubuisson que dans certaines formations sedimentaires qui semblent homogenes et fissiles, par exemple, dans une ardoise a eclat micace, les lamelles sont dues reellement a des couches alternantes de mica excessivement minces. [45] Voir _Phillips' Mineralogy_, p. 136, pour les iles italiennes. Pour le Mexique et le Perou, voir _l'Essai geognostique_, de de Humboldt. M. Edwards decrit aussi la forte inclinaison des obsidiennes de Cerro del Navaja, au Mexique, dans les _Proc. of the geolog. Soc._ de juin 1838. [46] _Geological Transactions_, vol. II (seconde serie), p. 200, etc. Dans certains cas, ces fragments empates consistent en trachyte lamellaire detache de la masse "et enveloppe dans les parties qui restaient encore liquides". Beudant aussi, dans son grand ouvrage sur la Hongrie, cite plusieurs fois des roches trachytiques irregulierement tachetees de fragments appartenant aux varietes qui forment ailleurs les rubans paralleles. Dans ces divers cas, nous devons supposer qu'apres qu'une partie de la masse fondue eut pris la structure lamellaire, une nouvelle eruption de lave vint la bouleverser et en envelopper les fragments, et que plus tard tout l'ensemble prit une nouvelle disposition lamellaire. [47] Dolomieu, _Voyage_, p. 64. [48] En effet, la formation d'un grand cristal d'un mineral quelconque dans une roche de composition complexe suppose la reunion des atomes necessaires, en meme temps qu'une action de concretion. La cause pour laquelle tous les cristaux de feldspath sont orientes suivant le sens de leur longueur dans ces roches de l'Ascension est probablement la meme que celle de l'allongement et de l'aplatissement dans cette meme direction de tous les globules spherulitiques bruns (qui offrent au chalumeau les caracteres du feldspath). [49] _Mem. pour servir_, etc., t. IV, p. 131. [50] _Edinburgh New Phil. Journal_, 1842, p. 350. [51] Je suppose que c'est a peu pres la meme explication que M. Scrope entendait donner en parlant (_Geolog. Transact._, vol. II, seconde serie, p. 228) de la structure rubanee de ces roches trachytiques, qui provient d'une "extension lineaire de la masse imparfaitement liquide, accompagnee d'une action de concretion". [52] Il n'est pas rare que des laves basaltiques, ainsi que plusieurs autres roches, soient divisees en lames ou plaques epaisses, de meme composition, et qui sont tantot droites et tantot courbees; ces lames, coupees par des lignes de fissure verticales, s'unissent quelquefois pour constituer des colonnes. Cette structure parait se rapprocher, quant a son origine, de celle que presentent un grand nombre de roches ignees et sedimentaires traversees par des systemes de fissures paralleles. CHAPITRE IV SAINTE-HELENE Laves des series feldspathique, basaltique et sous-marine.--Coupe de Flagstaff Hill et du Barn.--Dikes.--Baies Turk's Cap et Prosperous.--Enceinte basaltique.--Crete centrale crateriforme avec rebord interieur et parapet.--Cones de phonolite.--Bancs superficiels de gres calcareux.--Coquilles terrestres eteintes.--Lits de detritus.--Soulevement de la region.--Denudation.--Crateres de soulevement. L'ile tout entiere est d'origine volcanique; suivant Beatson[1], sa circonference est d'environ 28 milles. Le centre et la plus grande partie de l'ile sont constitues par des roches de nature feldspathique, generalement tres decomposees, et offrant alors une remarquable succession de lits argileux tendres, alternants, rouges, pourpres, bruns, jaunes et blancs. Par suite du peu de duree de notre sejour, je n'ai pu examiner ces lits avec soin; quelques-uns d'entre eux, specialement ceux a nuances blanches, jaunes et brunes, constituaient originairement des coulees de lave, mais la plupart de ces lits ont probablement ete ejacules sous forme de scories et de cendres; d'autres lits, colores en pourpre, avec des plages a contours cristallins constituees par une substance blanche tendre, semblent avoir ete autrefois des porphyres argileux compacts et resistants; ils sont aujourd'hui onctueux au toucher, et donnent, comme la cire, une rayure luisante sous l'ongle. Les lits argileux rouges offrent generalement une structure brechiforme, et ont ete formes, sans aucun doute, par la decomposition de scories. Cependant, plusieurs coulees fort etendues, appartenant a cette serie, conservent leur caractere lithoide, elles sont soit d'une couleur vert-noiratre avec de petits cristaux aciculaires de feldspath, soit d'une teinte tres pale; dans ce dernier cas, elles sont formees principalement de petits cristaux de feldspath souvent ecailleux, portant un grand nombre de taches noires microscopiques. Ces coulees sont generalement compactes et lamellaires; pourtant d'autres coulees, d'une composition semblable, sont celluleuses et legerement alterees. Aucune de ces roches ne renferme de grands cristaux de feldspath ni ne presente la cassure rugueuse caracteristique du trachyte. Ces laves et ces tufs feldspathiques recouvrent les autres roches et appartiennent donc a la derniere phase eruptive; cependant d'innombrables dikes et de grandes masses de roches fondues y ont ete posterieurement injectes. Ils convergent, en s'elevant, vers la crete curviligne centrale, dont un point atteint l'altitude de 2.700 pieds. Cette crete est la partie la plus elevee de l'ile, et elle a constitue autrefois le bord septentrional d'un grand cratere, d'ou se sont ecoulees les laves de cette serie; la structure de ce cratere est rendue fort obscure par l'etat de degradation dans lequel il se trouve, par la disparition de sa partie meridionale et par les dislocations violentes que l'ile a subies. _Serie basaltique._--La cote de l'ile consiste en un cercle, grossierement dessine, de grands remparts de basalte, noirs et stratifies, s'inclinant vers la mer et que les flots ont transformes en falaises souvent presque perpendiculaires, dont la hauteur varie de quelques centaines de pieds a 2.000 pieds. Ce cercle, ou plutot cette enceinte en forme de fer a cheval est ouverte du cote du sud et entamee par plusieurs autres grandes breches. Son rebord superieur ou sommet ne s'eleve ordinairement qu'a une faible altitude au-dessus du niveau de la contree interieure voisine, et les laves feldspathiques plus recentes, descendant des hauteurs centrales, viennent generalement buter contre son plan interne qu'elles recouvrent; mais, dans la partie nord-ouest de l'ile (pour autant qu'on en puisse juger de loin) les laves semblent avoir deborde cette barriere et l'avoir masquee en partie. En certains endroits ou l'anneau basaltique est rompu et ou cette enceinte noire est divisee en troncons, les laves feldspathiques ont coule entre ces derniers et surplombent aujourd'hui la cote sous forme de falaises elevees. Ces roches basaltiques ont une couleur noire et sont stratifiees en couches minces; elles sont habituellement tres celluleuses, mais parfois compactes; quelques-unes d'entre elles renferment de nombreux cristaux de feldspath vitreux et des octaedres de fer titanifere; d'autres abondent en cristaux d'augite et en grains d'olivine. Les vacuoles sont frequemment tapissees de petits cristaux (de chabasie?), ce qui donne meme parfois a la roche une structure amygdaloidale. Les coulees de lave sont separees les unes des autres par des cendres ou par un tuf salifere friable, d'un rouge vif, offrant des lignes superposees comme celles que provoque la sedimentation et qui presente parfois une structure concretionnee mal definie. Les roches de la serie basaltique ne se montrent que pres de la cote. Dans la plupart des contrees volcaniques les laves trachytiques sont plus anciennes que les laves basaltiques; mais ici nous constatons qu'un grand amas de roches, dont la composition est tres voisine de celle de la famille trachytique, a ete ejacule apres les nappes basaltiques: cependant les nombreux dikes injectes dans les laves feldspathiques, et ou abondent de grands cristaux d'augite, devoilent peut-etre une tendance au retour vers le mode ordinaire de superposition. _Laves sous-marines de la base_.--Les laves de la serie inferieure se trouvent immediatement au-dessous des roches basaltiques et feldspathiques. Suivant M. Seale[2], on peut les observer, en divers points de la plage, sur le pourtour entier de l'ile. Dans les coupes que j'ai etudiees, leur nature est fort variable; quelques-unes des couches abondent en cristaux d'augite; d'autres, colorees en brun, sont laminaires ou formees de galets, et plusieurs sections sont rendues fortement amygdaloides par la presence de matieres calcaires. Les nappes successives sont intimement unies entre elles, ou separees les unes des autres par des bancs de roches scoriacees ou de tuf laminaire renfermant souvent des fragments nettement arrondis. Les interstices de ces couches sont remplis de gypse et de sel; le gypse se presente parfois aussi en lits minces. L'abondance de ces deux substances, la presence de cailloux roules dans les tufs et l'abondance des roches amygdaloides me portent a croire que ces couches volcaniques inferieures sont d'eruption sous-marine. Peut-etre cette remarque doit-elle etre appliquee aussi a une partie des roches basaltiques surincombantes; mais je n'ai pu trouver de preuve bien nette de ce dernier fait. Partout ou j'ai examine les couches de la serie inferieure, j'ai constate qu'elles etaient traversees par un tres grand nombre de dikes. _Flagslaff Hill et le Barn_.--Je decrirai maintenant quelques-unes des coupes les plus remarquables en commencant par ces deux collines qui constituent les traits les plus caracteristiques de la partie nord-est de l'ile. Le profil carre et anguleux du Barn ainsi que sa couleur noire montrent au premier coup d'oeil qu'il appartient a la serie basaltique, tandis que la surface adoucie et la forme conique de Flagstaff Hill, et ses teintes vives et variees prouvent avec la meme evidence que cette derniere colline est formee des roches feldspathiques alterees, dont il a ete question au commencement du chapitre. Ces deux hautes collines sont reunies (comme on le voit dans la figure no. 8) par une crete aigue constituee par les laves a galets de la serie inferieure. Les couches de cette crete plongent vers l'ouest sous un angle qui diminue graduellement a mesure qu'on s'avance vers le Flagstaff, et l'on peut constater, quoique assez difficilement, que les couches feldspathiques superieures de cette colline plongent uniformement vers l'W.-S.-W. Pres du Barn, les couches de la crete sont presque verticales, mais leur allure est masquee par d'innombrables dikes; leur inclinaison change probablement sous cette colline et, de verticales qu'elles etaient, les couches se montrent inclinees dans un sens oppose: en effet, les couches superieures basaltiques, qui ont environ 800 a 1.000 pieds d'epaisseur, plongent vers le nord-est sous un angle de 30 a 40 deg.. [Illustration: FIG. 8. Les lignes epaisses representent les couches basaltiques; les lignes fines, les couches sous-marines inferieures; les lignes pointillees, les couches feldspathiques superieures. Les dikes sont indiques par des hachures transversales.] La crete ainsi que les collines de Flagstaff et de Barn sont sillonnees de dikes, dont plusieurs conservent un parallelisme remarquable suivant une direction N.-N.-W--S.-S.-E. Les dikes sont formes principalement d'une roche a laquelle de grands cristaux d'augite donnent la structure porphyrique, d'autres dikes sont formes d'un trapp brun a grains fins. La plupart de ces dikes sont recouverts d'une couche brillante[3], epaisse de un a deux dixiemes de pouce, fusible en un email noir, contrairement a ce qui se produit pour la retinite veritable. Cette couche est evidemment analogue au revetement superficiel brillant qu'on observe sur un grand nombre de coulees de lave. On peut suivre souvent les dikes sur de grandes surfaces, tant dans le sens horizontal que dans le sens vertical, et ils paraissent conserver une epaisseur a peu pres toujours uniforme[4]. M. Seale rapporte qu'un dike situe pres du Barn ne decroit en largeur que de 4 pouces seulement sur toute sa hauteur, qui est de 1.260 pieds,--de 9 pieds a la base elle se reduit a 8 pieds 8 pouces au sommet. Dans cette crete la direction suivie par les dikes parait avoir ete surtout determinee par l'alternance de couches tendres et dures; souvent ils sont intimement associes aux couches les plus dures, et restent paralleles sur des longueurs si considerables que frequemment il devient impossible de distinguer les bancs qui sont de vrais dikes, des nappes de lave. Quoique les dikes soient si nombreux sur cette crete, ils sont plus nombreux encore dans les vallees voisines situees au sud, a tel point que je n'en ai vu nulle part un aussi grand nombre. Dans ces vallees ils ont une orientation moins reguliere et couvrent le sol d'un reseau semblable a une toile d'araignee; en certains points la surface du sol parait meme exclusivement constituee par des dikes entrelaces. Cette disposition complexe des dikes, la forte inclinaison et l'anticlinal des couches de la serie inferieure recouvertes aux extremites opposees de cette crete par deux grandes masses rocheuses, d'age et de composition differents, devaient, a mon avis, conduire presque infailliblement a une fausse interpretation de cette coupe. On a meme suppose que la region qui nous occupe avait fait partie d'un cratere, mais cette opinion s'ecarte tellement de la verite que le sommet de Flagstaff Hill a constitue autrefois l'extremite inferieure d'une nappe de lave et de cendres ejaculees par la crete crateriforme centrale. A en juger par la pente des coulees contemporaines dans une partie voisine et non bouleversee de l'ile, les couches de Flagstaff Hill doivent avoir ete soulevees de 1.200 pieds au moins, et probablement d'une quantite beaucoup plus considerable encore, car les grands dikes tronques qu'on observe au sommet de la colline demontrent qu'elle a ete fortement denudee. Le sommet de Flagstaff Hill atteint a peu pres la meme hauteur que la crete crateriforme, et, avant d'avoir subi une denudation, il etait probablement plus eleve que cette crete, dont il est separe par une region fort etendue et beaucoup plus basse; par consequent, nous constatons ici que l'extremite inferieure d'un systeme de coulees de lave a ete redressee de maniere a atteindre une altitude egale ou meme peut-etre superieure a celle du cratere sur les flancs duquel elles ont coule originairement. Je crois que les dislocations de cette amplitude sont extremement rares[5] dans les regions volcaniques. La formation de dikes aussi nombreux dans cette partie de l'ile prouve que la surface de la region doit avoir subi une dislocation tout a fait extraordinaire. Sur la crete entre les collines de Flagstaff et de Barn cette dislocation ou extension s'est probablement produite apres le redressement des couches, ou a peut-etre suivi immediatement ce phenomene, car, si les couches avaient ete alors horizontales, elles auraient fort probablement ete fissurees et injectees dans le sens transversal et non suivant le plan de stratification. Quoique la contree qui s'etend entre le Barn et Flagstaff Hill presente une ligne anticlinale bien nette dirigee du nord au sud, et quoique la plupart des dikes suivent cette meme ligne avec beaucoup de regularite, les couches occupent cependant leur position primitive a un mille seulement au sud de la crete. Cela demontre que la force perturbatrice a exerce son action plutot sur un point isole que suivant une ligne. Son mode d'activite se trouve probablement explique par la structure du Little Stony-top, montagne de 2.000 pieds de hauteur, situee a quelques milles au sud du Barn; nous distinguons la, meme de loin, une sorte de coin aigu, forme d'une roche colonnaire compacte, de couleur sombre, et les couches feldspathiques aux teintes brillantes descendant sur ses deux flancs, a partir de son sommet denude. Ce coin, qui a fait donner a la montagne le nom de Stony-top, consiste en une masse rocheuse injectee a l'etat liquide dans les couches surincombantes; et si nous supposons qu'une masse rocheuse semblable a ete injectee sous la crete reliant le Barn et Flagstaff Hill, on pourrait expliquer ainsi la structure de cette region. _Baies Turks' Cap et Prosperous_.--Prosperous Hill est une grande montagne noire et escarpee, situee a 2 milles et demi au sud du Barn, et constituee de couches basaltiques comme cette derniere colline. Ces couches reposent d'un cote sur les bancs porphyriques bruns de la serie inferieure, et d'un autre cote sur une masse fissuree d'une roche fortement scoriacee et amygdaloide, qui parait avoir constitue un centre d'eruption sous-marine peu etendu et contemporain de la serie inferieure. Prosperous Hill est traverse, comme le Barn, par un grand nombre de dikes, dont la plupart courent du nord au sud, et ses couches plongent obliquement, peut-on dire, de l'ile vers la mer, sous un angle d'environ 20 deg.. Comme on le voit dans la figure no. 9, l'espace compris entre Prosperous Hill et le Barn est occupe par des falaises elevees, formees de laves de la serie superieure ou feldspathique, reposant en stratification discordante sur les strates sous-marines inferieures, comme nous avons vu qu'elles le font a Flagstaff Hill. Neanmoins, a l'oppose de ce qui se presente sur cette derniere colline, les couches superieures sont presque horizontales et s'elevent doucement vers l'interieur de l'ile. En outre, ces couches sont composees de laves compactes, noir-verdatre, ou plus communement brun pale, au lieu d'etre constituees par des materiaux devenus tendres, et colores de teintes vives. Ces laves compactes brunes sont formees presque entierement de feldspath en petits eclats luisants ou en petits cristaux aciculaires tres rapproches les uns des autres et associes a de nombreuses petites taches noires qui sont probablement de la hornblende. Les strates basaltiques de Prosperous Hill ne s'elevent qu'a une faible hauteur au-dessus du niveau des coulees feldspathiques doucement inclinees qui viennent buter contre leurs bords redresses et les entourent. L'inclinaison des couches basaltiques parait trop prononcee pour etre due au fait qu'elles auraient coule sur une pente, et elles doivent avoir ete amenees a leur position actuelle par un redressement survenu avant l'eruption des coulees feldspathiques. [Illustration: FIG. 9.--Les lignes doubles representent les couches basaltiques; les lignes simples, les couches sous-marines inferieures; les lignes pointillees, les couches feldspathiques superieures.] _Enceinte basaltique_.--En faisant le tour de l'ile, on observe qu'au sud de Prosperous Hill les laves de la serie superieure forment des falaises tres elevees surplombant la mer. Le cap designe sous le nom de Great Stony-top, et qu'on rencontre ensuite, est compose, je crois, de basalte ainsi que le promontoire appele Long Range Point, auquel aboutissent, du cote de la terre, les couches colorees. Sur la cote sud de l'ile nous voyons les strates basaltiques de South Barn plonger obliquement vers la mer sous un angle tres prononce; ce cap depasse legerement aussi le niveau des laves feldspathiques plus modernes. Plus loin encore, la cote a ete fortement denudee sur une grande longueur, de chaque cote de Sandy Bay, et il ne semble plus etre reste en cet endroit que les debris de la base du grand cratere central. Les couches basaltiques reparaissent avec leur inclinaison vers la mer, au pied de la colline appelee Man-and-Horse; et elles se poursuivent sur toute la longueur de la cote nord-ouest, depuis ce point jusqu'a Sugar-Loaf Hill, qui est situe pres du Flagstaff. Ces coulees offrent partout la meme inclinaison vers la mer, et elles reposent, en certains points au moins, sur les laves de la serie inferieure. Nous voyons ainsi que la circonference de l'ile est formee par une enceinte de basalte fortement ebrechee, ou plutot par des masses de basalte disposees en forme de fer a cheval ouvert vers le sud et coupe par plusieurs larges breches du cote de l'est. La largeur de cette frange marginale parait varier de 1 mille a 1 mille et demi du cote nord-ouest, qui est le seul ou elle soit parfaitement complete. Les couches basaltiques et celles de la serie inferieure, qu'elles recouvrent, sont faiblement inclinees vers la mer aux endroits ou leur allure primitive n'a pas ete modifiee. La degradation plus prononcee de l'anneau basaltique autour de la moitie orientale de l'ile qu'autour de sa moitie occidentale, est due evidemment a ce que la puissance erosive des vagues est beaucoup plus considerable sur la cote orientale, exposee au vent, que sur la cote placee sous le vent, c'est ce que prouve du reste la hauteur plus forte des falaises sur la premiere de ces cotes. On ne saurait affirmer si les breches ont ete ouvertes dans la bordure de basalte avant ou apres l'eruption des laves de la serie superieure; mais, comme certaines parties detachees de l'enceinte basaltique paraissent avoir ete redressees avant que ce phenomene se fut produit, et pour d'autres raison encore, il est fort probable que tout au moins un certain nombre des breches sont anterieures a l'eruption. Si on reconstitue hypothetiquement cette enceinte circulaire de basalte, l'espace interne, ou la cavite, qui a ete comblee ulterieurement par les matieres ejaculees par le grand cratere central, parait avoir presente une forme ovale, longue de 8 a 9 milles sur 4 milles environ de largeur, et dont l'axe etait dirige suivant une ligne _N.-E.-S.-W._ coincidant avec le grand axe actuel de l'ile. _Crete centrale courbe._--Cette crete est formee, comme nous l'avons dit plus haut, de laves feldspathiques grises et de tufs argileux rouges, brechiformes, semblables aux couches de la serie superieure colorees de teintes vives. Les laves grises renferment un grand nombre de petits points noirs, facilement fusibles, et quelques rares cristaux de feldspath de grande dimension. Elles sont generalement devenues fort tendres. Sauf ce caractere et la propriete d'etre tres vesiculaires en beaucoup d'endroits, elles sont entierement semblables aux grandes nappes de lave qui surplombent la cote a Prosperous Bay. A en juger d'apres les traces de denudation, il s'est ecoule de longs intervalles de temps entre la formation des bancs successifs dont la crete est constituee. Sur le versant escarpe du nord j'ai observe dans plusieurs coupes une surface ondulee de tuf rouge fortement erodee, et recouverte de laves feldspathiques grises decomposees, sans autre interposition qu'une mince couche terreuse. En un point voisin j'ai remarque un dike de trapp, large de 4 pieds, arase et recouvert par la lave feldspathique comme le represente la figure. La crete se termine vers l'est en un crochet, qui n'est represente avec une nettete suffisante sur aucune des cartes que j'ai vues. Vers son extremite occidentale elle s'abaisse graduellement et se divise en plusieurs cretes secondaires. La partie la mieux definie de la crete, entre Diana's Peak et Nest Lodge, sert de base a des pics dont la hauteur varie de 2.000 a 2.700 pieds, et qui sont les plus eleves de toute l'ile; elle mesure un peu moins de 3 milles de longueur en ligne droite. Sur tout cet espace la crete offre un aspect et une structure uniformes; sa courbure rappelle la ligne de cote d'une grande baie, et elle est formee de plusieurs lignes courbes plus petites, dont la concavite est toujours ouverte vers le sud. Son versant septentrional et externe est renforce par des cretes etroites en arc-boutant qui s'abaissent vers la plaine environnante. Le cote interne est beaucoup plus escarpe et s'eleve presque a pic; il est constitue par la tranche des couches qui s'inclinent doucement vers l'interieur. Le long de certaines parties du versant interne, et pres du sommet, s'etend une corniche unie ou rebord, dont le contour suit les courbes secondaires de la crete. Des rebords de ce genre ne sont pas rares dans les crateres volcaniques, et leur formation semble due a l'affaissement d'une nappe horizontale de lave durcie, dont les bords restent adherer aux parois du cratere[6] (comme la glace aux bords d'un etang dont l'eau s'est retiree). [Illustration: FIG. 10.--Dike. 1. Lave feldspathique grise.--2. Couche d'une matiere terreuse rougeatre epaisse d'un pouce.--3. Tuf argileux rouge brechiforme.] En certains endroits, la crete est surmontee d'un parapet dont les deux faces sont verticales. Pres de Diana's Peak, ce mur est extremement etroit. J'ai observe a l'archipel des Galapagos des parapets dont la structure et l'aspect sont identiques a ceux des murs que nous venons de citer, et qui surmontent plusieurs des crateres; l'un d'eux, que j'ai plus particulierement etudie, etait compose de scories rouges, luisantes, fortement cimentees; comme il etait vertical du cote externe et qu'il s'etendait sur la circonference du cratere presque tout entiere, il le rendait a peu pres inaccessible. Suivant de Humboldt, le Pic de Tenerife et le Cotopaxi ont une structure analogue[7]; il dit "qu'a leur sommet un mur circulaire entoure le cratere; vu de loin ce mur offre l'aspect d'un petit cylindre pose sur un cone tronque. Pour le Cotopaxi[8] cette structure speciale est visible a l'oeil nu d'une distance de plus de 2.000 toises, et personne n'a jamais atteint son cratere. Sur le Pic de Tenerife le parapet est si eleve qu'il serait impossible d'atteindre la _Caldera_, si une crevasse ne s'ouvrait pas sur le cote oriental". L'origine de ces parapets circulaires est probablement due a la chaleur des vapeurs degagees du cratere qui en penetrent et en durcissent les parois sur une profondeur a peu pres uniforme; et plus tard les actions atmospheriques attaquent lentement la montagne sans entamer la partie durcie; celle-ci se montre alors sous forme de cylindre ou de parapet circulaire. En tenant compte des particularites de structure que nous venons de signaler dans la crete centrale: la convergence des couches de la serie superieure vers cette crete, l'etat fortement vesiculaire que les laves y prennent, la corniche unie qui s'etend le long de son flanc concave et vertical, comme celle qu'on observe dans l'interieur de certains volcans encore actifs, le mur en forme de parapet qui couronne son sommet, et enfin sa courbure speciale qui se distingue de tous les profils habituels aux soulevements, tous ces faits me prouvent que cette crete recourbee n'est autre chose que le dernier vestige d'un grand cratere. Cependant, quand on cherche a retrouver le contour primitif de ce cratere, on est bien vite desoriente; son extremite occidentale s'abaisse graduellement, et s'etend vers la cote en se divisant en d'autres cretes; l'extremite orientale est plus fortement courbee, mais elle est a peine mieux definie. Quelques particularites me font supposer que le mur meridional du cratere rencontrait la crete actuelle pres de Nest Lodge; s'il en est ainsi, le cratere doit avoir a peu pres 3 milles de longueur sur 1 mille et demi de largeur environ. Nous aurions cherche vainement a reconnaitre la veritable nature de la crete, si la denudation qu'elle a subie et la decomposition des roches dont elle est formee avaient ete un peu plus avancees qu'elles ne le sont, et si la crete avait ete coupee par de grands dikes et par des masses considerables de matieres injectees, comme l'ont ete plusieurs autres parties de l'ile. Meme dans l'etat actuel des choses, nous avons vu qu'a Flagstaff Hill l'extremite inferieure d'une nappe de matiere eruptive a ete soulevee a une hauteur egale et probablement meme superieure a celle du cratere dont elle s'est ecoulee. Il est interessant de suivre ainsi les degres par lesquels passe la structure d'une region volcanique en s'obscurcissant peu a peu pour finir par s'effacer. L'ile de Sainte-Helene se rapproche tellement de cette derniere phase que jusqu'ici personne, je crois, n'a suppose que la crete centrale ou l'axe de l'ile fut la derniere epave du cratere dont les coulees volcaniques les plus recentes ont ete ejaculees. Le grand espace vide, ou la vallee, qui existe au sud de la crete centrale curviligne, et sur laquelle s'etendait autrefois la moitie du cratere, est formee de monticules et de cretes denudes et erodes, constitues par des roches rouges, jaunes et brunes, melees en une confusion cahotique, entrelacees de dikes, et sans aucune stratification reguliere. La partie principale consiste en scories rouges en voie de decomposition, associees a des tufs de diverses varietes et a des lits argileux jaunatres pleins de cristaux brises, parmi lesquels ceux d'augite sont d'une grandeur remarquable. Ca et la surgissent des masses de lave tres vesiculaires et tres amygdaloides. Sur l'une des cretes, au milieu de la vallee, se dresse brusquement une colline conique tres escarpee, designee sous le nom de _Lot_. C'est un trait saillant et singulier du paysage. Cette colline est formee de phonolite, dont une partie est en grands feuillets courbes, une autre partie est constituee de boules concretionnees plus ou moins anguleuses, et la troisieme consiste en colonnes disposees en rayons divergents. De sa base divergent, en s'inclinant dans toutes les directions, des couches de lave, de tuf et de scories[9]; la partie du cone qui emerge au-dessus de ces couches est haute de 197 pieds[10] et sa section horizontale est ovale. Le phonolite est gris verdatre et plein de petits cristaux aciculaires de feldspath; il offre, dans la plupart des cas, une cassure conchoidale, il est sonore et il est crible de petites cavites. Au S.-W. de Lot, on observe plusieurs autres pics colonnaires fort remarquables, mais de forme moins reguliere, notamment Lot's Wife, et les Asses' Ears, constitues d'une roche analogue. Leur forme aplatie et leur position relative demontrent clairement qu'ils se trouvent sur la meme ligne de fissure. Il est interessant de remarquer, en outre, que, si on prolongeait la ligne N.-E.-S.-W., joignant Lot et Lot's Wife, elle couperait Flagstaff Hill, qui est sillonne de nombreux dikes courant dans cette meme direction, comme nous l'avons dit plus haut, et dont la structure bouleversee rend vraisemblable qu'une grande masse de roche autrefois liquide se trouve injectee sous cette colline. Dans la meme grande vallee on rencontre plusieurs autres masses coniques de roches injectees (j'ai observe que l'une d'entre elles etait formee de greenstone compact), dont quelques-unes ne semblent avoir aucune relation avec la direction suivie par un dike, tandis que d'autres sont evidemment reliees par une de ces lignes. Trois ou quatre grandes lignes de dikes s'etendent au travers de la vallee suivant une direction N.-E.-S.-W., parallele a celle qui joint les Asses' Ears et Lot's Wife, et probablement Lot. Le grand nombre de ces masses de roches injectees est un trait remarquable de la geologie de Sainte-Helene. Outre celles que nous venons de citer, et la masse hypothetique qui s'etendrait sous Flagstaff Hill, mentionnons encore la masse qui forme Little-Stony-Top, et comme j'ai lieu de le croire, d'autres masses encore au Man-and-Horse et a High-Hill. La plupart de ces masses, sinon toutes, ont ete injectees posterieurement aux dernieres eruptions volcaniques du cratere central. La formation, sur des lignes de fissure, de saillies rocheuses coniques, dont les parois sont le plus souvent paralleles, peut etre vraisemblablement attribuee a des inegalites de tension, provoquant la formation de petites fissures transversales; les bords des couches cedent naturellement en ces points d'intersection, et sont facilement redresses. Je dois faire observer, enfin, que partout les eminences de phonolite ont une tendance[11] a prendre des formes singulieres et meme grotesques, comme celle de Lot; le pic de Fernando Noronha en offre un exemple; pourtant a San Thiago, les cones de phonolite, quoique aigus, ont une forme reguliere. En supposant, comme cela parait probable, que tous les monticules ou obelisques de ce genre ont ete originairement injectes a l'etat liquide dans un moule forme par des couches qui ont cede sous la pression des masses injectees, comme le fait s'est produit certainement pour Lot, on peut se demander d'ou proviennent leurs formes si souvent escarpees et etranges en comparaison de celles des masses de greenstone et de basalte qui partagent avec les premieres le meme mode de formation. Ces formes seraient-elles dues a une fluidite moins parfaite que l'on considere generalement comme caracteristique des laves trachytiques voisines des phonolites? _Depots superficiels_.--On rencontre, tant sur la cote septentrionale de l'ile que sur sa cote meridionale, un gres calcarifere tendre, en bancs superficiels fort etendus quoique peu epais. Il consiste en tres petits fragments roules de coquilles et d'autres organismes d'une dimension uniforme, qui conservent en partie leurs couleurs jaune, brune et rose, et offrent parfois, mais tres rarement, des traces vagues de leur forme externe primitive. Je me suis vainement efforce de trouver un fragment de coquille qui ne fut pas roule. La couleur des fragments est le caractere le plus net qui fasse reconnaitre leur origine; l'action d'une chaleur moderee altere ces nuances et provoque le degagement d'une odeur; ce sont donc des caracteres identiques a ceux que presentent des coquilles fraiches. Ces fragments sont cimentes entre eux et sont melanges d'une matiere terreuse: d'apres Beatson, les masses les plus pures contiennent 70 p. 100 de carbonate de chaux. Les bancs, dont l'epaisseur varie de 2 ou 3 pieds a 15 pieds, recouvrent la surface du sol; on les rencontre generalement sur celui des flancs de la vallee qui est protege contre l'action du vent, et ils se trouvent a la hauteur de plusieurs centaines de pieds au-dessus du niveau de la mer. Leur position correspond a celle que le sable prendrait aujourd'hui sous l'action du vent alize; et sans aucun doute ils ont ete formes de cette maniere, ce qui explique l'uniformite et la finesse des particules, ainsi que l'absence complete de coquilles entieres ou meme de fragments de dimension moyenne. C'est un fait remarquable que sur aucun point de la cote il n'existe aujourd'hui de bancs coquillers d'ou la poussiere calcaire aurait pu etre enlevee et triee. Nous devons donc remonter a une periode plus ancienne, anterieure aux bouleversements qui ont produit les grandes falaises actuelles, et durant laquelle une cote en pente douce, comme celle de l'Ascension, se pretait a l'accumulation des debris de coquilles. Quelques-uns des bancs de ce calcaire se trouvent a l'altitude de 6 a 700 pieds au-dessus de la mer; mais cette altitude peut etre due, en partie, a un soulevement du sol posterieur a l'accumulation du sable calcaire. L'infiltration de l'eau des pluies a consolide certaines parties de ces bancs, les a transformes en une roche compacte, et a provoque la formation de calcaires stalagmitiques brun fonce. A la carriere de Sugar-Loaf, des fragments de roches ont ete recouverts, sur les pentes adjacentes[12], par des couches minces superposees de matiere calcaire formant un revetement epais. Un fait curieux, c'est qu'un grand nombre de ces cailloux sont recouverts sur toute leur surface, sans qu'aucun point indiquant leur contact avec une autre roche ait ete laisse a nu; ces cailloux doivent donc avoir ete souleves par l'action du depot tres lent qui s'operait et les recouvrait de couches successives de carbonate de chaux. Des masses d'une roche blanche, finement oolitique, sont fixees a la surface externe d'un certain nombre de ces cailloux. Von Buch a decrit un calcaire compact de Lanzarote qui ressemble parfaitement au depot stalagmitique dont il s'agit; cet enduit recouvre des cailloux, et en certains endroits il est finement oolitique. Ce calcaire forme une couche tres etendue dont l'epaisseur varie d'un pouce a 2 ou 3 pieds, et on le rencontre a la hauteur de 800 pieds au-dessus de la mer, mais uniquement sur celle des cotes de l'ile qui est exposee aux vents violents du nord-ouest. Von Buch fait observer[13] qu'on ne le rencontre pas dans les cavites du sol, mais uniquement sur les flancs continus et inclines de la montagne. Il croit que ce calcaire a ete depose par les embruns que ces vents violents portent au-dessus de l'ile tout entiere. Il me parait cependant beaucoup plus vraisemblable que cette roche a ete formee, comme a Sainte-Helene, par l'infiltration de l'eau dans des amas de coquilles finement concassees; car lorsque le sable est transporte par le vent sur une cote tres exposee, il tend toujours a s'accumuler sur des surfaces larges et unies offrant aux vents une resistance uniforme. En outre, a l'ile voisine de Fuerteventura[14], il existe un calcaire terreux qui, d'apres von Buch, est entierement semblable aux specimens provenant de Sainte-Helene qu'il a vus, et qu'il croit formes par le transport de debris de coquilles sous l'action du vent. Dans la carriere de Sugar-Loaf Hill, dont j'ai parle plus haut, les bancs superieurs de calcaire sont plus tendres, moins purs, et ont le grain plus fin que les bancs inferieurs. Les coquilles terrestres y abondent et quelques-unes sont intactes; ces bancs renferment aussi des ossements d'oiseaux et de grands oeufs[15] qui proviennent, selon toute probabilite, d'oiseaux aquatiques. Il est vraisemblable que ces couches superieures sont restees longtemps a l'etat meuble, et que c'est durant cette periode que les produits terrestres y ont ete renfermes. M. G.-R. Sowerby a bien voulu examiner trois especes de coquilles terrestres, provenant de ces bancs, que je lui ai remises. La description qu'il en a faite se trouve a l'Appendice. L'une de ces coquilles est une Succinee, identique a une espece actuellement vivante et qui abonde dans l'ile; les deux autres, notamment _Cochlogena fossilis_ et _Helix biplicata_, ne sont pas connues comme organismes actuels; la derniere de ces especes a ete trouvee aussi dans une autre localite fort differente, ou elle est associee a une espece incontestablement eteinte du genre Cochlogena. _Lits de coquilles terrestres eteintes_.--En diverses parties de l'ile, on trouve, enfouies dans la terre, des coquilles terrestres qui paraissent appartenir toutes a des especes eteintes. La plupart d'entre elles ont ete trouvees sur Flagstaff-Hill, a une altitude considerable. Sur le versant nord-ouest de cette colline, un ravin creuse par la pluie a mis a decouvert une coupe d'environ 20 pieds de puissance, dont la partie superieure consiste en terre vegetale noire, evidemment amenee des parties plus elevees de la colline par l'eau des pluies, et la partie inferieure en terre moins noire, ou abondent des coquilles jeunes et vieilles entieres ou brisees. Cette terre est faiblement consolidee en certains points par une matiere calcareuse provenant probablement de la decomposition partielle d'une certaine quantite des coquilles. M. Seale, l'intelligent resident de Sainte-Helene, qui a, le premier, appele l'attention sur ces coquilles, m'en a donne une collection nombreuse provenant d'une autre localite, ou elles semblent avoir ete enfouies dans une terre fort noire. M. G.-R. Sowerby a etudie ces coquilles et les a decrites dans l'Appendice. Il y en a sept especes, notamment une Cochlogena, deux especes du genre Cochlicopa, et quatre du genre Helix; aucune de ces especes n'est connue comme vivante et n'a ete trouvee ailleurs que la. De petites especes ont ete retirees de l'interieur des grandes coquilles de _Cochlogena auris-vulpina_. Cette derniere espece est fort singuliere a divers egards. Lamarck lui-meme l'a classee dans un genre marin, elle a ete prise ainsi erronement pour une coquille marine, et les especes plus petites qui l'accompagnent ayant passe inapercues, on a mesure l'altitude des endroits exactement determines ou elle a ete trouvee, et on a conclu ainsi au soulevement de l'ile! Il est bien remarquable que toutes les coquilles de cette espece que j'ai trouvees en un meme endroit forment, d'apres M. Sowerby, une variete distincte de celle a laquelle appartiennent les coquilles provenant d'une autre localite et recueillies par M. Seale. Comme cette Cochlogena est une coquille grande et bien visible, j'ai soigneusement interroge plusieurs habitants fort intelligents, sur le point de savoir s'ils avaient jamais vu cet animal a l'etat vivant; ils m'ont tous affirme que non, et meme ils ne voulaient pas croire que ce fut un organisme terrestre; en outre, M. Seale, qui a collectionne des coquilles a Sainte-Helene pendant toute sa vie, ne l'a jamais rencontree a l'etat vivant. Peut-etre decouvrira-t-on que quelques-unes des especes les plus petites sont encore vivantes; mais, d'un autre cote, les deux mollusques terrestres vivant actuellement en abondance dans l'ile n'ont jamais ete trouves, que je sache, associes dans les roches avec les especes eteintes. J'ai montre dans mon journal[16] que l'extinction de ces mollusques terrestres pourrait n'etre pas fort ancienne, car un grand changement s'est produit dans l'ile il y a environ cent vingt ans; a cette epoque, les vieux arbres moururent, et ils ne furent pas remplaces parce que les jeunes arbres etaient detruits au fur et a mesure de leur naissance par les chevres et les porcs, qui vivaient dans l'ile en grand nombre et a l'etat de liberte depuis 1502. M. Seale affirme que sur Flagstaff-Hill, ou les coquilles enfouies sont surtout abondantes, comme nous l'avons vu, on peut observer partout des traces qui demontrent clairement que cette colline a ete couverte autrefois d'une epaisse foret; aujourd'hui, il n'y croit pas meme un buisson. La couche epaisse de terre vegetale noire, qui recouvre le banc coquillier sur les flancs de cette colline, a ete probablement amenee du sommet par les eaux des que les arbres perirent et que l'abri qu'ils offraient disparut. _Soulevement de l'ile_.--Apres avoir constate que les laves de la serie inferieure, dont l'origine est sous-marine, ont ete elevees au-dessus du niveau de la mer et atteignent en certains endroits une altitude de plusieurs centaines de pieds, je me suis efforce de retrouver des signes superficiels du soulevement de l'ile. Le fond d'un certain nombre des gorges qui descendent vers la cote est comble, sur une hauteur de 100 pieds environ, par des couches mal definies de sable, d'argile limoneuse et de masses fragmentaires. M. Seale a trouve dans ces couches les os de l'Oiseau du Tropique et de l'Albatros; aujourd'hui le premier de ces oiseaux visite rarement l'ile, et le second n'y vient jamais. La difference qui existe entre ces couches et les amas inclines de debris qui les recouvrent me fait supposer qu'elles ont ete deposees dans les gorges lorsque celles-ci se trouvaient au-dessous du niveau de la mer. En outre, M. Seale a montre que quelques-unes des gorges en forme de fissure[17] s'elargissent legerement du sommet vers la base en offrant une section concave, et cette forme speciale est due probablement a l'action erosive que la mer exercait lorsqu'elle penetrait dans la partie inferieure des gorges. A des altitudes plus considerables on n'a pas de preuves aussi evidentes du soulevement de cette ile; neanmoins, dans une depression en forme de baie que presente le plateau s'etendant derriere Prosperous Bay, a l'altitude d'environ 1.000 pieds, on voit des masses rocheuses a sommet plat, dont on ne saurait concevoir la separation d'avec les couches voisines semblables qu'en admettant qu'elles ont ete exposees a l'erosion marine sur une plage. Il serait certainement bien difficile d'expliquer d'une autre maniere un grand nombre de denudations qui ont ete produites a de grandes altitudes; ainsi, par exemple, le sommet aplati de la colline de Barn, dont l'altitude est de 2.000 pieds, presente, suivant M. Seale, un veritable reseau de dikes tronques; sur des collines formees, comme le Flagstaff, d'une roche tendre nous pouvons supposer que les dikes ont ete erodes et abattus par les agents atmospheriques, mais nous pouvons difficilement supposer que cela soit possible pour les couches basaltiques resistantes du Barn. _Denudation de la cote_.--Les enormes falaises, hautes, en certains endroits, de 1.000 a 2.000 pieds, dont cette ile, semblable a une prison, est entouree de toutes parts, sauf en quelques points ou d'etroites vallees descendent vers la cote, forment le trait le plus saillant du paysage. Nous avons vu que des segments de l'enceinte basaltique, longs de 2 a 3 milles sur 1 ou 2 milles de largeur et 1.000 a 2.000 pieds de hauteur, ont ete completement rases. En outre, des recifs et des bancs de rochers s'elevent dans la mer en des endroits ou elle presente de grandes profondeurs, a 3 ou 4 milles de la cote actuelle. D'apres M. Seale, on peut les suivre jusqu'au rivage et constater ainsi qu'ils forment le prolongement de certains grands dikes bien determines. La formation de ces rochers est due evidemment a l'action des vagues de l'Ocean Atlantique, et il est interessant de constater que les rochers situes sous le vent de l'ile, du cote qui est partiellement protege et qui s'etend de Sugar-Loaf Hill a South-West Point, presentent une hauteur moindre, quoique encore considerable, correspondant a une situation mieux abritee. Quand on songe a l'altitude relativement faible que presentent les cotes d'un grand nombre d'iles volcaniques, exposees comme Sainte-Helene a l'action de la pleine mer, et dont l'origine semble remonter a une haute antiquite, l'esprit recule a l'idee d'evaluer le nombre de siecles necessaires pour reduire en limon et disperser l'enorme volume de roches dures qui a ete arrache au littoral de cette ile. L'etat de la surface de Sainte-Helene offre un contraste frappant avec celle de l'ile la plus voisine, l'Ascension. A l'Ascension les coulees de lave presentent une surface brillante, comme si elles venaient d'etre ejaculees; leurs limites sont bien definies, et souvent on peut les suivre jusqu'aux crateres encore intacts qui les ont emises. Pendant mes nombreuses et longues promenades je n'ai pas observe un seul dike; et sur la circonference presque entiere de l'ile la cote est basse et a ete rongee au point de ne plus former qu'un petit mur dont la hauteur varie de 10 a 40 pieds (il ne faut pourtant pas attacher a ce fait une importance trop considerable, car l'ile a pu s'affaisser). Cependant depuis trois cent quarante ans que l'ile de l'Ascension est connue, on n'y a pas signale le moindre symptome d'action volcanique[18]. D'autre part, a Sainte-Helene on ne saurait suivre le cours d'aucune coulee de lave, en se guidant soit par l'etat de ses limites, soit par celui de la surface; il n'y reste que l'epave d'un grand cratere. Des dikes ruines sillonnent non seulement les vallees, mais meme la surface de quelques-unes des collines les plus elevees; et, en plusieurs endroits, les sommets denudes de grands cones de roche injectee sont exposes et decouverts. Enfin, nous avons vu que le pourtour entier de l'ile a ete profondement erode, de maniere a former de gigantesques falaises. _Crateres de soulevement_.--Les iles de Sainte-Helene, de San Thiago et Maurice offrent une grande ressemblance au point de vue de leur structure et de leur histoire geologique. Ces trois iles sont enfermees (tout au moins celles de leurs parties qu'il m'a ete possible de visiter) dans un cercle de montagnes basaltiques fortement entame aujourd'hui, mais qui a ete evidemment continu autrefois. Le versant de ces montagnes, dirige vers l'interieur de l'ile, est escarpe, ou parait pour le moins l'avoir ete autrefois, et les couches dont elles sont constituees plongent vers la mer. Je n'ai pu determiner l'inclinaison des bancs que dans un petit nombre de cas seulement, et cette operation n'etait pas facile, car la stratification paraissait generalement mal definie, si ce n'est quand on l'observait de loin. Cependant, je suis a peu pres certain que, conformement aux recherches de M. Elie de Beaumont, leur inclinaison moyenne est superieure a celle qu'ils auraient pu prendre en coulant sur une pente, etant donnees leur epaisseur et leur compacite. A Sainte-Helene et a San Thiago les couches basaltiques reposent sur des bancs plus anciens, d'une composition differente, et qui sont probablement sous-marins. Dans les trois iles, des deluges de laves plus recentes se sont ecoules du centre de l'ile vers les montagnes basaltiques et entre ces dernieres; et a Sainte-Helene la plate-forme centrale a ete comblee par ces laves. Chacune des trois iles a ete soulevee en masse. A l'ile Maurice la mer doit avoir baigne le pied des montagnes basaltiques, a une periode geologique eloignee, ainsi qu'elle le fait actuellement a Sainte-Helene; a San Thiago la mer attaque aujourd'hui la plaine qui s'etend entre ces montagnes. Dans les trois iles, mais specialement a San Thiago et a Maurice, l'observateur, place au sommet d'une des anciennes montagnes basaltiques, cherche en vain a decouvrir au centre de l'ile (point vers lequel convergent approximativement les strates placees sous ses pieds et sous les montagnes situees a sa droite et a sa gauche), une source d'ou ces coulees auraient pu etre emises; mais il n'apercoit qu'un vaste plateau concave s'etendant au-dessous de lui, ou des monceaux de matieres d'origine plus recente. Je pense que ces montagnes basaltiques doivent etre classees avec les crateres de soulevement; il importe peu que les enceintes aient ete ou non completes autrefois, car les segments qui en subsistent aujourd'hui ont une structure si uniforme que, s'ils ne constituent pas des fragments de veritables crateres, on ne peut pas les classer parmi les lignes de soulevement ordinaires. En considerant leur origine, et apres avoir lu les ouvrages de M. Lyell[19] et de MM. C. Prevost et Virlet, je ne puis croire que les grandes depressions centrales aient ete formees par un soulevement en forme de dome, provoquant le cintrage des couches. D'un autre cote il m'est bien difficile d'admettre que ces montagnes basaltiques ne soient que de simples fragments du pied de grands volcans dont le sommet aurait ete enleve par explosion, ou plus vraisemblablement englouti par affaissement. Ces enceintes ont parfois des dimensions tellement colossales, comme a San Thiago et a Maurice, et on les rencontre si souvent, que je puis difficilement me resoudre a adopter cette explication. En outre, la simultaneite frequente des faits que je vais enumerer me porte a croire qu'ils ont, en quelque sorte, un rapport commun que n'implique ni l'une ni l'autre des theories rappelees plus haut: en premier lieu, l'etat ruine de l'enceinte qui demontre que les parties actuellement isolees ont ete soumises a une denudation puissante, et tend peut-etre, en certains cas, a demontrer que l'enceinte n'a probablement jamais ete fermee; en second lieu, la grande quantite de matiere ejaculee par la partie centrale de l'ile apres la formation de l'enceinte ou pendant la duree de cette formation; et en troisieme lieu, le soulevement de l'ile en masse. Quant au fait que l'inclinaison des couches est superieure a celle que devraient offrir naturellement les fragments de la base de volcans ordinaires, j'admets volontiers que cette inclinaison a pu augmenter lentement par le soulevement dont les nombreuses fissures comblees ou dikes donnent a la fois la preuve et la mesure, d'apres M. Elie de Beaumont; theorie aussi neuve qu'importante que nous devons aux recherches de ce geologue a l'Etna. Convaincu, comme je l'etais alors, par les phenomenes observes en 1835 dans l'Amerique du Sud[20], que les forces qui produisent l'ejaculation des matieres par les orifices volcaniques sont identiques a celles qui soulevent l'ensemble des continents, une hypothese, embrassant les faits que je viens de citer, se presenta a mon esprit quand j'etudiai la partie de la cote de San Thiago ou la couche calcaire soulevee horizontalement plonge dans la mer, immediatement sous un cone de lave d'eruption posterieure. Cette hypothese consiste a admettre que, pendant le soulevement lent d'une contree ou d'une ile volcanique, au centre de laquelle un ou plusieurs orifices restent ouverts, neutralisant ainsi les forces souterraines, la peripherie est soulevee plus fortement que la partie centrale; et que les parties ainsi surelevees ne s'abaissent pas en pente douce vers la region centrale moins elevee [comme le fait la couche calcaire sous le cone a San Thiago, et comme une grande partie de la circonference de l'Islande[21]; mais qu'elles en sont separees par des failles courbes. D'apres ce que nous constatons le long des failles ordinaires, nous pouvons nous attendre a ce que, sur la partie soulevee, les couches, deja inclinees vers l'exterieur par le fait de leur formation primordiale en coulees de lave, seront relevees a partir du plan de la faille et prendront ainsi une inclinaison plus forte. Suivant cette hypothese, que je suis tente de n'appliquer qu'a quelques cas peu nombreux, il n'est pas probable que l'enceinte ait jamais ete complete, et par suite de la lenteur du soulevement, les parties soulevees auraient ete generalement exposees a une denudation puissante qui aurait provoque la rupture de l'enceinte. Nous pouvons nous attendre aussi a constater des differences accidentelles d'inclinaison entre les masses soulevees, comme cela se produit a San Thiago. Cette hypothese rattache egalement le soulevement de l'ensemble de la region a l'ecoulement de grands flots de lave provenant des plates-formes du centre. Dans cette theorie les montagnes basaltiques marginales des trois iles que nous avons citees plus haut peuvent encore etre considerees comme formant des "crateres de soulevement"; le genre de soulevement que l'on suppose a ete lent, et la depression ou plate-forme centrale a ete formee, non par le cintrage de la surface, mais simplement par suite d'un soulevement moins considerable de cette partie de l'ile. Notes: [1] _Account of St-Helena_ by governor Beatson. [2] _Geognosy of the Island of Saint-Helena_. M. Seale a construit un modele a grande echelle de l'ile de Sainte-Helene, qui merite une visite, et qui se trouve actuellement au College d'Addiscombe dans le Surrey. [3] Ce fait a ete observe (Lyell, _Principles of Geology_, vol. IV, chap. x, p. 9) dans les dikes de l'Atrio del Cavallo, mais il n'est probablement pas fort commun. Sir G. Mackensie affirme cependant (_Travels in Iceland_, p. 372) qu'en Islande toutes les veines presentent sur leurs bords "un revetement noir vitreux". Le capitaine Carmichael dit, en parlant des dikes de Tristan d'Acunha, ile volcanique de l'Atlantique meridional, que leurs bords "sont invariablement semi-vitreux au contact de la roche encaissante". (_Linnaean Transactions_, vol. XII, p. 485.) [4] _Geognosy of the Island of Saint-Helena_, pl. 5. [5] M. Constant Prevost (_Memoires de la Societe Geologique_, t. II) fait observer que "les produits volcaniques n'ont que localement et rarement meme derange le sol, a travers lequel ils se sont fait jour". [6] Un exemple remarquable de cette structure est decrit dans _les Polynesian Researches_, de Ellis (seconde edition), ou l'on trouve un dessin admirable des corniches et des terrasses successives qui s'etendent sur les bords de l'immense cratere d'Hawai aux iles Sandwich. [7] _Personal Narrative_, t. I, p. 171. [8] De Humboldt, _Pituresque Atlas_, folio, pl. 10. [9] Dans ses _Views of Vesuvius_ (pl. VI), Abich a represente la maniere dont les couches sont relevees, dans des circonstances a peu pres identiques. Les couches superieures sont redressees plus fortement que les inferieures, et il explique ce fait en montrant que la lave s'introduit horizontalement entre les couches inferieures. [10] Cette altitude est donnee par M. Seale dans sa _Geognosie_ de l'ile. La hauteur du sommet au-dessus du niveau de la mer est evaluee a 1.444 pieds. [11] Dans son _Traite de Geognosie_ (t. III, p. 540), d'Aubuisson insiste particulierement sur ce fait. [12] En plusieurs points de cette colline, on rencontre dans les detritus terreux des masses irregulieres de sulfate de chaux cristallise et tres impur. Comme cette substance se depose actuellement en abondance a l'Ascension par l'effet du ressac, il est possible que ces masses aient la meme origine; mais s'il en est ainsi, elles doivent s'etre formees a une epoque ou l'ile presentait une altitude de beaucoup inferieure a celle qu'elle possede aujourd'hui. Ce gypse terreux se trouve actuellement a une hauteur de 6 a 700 pieds. [13] _Description des iles Canaries_, p. 293 [14] _Id._, pp. 314 et 374. [15] Dans un catalogue presente avec quelques specimens a la Societe geologique, le colonel Wilkes rapporte qu'une seule personne a trouve jusqu'a dix oeufs. Le Dr Buckland a fait une communication sur ces oeufs (_Geological Transactions_, vol. V, p. 474). [16] _Journal of Researches_, p. 582. [17] D'apres M. Seale, une gorge en forme de fissure, situee pres de Stony-top, mesure 840 pieds de profondeur sur 115 pieds de largeur seulement. [18] Le _Nautical Magazine_ de 1835, p. 642, celui de 1838, p. 361, et les _Comptes rendus_ d'avril 1838, font connaitre une serie des phenomenes volcaniques: tremblements de terre, eaux troublees, scories flottantes et colonnes de fumee, qui ont ete observes a divers intervalles depuis le milieu du siecle dernier, dans la region oceanique comprise entre 20 et 22 deg. de longitude ouest, a un demi-degre environ au sud de l'Equateur. Ces faits semblent prouver qu'une ile ou qu'un archipel est en voie de formation au milieu de l'Atlantique; le prolongement de la ligne joignant Sainte-Helene a l'Ascension coupe ce foyer volcanique lentement en voie de formation. [19] _Principles of Geology_ (5e edit.), vol. II, p. 171. [20] J'ai donne en mars 1838 une relation detaillee de ces phenomenes, dans une communication a la Societe geologique. Pendant qu'une surface immense etait agitee et qu'une grande contree se soulevait, les districts immediatement contigus a plusieurs des grands orifices des Cordilleres demeuraient tranquilles, les forces souterraines etant probablement neutralisees par les eruptions, qui recommencerent alors avec une grande violence. Un evenement d'une nature a peu pres identique, mais se produisant sur une echelle infiniment moins grande, parait avoir eu lieu, suivant Abich (_Views of Vesuvius_, pl. I et IX), a l'interieur du grand cratere du Vesuve, ou une plate-forme situee sur un cote d'une fissure a ete soulevee tout entiere a la hauteur de 20 pieds, tandis qu'une trainee de petits volcans venaient faire eruption sur l'autre bord de cette fissure.] [21] Suivant des informations qui m'ont ete communiquees de la maniere la plus obligeante par M.E. Robert, les segments de la circonference de l'Islande, qui sont formes d'anciennes couches basaltiques alternant avec du tuf, plongent vers l'interieur de l'ile, en imitant ainsi une coupe gigantesque. M. Robert a observe que cette disposition se presente le long de la cote sur une distance de plusieurs centaines de milles, sauf quelques rares interruptions tout a fait locales. Cette observation est confirmee, au moins en ce qui concerne une partie de la circonference, par Mackenzie, dans ses Travels (p. 377), et pour une autre localite par des notes manuscrites qui m'ont ete complaisamment pretees par le Dr Holland. La cote est fortement decoupee par des anses, au fond desquelles le pays est generalement bas. M. Robert m'a communique que les couches qui plongent vers l'interieur de l'ile semblent s'etendre jusqu'a cette ligne, et que leur inclinaison correspond ordinairement a celle de la surface du sol, depuis les hautes montagnes cotieres jusqu'a la contree basse qui s'etend a l'extremite des anses. Dans la coupe decrite par sir G. Mackenzie l'inclinaison est de 12 deg.. L'interieur de l'ile, pour autant qu'on le connaisse, consiste principalement en produits d'eruption recents. Peut-etre l'etendue considerable de l'Islande, qui est presque egale a celle de l'Angleterre, devrait-elle la faire exclure de la classe d'iles que nous avons etudiees, mais je ne puis m'empecher de croire que, si les montagnes cotieres, au lieu de s'incliner doucement vers la region centrale plus basse, en avaient ete separees par des failles irregulierement recourbees, les couches auraient ete renversees de maniere a plonger vers la mer, et qu'il se serait forme un "cratere de soulevement" comme celui de San Thiago ou de l'ile Maurice, mais de dimensions beaucoup plus vastes. Je me bornerai a faire observer en outre que l'existence frequente de lacs tres etendus au pied des grands volcans, et que l'association souvent constatee de nappes volcaniques et de depots d'eau douce paraissent demontrer que les regions voisines des volcans sont predisposees a s'abaisser au-dessous du niveau general de la contree environnante, soit qu'elles aient subi un soulevement moins considerable, soit qu'elles se soient affaissees. CHAPITRE V ARCHIPEL DES GALAPAGOS Ile Chatham.--Crateres formes d'une espece particuliere de tuf.--Petits crateres basaltiques avec cavites a leur base.--Ile Albemarle, laves liquides, leur composition.--Crateres de tuf, inclinaison de leurs couches divergentes externes, et structure de leurs couches convergentes internes.--Ile James, segment d'un petit cratere basaltique; fluidite et composition de ses coulees de lave et des fragments qu'il rejette.--Remarques finales sur les crateres de tuf et sur l'etat delabre de leurs flancs meridionaux.--Composition mineralogique des roches de l'archipel.--Soulevement de la contree.--Direction des fissures d'eruption. Cet archipel est situe sous l'Equateur, a la distance de 500 a 600 milles de la cote occidentale de l'Amerique du Sud. Il consiste en cinq iles principales et en plusieurs petites iles; leur ensemble est egal en surface[1] mais non en etendue de pays, a la Sicile jointe aux iles Ioniennes. Elles sont toutes volcaniques; on a vu des crateres en eruption sur deux d'entre elles, et dans plusieurs des autres iles il y a des coulees de lave qui paraissent recentes. Les iles les plus grandes sont formees principalement de roches compactes et elles s'elevent a une altitude variant de 1.000 a 4.000 pieds, en presentant un profil peu accidente. Parfois, elles sont surmontees d'un orifice principal, mais ce fait n'est pas general. La dimension des crateres varie, de simples orifices a d'immenses chaudieres dont la circonference mesure plusieurs milles; ces crateres sont extraordinairement nombreux, a tel point que, si on les comptait, on en trouverait, je crois, plus de deux mille; ils sont formes soit de scories et de laves, soit d'un tuf colore en brun, et ces derniers crateres sont remarquables a divers egards. Le groupe entier a ete leve par les officiers du Beagle. J'ai visite moi-meme quatre des principales iles et j'ai recu des echantillons provenant de toutes les autres. Je ne decrirai sous la mention des differentes iles que celle qui me parait digne d'attention. [Illustration: Fig 11.--Carte de l'archipel des Galapagos.] ILE CHATHAM.--_Crateres formes de tuf d'une espece particuliere_. --Vers l'extremite orientale de l'ile on rencontre deux crateres formes de deux especes differentes de tuf; l'une d'elles est friable comme des cendres faiblement consolidees; l'autre est compacte, et d'une nature differente de tout ce dont j'ai jamais lu la description. Aux endroits ou cette derniere substance est le mieux caracterisee, elle est de couleur brun-jaunatre, translucide, et elle offre un eclat plus ou moins resineux; elle est cassante, a cassure anguleuse, rude et tres irreguliere; parfois pourtant legerement grenue, et meme vaguement cristalline; elle est facilement rayee par un couteau; certains points cependant sont assez durs pour rayer le verre; elle se fond avec facilite en un verre de couleur vert-noiratre. La masse renferme de nombreux cristaux brises d'olivine et d'augite, et de petites particules de scories noires et brunes; elle est souvent traversee par des veines minces d'une matiere calcareuse. Elle affecte generalement une structure noduleuse ou concretionnee. Un echantillon isole de cette substance serait pris certainement pour une variete speciale de resinite a teinte pale; mais, quand on l'observe en masses, sa stratification et les nombreuses couches de fragments de basalte anguleux et arrondis demontrent a l'evidence, au premier coup d'oeil, qu'elle a ete formee sous les eaux. L'examen d'une serie de specimens montre que cette substance resiniforme est le produit d'une transformation chimique subie par de petites particules de roches scoriacees a teintes pales et foncees; et cette transformation peut etre suivie distinctement, dans ses differentes phases, autour des bords d'une seule et meme particule. D'apres la situation voisine de la cote, de presque tous les crateres composes de cette espece de tuf ou de peperine, et d'apres leur etat delabre, il est probable qu'ils ont tous ete formes sous la mer. En envisageant cette circonstance et le fait remarquable de l'absence de grands lits de cendres dans tout l'archipel, je considere comme fort probable que le tuf a ete forme presque en totalite par la trituration des laves basaltiques grises dans les crateres immerges. On peut se demander si l'eau fortement echauffee contenue dans l'interieur de ces crateres a produit cette singuliere alteration des particules scoriacees et leur a donne leur cassure translucide et resineuse; ou si la chaux qui s'y trouve associee a joue un role dans cette transformation. Je pose ces questions parce que j'ai observe a San Thiago, dans l'archipel du Cap Vert, que, lorsqu'un grand torrent de lave s'est ecoule vers la mer en passant sur des roches calcaires, sa surface externe, qui ressemble ailleurs a de la resinite, est transformee en une substance resiniforme exactement semblable aux specimens les plus caracteristiques du tuf de l'archipel des Galapagos, probablement par suite de son contact avec le carbonate de chaux[2]. Pour en revenir aux deux crateres, l'un d'entre eux se trouve a une lieue de la cote, et la plaine qui l'en separe est constituee par un tuf calcaire d'origine probablement sous-marine. Ce cratere consiste en un cercle de collines, dont quelques-unes sont entierement separees des autres, mais dont toutes les couches plongent tres regulierement vers l'exterieur, sous un angle de 30 a 40 deg.. Les bancs inferieurs sont formes, sur une epaisseur de plusieurs centaines de pieds, par la roche a aspect resineux decrite plus haut, avec fragments de lave empates. Les bancs superieurs, qui ont 30 a 40 pieds d'epaisseur, sont composes d'un tuf ou peperino[3] a grain fin, rude au toucher, friable, colore en brun et dispose en couches minces. Une masse centrale sans stratification, qui doit avoir occupe autrefois la cavite du cratere, mais qui n'est reliee aujourd'hui qu'a un petit nombre des collines de la circonference, consiste en tuf de caractere intermediaire entre les tufs a cassure resiniforme et a cassure terreuse. Cette masse renferme une matiere calcaire blanche repandue en petites plages. Le second cratere (haut de 520 pieds) doit avoir forme un ilot separe jusqu'au moment de l'ejaculation d'une grande coulee de lave recente; dans une belle coupe, due a l'action de la mer, on voit une grande masse de basalte en forme d'entonnoir, entouree de tous cotes de parois abruptes formees par des tufs qui presentent quelquefois une cassure terreuse ou semi-resineuse. Le tuf est traverse par plusieurs larges dikes verticaux a parois unies et paralleles que j'ai consideres comme etant du basalte, jusqu'a ce que j'en eusse detache des fragments. Ces dikes sont formes de tuf semblable a celui des couches environnantes, mais plus compacte et a cassure plus unie; nous devons en conclure qu'il s'est forme des fissures, et qu'elles se sont remplies de vase ou de tuf plus fins provenant du cratere, avant que sa cavite interne fut occupee, comme aujourd'hui, par un lac solidifie de basalte. D'autres fissures se sont formees plus tard parallelement a ces singuliers dikes, et elles sont simplement comblees par des debris incoherents. La transformation des particules scoriacees normales en cette substance a cassure semi-resineuse pouvait se suivre avec une grande nettete dans certaines parties du tuf compact qui constitue ces dikes. [Illustration: Fig. 12.--Kicker Rock.--Hauteur: 400 pieds.] A quelques milles de ces deux crateres s'eleve le rocher ou ilot de Kicker, remarquable par sa forme singuliere. Il n'est pas stratifie et il est compose de tuf compact possedant en certains points la cassure resineuse. Cette masse amorphe, ainsi que la masse semblable dont nous avons parle a propos du cratere decrit plus haut, remplissait probablement autrefois la cavite centrale d'un cratere et ses flancs ou ses parois inclinees ont sans doute ete completement enleves plus tard par la mer qui l'entoure et a l'action de laquelle il se trouve expose aujourd'hui. _Petits crateres basaltiques_.--A l'extremite orientale de l'ile Chatham s'etend une zone ondulee depourvue de vegetation et remarquable par le nombre, par l'accumulation sur une surface restreinte et par la forme de petits crateres basaltiques dont elle est en quelque sorte criblee. Ces crateres consistent en une simple accumulation conique de scories luisantes, noires et rouges, partiellement cimentees, ou plus rarement, en un cercle forme de ces memes scories. Leur diametre varie de 30 a 150 yards, et ils s'elevent d'environ 50 a 100 pieds au-dessus du niveau de la plaine environnante. Du haut d'une petite eminence je comptai soixante de ces crateres; ils etaient tous eloignes les uns des autres d'un tiers de mille au plus, et plusieurs d'entre eux etaient beaucoup plus rapproches. Je mesurai la distance entre deux tres petits crateres, et je trouvai qu'elle n'etait que de 30 yards, du bord du sommet de l'un au bord du sommet de l'autre. On constate qu'un certain nombre de ces crateres ont emis de petites coulees de lave basaltique noire contenant de l'olivine et beaucoup de feldspath vitreux. Les surfaces des coulees les plus recentes sont excessivement tourmentees et coupees de grandes fissures; les coulees plus anciennes sont simplement un peu moins rugueuses; ces coulees se confondent et s'enchevetrent d'une maniere inextricable. Pourtant l'etat de croissance des arbres qui se sont etablis sur les coulees indique souvent, d'une maniere tres nette, l'age relatif de celles-ci. Sans ce dernier caractere on n'aurait su distinguer les coulees les unes des autres que dans un petit nombre de cas, et, par consequent, cette grande plaine ondulee aurait pu etre consideree erronement (ainsi que plusieurs plaines l'ont ete sans doute) comme formee par un seul grand deluge de lave et non par une multitude de petites coulees emises par un grand nombre de petits orifices. En plusieurs endroits de cette region, et principalement a la base des petits crateres, s'ouvrent des puits circulaires a parois verticales, profonds de 20 a 40 pieds. J'ai rencontre trois de ces puits a la base d'un petit cratere. Ils ont ete probablement formes par l'ecroulement de la voute de petites cavernes[4]. On voit en d'autres points des monticules mamelonnes, ressemblant a de grandes bulles de lave, et dont les sommets sont fissures par des crevasses irregulieres tres profondes, comme on le constate quand on cherche a y penetrer; ces monticules n'ont pas emis de lave. On rencontre aussi d'autres monticules mamelonnes, d'une forme tres reguliere, constitues par des laves stratifiees et portant a leur sommet une cavite circulaire a parois escarpees, formee, je pense, par une masse gazeuse qui a d'abord cintre les couches en leur donnant la forme d'un monticule en ampoule et a determine ensuite l'explosion du sommet. Les monticules de ces divers genres, les puits et les nombreux petits crateres scoriaces nous montrent tous que cette plaine a ete pour ainsi dire penetree comme un crible par le passage des vapeurs echauffees. Les monticules les plus reguliers ne peuvent s'etre souleves que lorsque la lave etait a l'etat pateux[5]. ILE ALBEMARLE.--Cette ile porte cinq grands crateres a sommet plat, qui offrent entre eux et avec le cratere de l'ile voisine de Narborough une ressemblance remarquable de forme et de hauteur. Le cratere meridional a 4.700 pieds de hauteur, deux autres ont 3.720 pieds, un troisieme 50 pieds de plus que ce dernier, les autres semblent avoir a peu pres la meme hauteur. Trois d'entre eux sont situes sur une meme ligne et sont allonges dans une direction presque identique. On a trouve par des mesures trigonometriques que le cratere du nord, qui n'est pas le plus grand de tous, n'a pas moins de 3 milles 1/8 de diametre exterieur. Des deluges de lave noire, debordant la crete de ces grandes et larges chaudieres et s'echappant de petits orifices voisins de leur sommet, ont coule le long de leurs flancs denudes. _Fluidite de differentes laves_.--Pres de Tagus ou Banks-Cove j'ai etudie une de ces grandes coulees de lave, fort interessante par les preuves qu'elle nous offre du haut degre de fluidite qu'elle a possedee, et qui est particulierement remarquable quand on envisage la composition de la coulee. Sur la cote cette coulee a plusieurs milles de largeur. Elle est constituee par une base noire, compacte, facilement fusible en un globule noir, presentant des vacuoles anguleuses assez clairsemees, et criblee de grands cristaux brises d'albite[6] vitreuse dont le diametre varie de un a cinq dixiemes de pouce. Quoique cette lave semble, a premiere vue; eminemment porphyrique, elle ne peut etre consideree comme telle, car il est evident que les cristaux ont ete enveloppes, arrondis et penetres par la lave, comme des fragments de roche etrangere dans un dike de trapp. C'est ce qu'on voyait tres clairement dans certains specimens d'une lave analogue provenant de l'ile Abingdon, avec la seule difference que ses vacuoles etaient spheriques et plus nombreuses. L'albite de ces laves se trouve dans les memes conditions que la leucite du Vesuve, et que l'olivine decrite par Von Buch[7], et qui fait saillie sous forme de grands globules dans le basalte de Lanzarote. Outre l'albite, cette lave contient des grains epars d'un mineral vert, sans clivage distinct, et qui ressemble beaucoup a l'olivine[8]; mais, comme il se fond facilement en un verre vert, il appartient probablement a la famille de l'augite: cependant, a l'ile James une lave analogue contenait de l'olivine type. Je me suis procure des echantillons provenant de la surface, et d'autres preleves a 4 pieds de profondeur, mais ils n'offraient entre eux aucune difference. On pouvait constater avec evidence le haut degre de fluidite de cette lave par sa surface unie et doucement inclinee, par la subdivision du courant principal en petits ruisseaux, que de faibles inegalites du sol avaient suffi a produire, et surtout par la maniere dont ses extremites s'attenuaient et se reduisaient presque a rien en des points fort eloignes de sa source et ou elle devait avoir subi un certain degre de refroidissement. Le bord actuel de la coulee consiste en fragments incoherents, dont la dimension depasse rarement celle d'une tete d'homme. Le contraste est fort remarquable entre ce bord et les murs escarpes, hauts de plus de 20 pieds, qui limitent un grand nombre des coulees basaltiques de l'Ascension. On a cru generalement que les laves ou abondent de grands cristaux et qui renferment des vacuoles anguleuses[9] ont presente peu de fluidite, mais nous voyons qu'il en a ete tout autrement a l'ile Albemarle. Le degre de fluidite des laves ne semble pas correspondre a une difference _apparente_ dans leur composition; a l'ile Chatham certaines coulees qui contiennent beaucoup d'albite vitreuse et de l'olivine sont si rugueuses qu'on pourrai les comparer a de hautes vagues congelees, tandis que la grande coulee de l'ile Albemarle est presque aussi unie qu'un lac ride par la brise. A l'ile James une lave basaltique noire ou abondent de petits grains d'olivine offre un degre intermediaire de rugosite; sa surface est brillante, et les fragments detaches ressemblent d'une maniere fort singuliere a des plis de draperies, a des cables et a des morceaux d'ecorces d'arbres[10]. _Crateres de tuf._--A un mille environ au sud de Banks Cove on rencontre un beau cratere elliptique, profond de 500 pieds a peu pres, et de 3/4 de mille de diametre. Son fond est occupe par un lac d'eau salee, d'ou s'elevent quelques petites eminences crateriformes de tuf. Les couches inferieures sont un tuf compact presentant les caracteres d'un depot forme sous l'eau, tandis que sur la circonference entiere les couches superieures consistent en un tuf rude au toucher, friable, et dont le poids specifique est peu eleve, mais qui contient souvent des fragments de roches disposes en couches. Ce tuf superieur renferme de nombreuses spheres pisolitiques ayant a peu pres la grandeur de petites balles, et qui ne different de la matiere environnante que par une durete un peu plus grande et un grain un peu plus fin. Les couches plongent tres regulierement dans toutes les directions, sous des angles variant de 25 a 30 deg. d'apres mes mesures. La surface externe du cratere offre une pente presque identique; elle est formee de cotes legerement convexes, comme celle de la coquille d'un pecten ou d'un petoncle, qui vont en s'elargissant de l'orifice du cratere jusqu'a sa base. Ces cotes ont, en general, de 8 a 20 pieds de large, mais parfois leur largeur atteint 40 pieds; elles ressemblent a d'anciennes voutes fortement surbaissees, et dont le revetement de platre s'ecaille et tombe par plaques; elles sont separees les unes des autres par des ravins que l'action erosive de l'eau a creuses. A leur extremite superieure, qui est fort etroite, pres de la bouche du cratere ces cotes consistent souvent en veritables couloirs creux, un peu plus petits mais semblables a ceux qui se forment souvent par le refroidissement de la croute d'un torrent de lave dont les parties internes se sont ecoulees au dehors; structure dont j'ai rencontre plusieurs exemples a l'ile Chatham. Il n'est pas douteux que ces cotes creuses ou ces voutes se soient formees d'une maniere analogue, c'est-a-dire par la consolidation, le durcissement d'une croute superficielle sur des torrents de boue qui se sont ecoules de la partie superieure du cratere. J'ai vu dans une autre partie du meme cratere des rigoles concaves ouvertes, larges de 1 a 2 pieds, qui paraissent formees par le durcissement de la face inferieure d'un torrent de boue, au lieu de la surface superieure comme dans le premier cas. D'apres ces faits, je pense que le tuf a certainement coule a l'etat de boue[11]. Cette boue peut avoir ete formee soit dans l'interieur du cratere, soit par des cendres deposees sur la partie superieure de ses flancs et entrainees ensuite par des torrents de pluie. Ce dernier mode de formation parait le plus vraisemblable pour la plupart des cas; cependant a l'ile James certaines couches du tuf de la variete friable s'etendent si uniformement sur une surface inegale, qu'il semble probable qu'elles ont ete formees par la chute d'abondantes pluies de cendres. Dans l'interieur du meme cratere, des strates de tuf grossier, formees principalement de fragments de lave, viennent butter contre les parois internes, comme un talus qui s'est consolide. Elles s'elevent a la hauteur de 100 a 150 pieds au-dessus de la surface du lac sale interieur; elles plongent vers le centre du cratere et sont inclinees sous des angles variant de 30 a 36 deg.. Elles paraissent avoir ete formees sous les eaux, probablement a l'epoque ou la mer occupait la cavite du cratere. J'ai constate avec surprise que l'epaisseur de couches qui offrent une inclinaison aussi forte n'augmentait pas vers leur extremite inferieure, au moins sur toute la partie de leur longueur que j'ai pu suivre. _Bank's Cove_.--Ce port occupe en partie l'interieur d'un cratere de tuf ruine, plus grand que celui que je viens de decrire. Tout le tuf de ce cratere est compact et renferme de nombreux fragments de lave; il offre l'aspect d'un depot qui s'est fait sous les eaux. Le trait le plus remarquable de ce cratere, c'est la grande extension des strates qui convergent vers l'interieur sous une inclinaison tres prononcee, comme dans le cas precedent, et qui sont souvent disposees en couches irregulieres courbes. Ces couches interieures convergentes, de meme que les bancs divergents qui constituent, a proprement parler, le cratere, sont representes dans le croquis (fig. 13) donnant une coupe approximative des promontoires qui forment cette anse. Les couches internes et externes different fort peu au point de vue de la composition; les premieres ont ete evidemment formees par l'erosion, le transport et le depot final des materiaux qui constituent les couches crateriformes externes. Le grand developpement de ces couches interieures pourrait faire croire a un observateur parcourant la peripherie du cratere qu'il s'agit d'une crete anticlinale circulaire formee de gres et de conglomerats stratifies. La mer attaque actuellement les couches interieures et exterieures, ces dernieres surtout, de sorte que d'ici a quelque temps tout ce qui restera ce seront les couches interieures, et l'interpretation de ces faits serait bien de nature a embarrasser un geologue[12]. [Illustration: FIG. 13.--Coupe des promontoires qui forment Bank's Cove, montrant les strates divergentes qui constituent le cratere, et le talus a couches convergentes. Le point culminant de ces collines est a 817 pieds au-dessus du niveau de la mer.] ILE JAMES.--Parmi les crateres de tuf existant encore dans cette ile, il n'y en a que deux qui meritent une description. L'un d'eux est situe a un mille et demi de Puerto Grande, vers l'interieur de l'ile; il est circulaire et mesure environ un tiers de mille de diametre, et 400 pieds de profondeur. Il differe de tous les autres crateres de tuf que j'ai etudies en ce que la partie la plus profonde de sa cavite est formee, jusqu'a la hauteur de 100 a 150 pieds, par un mur vertical de basalte, comme si le cratere s'etait fait jour au travers d'une nappe rocheuse compacte. La partie superieure de ce cratere consiste en couches du tuf altere a cassure semi-resineuse que nous avons etudie plus haut. Son fond est occupe par un lac d'eau salee peu profond recouvrant des couches de sel qui reposent sur un lit tres epais de boue noire. L'autre cratere, eloigne de quelques milles, n'est remarquable que par ses dimensions et parce qu'il est fort bien conserve. Son sommet est a 1200 pieds au-dessus du niveau de la mer, et la cavite interieure est profonde de 600 pieds. Ses flancs externes inclines offrent un aspect curieux du a l'uniformite de la surface de ces grandes couches de tuf qui ressemblent a un vaste pavement cimente. L'ile Brattle est, je crois, le plus grand cratere de tuf qui existe dans l'archipel; son diametre interieur est de pres de 1 mille marin. Ce cratere, aujourd'hui en ruines, est dispose sur un arc de cercle qui mesure un peu plus d'une demi-circonference; il est ouvert du cote du sud, ses grandes dimensions sont probablement dues, pour une part notable, a l'erosion de l'interieur du cratere par l'action de la mer. _Segment d'un petit cratere basaltique_.--L'anse designee sous le nom de Fresh-water Bay, dans l'ile James, est limitee d'un cote par un promontoire qui constitue la derniere epave d'un grand cratere. Un segment, en forme de quart de cercle, ayant fait partie d'un petit centre d'eruption subordonne, se trouve a decouvert sur le rivage de ce promontoire. Il consiste en neuf petites coulees de lave distinctes, accumulees les unes au-dessus des autres, et en une sorte de pic colonnaire irregulier, haut de 15 pieds environ, forme de basalte celluleux brun-rougeatre, et contenant en abondance de grands cristaux d'albite vitreuse et de l'augite fondue. Ce pic, avec quelques mamelons rocheux adjacents repandus sur le rivage, represente l'axe du cratere. Les coulees de lave peuvent etre suivies dans un petit ravin, perpendiculairement a la cote, sur une longueur de 10 a 15 yards; elles sont cachees ensuite sous des debris. Le long du rivage on les voit sur un espace de pres de 80 yards, et je ne crois pas qu'elles s'etendent beaucoup plus loin. Les trois coulees inferieures sont soudees a ce pic, et sont legerement recourbees au point de jonction, comme si elles se repandaient encore par-dessus la levre du cratere (ainsi qu'on le voit dans le croquis grossierement dessine (fig. no. 14) qui a ete pris sur place). Les six coulees superieures etaient, sans aucun doute, primitivement unies a la meme colonne avant que celle-ci eut ete demolie par la mer. La lave de ces coulees a la meme composition que celle de la colonne, sauf que les cristaux d'albite ne paraissent pas etre reduits en fragments aussi petits, et que les grains d'augite fondue manquent. Chaque coulee est separee de celle qui la surmonte par une couche, epaisse de quelques pouces ou tout au plus de 1 a 2 pieds, de scories en fragments incoherents, produites sans doute par la friction des coulees passant les unes au-dessus des autres. Toutes ces coulees sont fort remarquables par leur faible epaisseur. J'ai mesure soigneusement plusieurs d'entre elles et j'en ai trouve une de 8 pouces d'epaisseur, mais elle etait recouverte sur les deux faces par une couche fortement adherente d'une roche scoriacee rouge, epaisse de 3 pouces (comme cela se presente pour toutes les coulees); tout l'ensemble avait une epaisseur de 14 pouces qui demeurait tres uniforme sur toute la longueur de la coupe. Une seconde coulee n'avait que 8 pouces d'epaisseur, en y comprenant les surfaces scoriacees inferieure et superieure. Avant d'avoir vu cette coupe, je n'aurais pas cru possible que la lave put se repandre en nappes aussi uniformement minces sur une surface qui est loin d'etre unie. Ces petites coulees ressemblent beaucoup par leur composition aux grands flots de lave de l'ile Albemarle qui doivent avoir presente, eux aussi, un haut degre de fluidite. [Illustration: FIG. 14--Segment d'un tres petit centre d'eruption sur le rivage de Fresh-water Bay.] _Fragments d'apparence platonique rejetes par ce cratere_.--Dans la lave et dans les scories de ce petit cratere j'ai trouve plusieurs fragments qui, par leur forme anguleuse, leur structure grenue, leur fragilite, l'action calorifique qu'ils ont subie, et par l'absence de vacuoles, ressemblent beaucoup aux fragments de roches primitives que les volcans de l'ile de l'Ascension rejettent quelquefois. Ces fragments consistent en albite vitreuse fortement usee et a clivages tres imparfaits, melangee d'un mineral bleu d'acier en grains semi-arrondis, a surface trouble et luisante. Les cristaux d'albite sont recouverts d'un oxyde de fer rouge qui semble etre un residu, et leurs plans de clivage sont parfois separes aussi par des couches excessivement fines de cet oxyde, dessinant sur le cristal des lignes semblables a celles d'un micrometre de verre. Il n'y avait pas de quartz. Le mineral bleu d'acier qui abonde dans la partie colonnaire, mais qui est absent dans les coulees derivant de ce pic, offre l'aspect d'un corps qui a subi une fusion, et presente rarement quelque trace de clivage. Pourtant j'ai pu demontrer par une mesure prise sur un echantillon que c'etait de l'augite. Dans un autre fragment, qui se distinguait de ses congeneres parce qu'il etait legerement celluleux et passait graduellement a la pate de la roche, les petits grains d'augite etaient assez bien cristallises. Quoiqu'il y ait, en apparence, une difference si considerable entre la lave des petites coulees, specialement entre leur croute scoriacee rouge, et un de ces fragments anguleux rejetes, que l'on pourrait prendre a premiere vue pour de la syenite, je crois cependant que la lave a ete formee par la fusion et le mouvement d'ecoulement d'une masse rocheuse dont la composition est absolument semblable a celle de ces fragments. Outre le specimen dont il vient d'etre question et ou nous voyons un fragment devenir legerement celluleux et se fondre dans la masse environnante, la surface de quelques-uns des grains d'augite bleu d'acier devient finement vacuolaire et passe a la pate englobante; d'autres grains sont dans un etat intermediaire. La pate semble consister en augite plus parfaitement fondue, ou, ce qui est plus probable, simplement modifiee par le mouvement de la masse, lorsque ce mineral etait a l'etat visqueux, et melangee d'oxyde de fer et d'albite vitreuse reduite en tres petits fragments. C'est probablement pour cette raison que l'augite fondue, abondante dans le pic, disparait dans les coulees. L'albite se trouve exactement au meme etat dans la lave et dans les fragments empates, sauf que la plupart des cristaux sont plus petits, mais ils paraissent moins abondants dans les fragments. Ceci pourrait cependant se produire naturellement par l'intumescence de la base augitique donnant lieu a un accroissement apparent de son volume. Il est interessant de suivre ainsi les phases par lesquelles passe une roche grenue et compacte pour se transformer d'abord en une lave celluleuse pseudo-porphyrique et finalement en scories rouges. La structure et la composition des fragments empates montrent qu'ils ont ete detaches d'une roche primitive et ont subi des alterations considerables par l'action volcanique ou, plus probablement, qu'ils ont ete arraches a la croute d'une masse de lave refroidie et cristallisee, ulterieurement brisee et refondue, et dont la croute a ete attaquee moins fortement que le reste de la masse par la nouvelle fusion et le nouveau mouvement qu'elle a subis. _Remarques finales sur les crateres de tuf_.--Ces crateres constituent le trait le plus frappant de la geologie de l'archipel, par la presence d'une substance resiniforme qui intervient pour une grande part dans leur composition, par leur structure, leur dimension et leur nombre. La plupart d'entre eux forment des ilots separes ou des promontoires relies aux iles principales, et ceux qui se trouvent actuellement a une petite distance de la cote, dans l'interieur des iles, sont ruines et perces de breches comme s'ils avaient ete exposes a l'action de la mer. Je suis porte a conclure de cette condition generale de leur situation et de la faible quantite de cendres rejetees dans l'archipel, que le tuf a ete forme principalement par le broyage mutuel de fragments de lave dans l'interieur de crateres en activite qui communiquaient avec la mer. Par l'origine et la composition du tuf, et par la presence frequente d'un lac central d'eau salee et de couches de sel, ces crateres representent, sur une grande echelle, les "salses" ou monticules de boue qui existent en grand nombre dans certaines regions de l'Italie et dans d'autres contrees[13]. Cependant les rapports plus intimes des crateres de cet archipel avec les phenomenes ordinaires de l'action volcanique sont mis en evidence par ces masses de basalte solidifie qui les remplissent quelquefois jusqu'au bord. Il semble fort singulier, a premiere vue, que dans tous les crateres formes de tuf le versant meridional soit, ou bien entierement demoli et completement emporte, ou bien beaucoup moins eleve que les autres versants. J'ai visite ou pris des renseignements sur vingt-huit de ces crateres; douze d'entre eux forment des ilots separes[14] et se presentent aujourd'hui a l'etat de simples croissants entierement ouverts du cote du sud, avec, parfois, quelques pointes de rochers marquant leur circonference primitive; parmi les seize crateres restants, quelques-uns forment des promontoires, et d'autres sont situes dans l'interieur des iles, a une faible distance du rivage; mais pour tous le flanc meridional est plus bas que les autres ou completement demoli. Pourtant le flanc septentrional de deux des seize crateres etait egalement bas, tandis que les cotes de l'est et de l'ouest etaient intacts. Je n'ai rencontre ni entendu mentionner aucune exception a la regle d'apres laquelle ces crateres sont ruines ou presentent une paroi basse sur le cote qui fait face a un point de l'horizon situe entre le sud-est et le sud-ouest. Cette regle ne s'applique pas aux crateres formes de lave et de scories. L'explication en est simple: dans cet archipel la direction des vagues soulevees par les vents alizes coincide avec celle de la houle venant des regions eloignees de l'ocean largement ouvert (contrairement a ce qui se passe dans plusieurs parties du Pacifique) et attaquent la cote meridionale de toutes les iles, avec leurs forces reunies; il en resulte que le versant meridional est invariablement plus escarpe que le versant septentrional, meme quand il est forme completement de roches basaltiques dures. Comme les crateres de tuf sont constitues par une matiere tendre, et que probablement ils ont tous ou presque tous traverse une periode d'immersion, il n'est pas etonnant qu'ils montrent invariablement les effets de cette grande puissance erosive sur ceux de leurs flancs qui s'y sont trouves exposes. Il est probable, d'apres l'etat ruine d'un grand nombre d'entre eux, que plusieurs autres crateres ont ete entierement demolis par la mer. Nous n'avons aucune raison de supposer que les crateres constitues par des scories et des laves ont ete formes dans la mer, et cela nous montre pourquoi la regle ne leur est pas applicable. Nous avons montre qu'a l'Ascension les orifices des crateres, qui sont tous d'origine terrestre, ont ete attaques par les vents alizes; ce meme agent peut contribuer egalement ici a abaisser, des le moment de leur formation, les flancs exposes au vent dans certains de ces crateres. _Composition mineralogique des roches_.--Dans les iles septentrionales, les laves basaltiques paraissent generalement contenir plus d'albite que dans la moitie meridionale de l'archipel; mais presque toutes les coulees en renferment une quantite plus ou moins grande. L'albite est associee assez souvent a l'olivine. Je n'ai observe de cristaux determinables d'augite ou de hornblende dans aucun echantillon, a l'exception des grains fondus contenus dans les fragments rejetes et dans le pic du petit cratere decrit plus haut. Je n'ai rencontre aucun specimen de vrai trachyte, quoique quelques-unes des laves les plus pales presentent une certaine ressemblance avec cette roche lorsqu'elles contiennent en abondance de grands cristaux d'albite vitreuse et rude au toucher; mais la pate est toujours fusible en email noir. Ainsi que nous l'avons constate plus haut, les lits de cendres et les scories rejetees au loin manquent presque toujours; et je n'ai vu ni un fragment d'obsidienne ni de pierre ponce. Von Buch[15] croit que l'absence de ponce sur l'Etna provient de ce que le feldspath y appartient a la variete Labrador; si la presence de la ponce depend de la nature du feldspath, il est singulier qu'elle manque dans cet archipel et abonde dans les Cordilleres de l'Amerique meridionale, puisque dans ces deux regions le feldspath appartient a la variete albitique. Par suite de l'absence des cendres, et de la nature generalement inalterable des laves de cet archipel, les iles se couvrent lentement d'une maigre vegetation et le paysage presente un aspect desole et sinistre. _Soulevement de la region_.--Les preuves du soulevement de la contree sont rares et peu nettes. J'ai remarque a l'ile Chatham de grands blocs de lave cimentes par une matiere calcaire qui contenait des coquilles recentes; mais ils se trouvaient a la hauteur de quelques pieds seulement au-dessus de la laisse de haute mer. Un des officiers m'a donne des fragments de coquilles qu'il avait trouvees a plusieurs centaines de pieds au-dessus de la mer, empatees dans le tuf de deux crateres fort eloignes l'un de l'autre. Il est possible que ces fragments aient ete portes a l'altitude qu'ils occupent aujourd'hui, par une eruption de boue; mais comme sur l'un des crateres ils etaient associes a des coquilles d'huitres brisees constituant en quelque sorte un banc, il est plus vraisemblable que le tuf a ete souleve en masse avec les coquilles. Les specimens sont en si mauvais etat que tout ce qu'on peut y reconnaitre, c'est qu'ils appartiennent a des genres marins recents. Dans l'ile Charles, j'ai observe une ligne de grands blocs arrondis, entasses au sommet d'une falaise verticale, a 15 pieds au-dessus de la ligne ou la mer s'eleve aujourd'hui pendant les tempetes les plus violentes. Ce fait semblait d'abord constituer une preuve evidente du soulevement de la region, mais il etait absolument decevant, car je constatai plus tard sur une partie voisine de la meme cote, et j'appris de temoins oculaires, que partout ou une coulee recente de lave forme un plan incline uni en entrant dans la mer, les vagues, durant les tempetes, _font rouler des blocs arrondis_ jusqu'a une grande hauteur au-dessus de la limite de leur action ordinaire. Comme la petite falaise est formee ici par une coulee de lave qui avant d'avoir ete demolie devait plonger dans la mer en lui presentant une surface doucement inclinee, il est possible, ou plutot il est probable que les blocs arrondis qui gisent maintenant a son sommet soient simplement les restes de ceux qui ont ete eleves a leur altitude actuelle en _roulant_ sur le plan incline pendant les tempetes. _Direction des fentes d'eruption_.--Dans cet archipel, les orifices volcaniques ne peuvent pas etre consideres comme distribues au hasard. Trois grands crateres de l'ile Albemarle forment une ligne nette qui s'etend du N.-N.-W. au S.-S.-E. L'ile Narborough et le grand cratere situe dans la partie rectangulaire de l'ile Albemarle dessinent une seconde ligne parallele a la premiere. Vers l'est, l'ile Hood determine, avec les iles et les rochers qui sont situes entre elle et l'ile James, une autre ligne presque parallele, dont le prolongement passe par les iles Culpepper et Wenman situees a 70 milles au nord. Les autres iles, qui se trouvent plus a l'est, forment une quatrieme ligne moins reguliere. Plusieurs d'entre elles et les orifices volcaniques de l'ile Albemarle sont disposes de telle sorte qu'ils se trouvent sur une serie de lignes approximativement paralleles, coupant les premieres lignes a angles droits; il en resulte que les principaux crateres paraissent etre situes aux points ou deux series de fissures se croisent. Les iles elles-memes, a l'exception de l'ile Albemarle, ne sont pas allongees dans le meme sens que les lignes sur lesquelles elles se trouvent. L'orientation de ces iles est a peu pres la meme que celle qui domine d'une maniere si remarquable dans les nombreux archipels de l'ocean Pacifique. Je dois faire observer, enfin, que dans les iles Galapagos il n'y a pas de cratere qui domine les autres, c'est-a-dire d'orifice volcanique principal beaucoup plus eleve que tous les autres crateres, comme on le remarque dans plusieurs archipels volcaniques; le cratere le plus eleve est le grand remblai situe a l'extremite sud-ouest de l'ile Albemarle, et qui ne depasse que de 1.000 pieds seulement plusieurs autres crateres voisins. Notes: [1] Je ne comprends pas dans cette evaluation les petites iles volcaniques de Culpepper et de Wenman, situees a 70 milles au nord du groupe. On voit des crateres dans toutes les iles de l'archipel, sauf dans l'ile Towers, qui est l'une des plus basses; cette ile est formee, cependant, de roches volcaniques. [2] Les concretions contenant de la chaux, que j'ai decrites a l'Ascension comme formees dans un lit de cendres, offrent un certain degre de ressemblance avec cette substance, mais leur cassure n'est pas resineuse. J'ai trouve egalement a Sainte-Helene des veines d'une substance plus ou moins semblable; elle etait compacte mais non resineuse, et se presentait dans un lit de cendres ponceuses qui ne contenait probablement pas de matiere calcaire: l'action de la chaleur n'avait pu intervenir dans aucun de ces deux cas. [3] Les geologues qui restreignent le terme de "tuf" aux cendres blanches provenant de la trituration de laves feldspathiques, donneraient le nom de "peperino" a ces couches colorees en brun. [4] M. Elie de Beaumont a decrit (_Memoires pour servir_, etc., t. VI, p. 113) plusieurs "petits cirques d'eboulement" qu'on observe sur l'Etna et dont l'origine est connue historiquement, au moins pour quelques-uns d'entre eux. [5] Sir G. Mackensie (_Travels in Iceland_, p. 389 a 392) a decrit une plaine de lave s'etendant au pied de l'Hecla, et qui est soulevee de tous cotes en grandes bulles ou grandes ampoules. Sir George rapporte que cette lave caverneuse constitue la couche superficielle. Le meme fait est affirme par Von Buch (_Description des iles Canaries_, p. 139) au sujet de la coulee basaltique qui se trouve pres de Rialejo a Tenerife. Il semble singulier que les coulees superieures soient plus caverneuses que les autres, car on ne voit aucune raison pour que les coulees, tant les plus elevees que les plus inferieures, n'aient pas toutes subi une action identique, a des epoques differentes.--Les coulees inferieures se sont-elles repandues sous la mer, et ont-elles ete comprimees par sa pression au point de s'aplatir, posterieurement au passage des masses gazeuses qui les ont traversees? [6] Dans les Cordilleres du Chili j'ai vu des laves ressemblant beaucoup a cette variete de l'archipel des Galapagos. Elle renfermait pourtant, outre l'albite, des cristaux d'augite nettement formes, et la pate offrait une couleur un peu plus pale, due peut-etre a l'agregation des particules augitiques. Je dois faire remarquer ici que, dans tous les cas dont il s'agit, je designe sous le nom d'albite les cristaux de feldspath dont les clivages, mesures au goniometre a reflexion, repondent a ceux de ce mineral. Cependant, comme on a decouvert dans ces derniers temps que d'autres especes de la meme famille presentent des clivages tres voisins de ceux de l'albite, cette determination doit etre consideree comme purement provisoire. J'ai etudie les cristaux contenus dans les laves de diverses parties de l'archipel des Galapagos, et j'ai reconnu que, sauf quelques cristaux provenant d'un seul point de l'ile James, ils ne presentaient jamais les clivages de l'orthose ou feldspath potassique. [7] _Description des Isles Canaries_, p. 295. [8] De Humboldt rapporte qu'il prit pour de l'olivine un mineral augitique vert, que l'on trouve dans les roches volcaniques de la Cordillere de Quito. [9] La forme irreguliere et anguleuse des vacuoles est probablement due a la maniere irreguliere dont cede a la pression des gaz une masse formee de cristaux solides et de pate visqueuse en proportions a peu pres egales. Comme on pouvait s'y attendre, il semble certain que, dans la lave qui a possede une grande fluidite ou un grain uniforme, les vacuoles sont spheriques et leurs parois interieures lisses. [10] Un specimen de lave basaltique renfermant quelques petits cristaux d'albite brises, et qui m'a ete donne par un des officiers, merite peut-etre une description. Il consiste en ramifications cylindriques, dont quelques-unes n'ont que 1/20e de pouce de diametre et sont etirees en pointes tres aigues. La masse n'a pas ete formee, comme une stalactite, car les pointes sont dirigees tantot vers le haut, tantot vers le bas. Des globules dont le diametre n'est que de 1/40e de pouce sont tombes de quelques-unes des pointes et adherent aux ramifications voisines. La lave est vesiculaire, mais les vacuoles n'atteignent jamais la surface des branches, qui sont unies et luisantes. Comme on croit generalement que les vacuoles sont toujours allongees suivant la direction du mouvement de la masse fluide, je dois faire observer que toutes les vacuoles sont spheriques dans ces branches cylindriques dont le diametre varie de 1/4 a 1/20e de pouce. [11] Cette conclusion offre un certain interet parce que M. Dufrenoy (_Memoires pour servir_, etc., t. IV, p. 274) a soutenu que le Monte Nuovo et d'autres crateres de l'Italie meridionale ont ete formes par soulevement, en s'appuyant sur le fait que des couches de tuf, d'une composition probablement semblable a celle du tuf decrit plus haut, y sont inclinees sous des angles de 18 a 20 deg.. En presence des faits que nous avons cites relativement a la disposition en voute des cotes separees, et a ce que les tufs ne s'etendent pas en nappes horizontales autour de ces collines crateriformes, personne ne supposera que les couches ont ete formees ici par soulevement; nous voyons cependant que leur inclinaison depasse 20 deg., et atteint meme souvent 30 deg.. Les strates consolidees du talus interne plongent egalement d'un angle superieur a 30 deg., comme nous allons le montrer a l'instant. [12] Je crois que ce fait se presente actuellement aux iles Acores ou le Dr Webster (_Description_, p. 185) a decrit une petite ile en forme de bassin, constituee par des _couches de tuf_ plongeant vers l'interieur et limitees exterieurement par des falaises escarpees decoupees par la mer. Le Dr Daubeny suppose (_On Volcanoes_, p. 266) que cette cavite a ete formee par un affaissement circulaire. Il me parait beaucoup plus vraisemblable que nous sommes ici en presence de couches deposees primitivement dans la cavite d'un cratere dont les parois externes ont ete enlevees plus tard par erosion marine. [13] _Traite de Geognosie_ de D'Aubuisson, t. I, p. 189. Je dois faire observer que j'ai vu a Terceira, aux iles Acores, un cratere de tuf ou peperino ressemblant beaucoup a ceux de l'archipel des Galapagos. On en rencontre de semblables aux iles Sandwich, d'apres la description qu'en donne le _Voyage de Freycinet_, et il est probable qu'il existe des crateres de ce genre dans plusieurs autres contrees. [14] Ce sont: les trois ilots de Crossman dont le plus grand a 600 pieds de haut; l'ile Enchantee; l'ile Gardner (760 pieds de hauteur); l'ile Champion (331 pieds de hauteur); l'ile Enderby; l'ile Brattle; deux ilots voisins de l'ile Infatigable, et un ilot situe pres de l'ile James. Un second cratere voisin de l'ile James (avec un lac sale au centre) presente du cote du sud une paroi haute de 20 pieds seulement, tandis que les autres parties de la circonference atteignent 300 pieds de hauteur. [15] _Description des iles Canaries_, p. 328. CHAPITRE VI TRACHYTE ET BASALTE.--DISTRIBUTION DES ILES VOLCANIQUES Descente des cristaux au sein de la lave liquide.--Poids specifique des elements constituants du trachyte et du basalte; leur separation subsequente.--Obsidienne.--Melange apparent des elements des roches plutoniques.--Origine des dikes de trapp plutoniques.--Distribution des iles volcaniques; leur predominance dans les grands oceans.--Elles sont generalement disposees en lignes.--Les volcans centraux de Von Buch sont problematiques.--Iles volcaniques bordant des continents.--Anciennete des iles volcaniques et leur soulevement en masse.--Eruptions sur des lignes de fissure paralleles durant une meme periode geologique. _Separation des mineraux constituants de la lave suivant leur poids specifique_.--Un des cotes de Fresh-water Bay, a l'ile James, est forme des debris d'un grand cratere, dont nous avons parle dans le chapitre precedent, et dont l'interieur a ete comble par une coulee de basalte presentant une puissance de 200 pieds environ. Ce basalte, de couleur grise, contient une grande quantite de cristaux d'albite vitreuse, qui deviennent beaucoup plus nombreux encore dans sa partie inferieure et scoriacee. C'est le contraire qu'on se serait attendu a voir, car, si a l'origine les cristaux avaient ete repandus uniformement dans toute la masse, l'expansion plus considerable subie par cette partie scoriacee inferieure aurait du faire paraitre plus petit le nombre des cristaux qui s'y trouvent. Von Buch[1] a decrit une coulee d'obsidienne du Pic de Tenerife, dans laquelle les cristaux de feldspath deviennent de plus en plus nombreux au fur et a mesure que la profondeur ou l'epaisseur augmente, de sorte que, pres de la surface inferieure de la coulee, la lave ressemble meme a une roche primitive. Von Buch constate, en outre, que M. Dree a trouve par ses experiences sur la fusion de la lave que les cristaux de feldspath tendaient toujours a descendre au fond du creuset. Je crois qu'il n'est pas douteux que dans ces exemples les cristaux descendent sollicites par leur poids[2]. Le poids specifique du feldspath varie[3] de 2,4 a 2,58, tandis que celui de l'obsidienne parait etre ordinairement 2,3 a 2,4; et il serait probablement moindre si la roche etait a l'etat liquide, ce qui faciliterait la descente des cristaux de feldspath. A l'ile James, les cristaux d'albite, quoique incontestablement moins lourds que le basalte gris aux endroits ou il est compact, peuvent facilement avoir un poids specifique superieur a celui de la masse scoriacee, qui est formee de lave fondue et de bulles de gaz surchauffes. La chute des cristaux au sein d'une substance visqueuse comme celle des roches fondues, et qui est incontestablement demontree par les experiences de M. Dree, merite un examen plus attentif, car ce phenomene eclaire le probleme de la separation des laves trachytiques et basaltiques. M.P. Scrope a etudie cette question, mais il parait n'avoir eu connaissance d'aucun fait positif, comme ceux que je viens de signaler, et il a perdu de vue un facteur qui me semble indispensable dans l'etude du phenomene, c'est-a-dire l'existence a l'etat de globules ou de cristaux tantot du mineral le moins dense et tantot du mineral le plus dense. Il est difficilement admissible que la faible difference de densite des particules separees infiniment petites de feldspath, d'augite ou de quelque autre mineral, suffise a vaincre le frottement produit par leur mouvement au sein d'une substance dont la fluidite est imparfaite, telle qu'une roche en fusion; mais, si les molecules d'un quelconque de ces mineraux se sont reunies en cristaux ou en granules pendant que les autres conservaient l'etat liquide, on comprend facilement que la descente ou le flottage des mineraux auront ete notablement facilites par suite de l'attenuation du frottement. D'un autre cote, si tous les mineraux ont pris l'etat grenu au meme instant, il est a peu pres impossible qu'une separation quelconque ait pu s'operer, a cause de la resistance qu'ils devaient s'offrir mutuellement. On a fait dernierement une decouverte pratique importante qui montre le role que joue l'etat grenu d'un element contenu dans une masse fluide en favorisant la separation de cette substance. Quand on agite d'une maniere ininterrompue, pendant son refroidissement, du plomb fondu contenant une faible proportion d'argent, il devient grenu, et ces grains ou cristaux imparfaits de plomb presque pur descendent au fond du creuset en abandonnant un residu de metal fondu beaucoup plus riche en argent; tandis que si on laisse reposer le melange en le maintenant a l'etat liquide pendant un certain temps, les deux metaux ne montrent aucune tendance a se separer[4]. L'agitation parait n'avoir d'autre effet que de provoquer la formation des grains separes. Le poids specifique de l'argent est 10,4 et celui du plomb 11,35; le plomb grenu qui tombe au fond du creuset n'est jamais absolument pur, et le residu metallique liquide ne contient, au maximum, que 1/119 d'argent. Puisque la difference de densite due a la proportion tres inegale suivant laquelle les deux metaux sont melanges, est si excessivement faible, il est probable que celle qui existe entre le plomb liquide et le plomb grenu quoique encore chaud, intervient pour une grande part dans l'acte de la separation. D'apres ces faits, si un des mineraux constitutifs d'une masse rocheuse volcanique liquefiee qui repose pendant un certain temps sans subir aucune agitation violente, s'agrege en cristaux ou en grains, ou s'il a ete arrache en cet etat a quelque roche plus ancienne, nous pouvons nous attendre a ce que ces cristaux ou ces grains flotteront a des niveaux plus ou moins eleves suivant leur poids specifique relatif. Or, nous avons la preuve evidente que des cristaux ont ete empates dans un grand nombre de laves pendant que la pate ou la base demeurait fluide. Il me suffira de rappeler comme exemples les diverses grandes coulees pseudo-porphyritiques des iles Galapagos, et les coulees trachytiques de diverses regions, dans lesquelles nous trouvons des cristaux de feldspath ployes et brises par le mouvement de la masse semi-liquide environnante. Les laves sont composees, en majeure partie, de trois varietes de feldspath, dont la densite oscille entre 2,4 et 2,74; de hornblende et d'augite, allant de 3 a 3,4, d'olivine variant de 3,3 a 3,4 et enfin d'oxydes de fer avec un poids specifique de 4,8 a 5,2. Il en resulte que les cristaux de feldspath nageant dans une lave liquide mais peu vesiculaire, tendront a s'elever vers la surface, et que les cristaux ou les grains des autres mineraux tendront a descendre. Nous ne devons pas nous attendre cependant a constater une separation parfaite au sein de substances aussi visqueuses. Le trachyte, qui consiste principalement en feldspath avec un peu de hornblende et d'oxyde de fer, a un poids specifique d'environ 2,45[5], tandis que le basalte, compose en majeure partie d'augite et de feldspath, auquel s'ajoute souvent une forte proportion de fer et d'olivine, atteint une densite de 3,0. Consequemment nous remarquons que dans les endroits ou des coulees basaltiques et trachytiques ont ete emises d'un meme cratere, les coulees de trachyte ont generalement fait eruption les premieres, parce que, comme nous devons le supposer, la lave fondue appartenant a cette serie s'etait accumulee a la partie superieure du foyer volcanique. Cette succession a ete observee par Beudant, Scrope et d'autres auteurs, et j'en ai donne trois exemples dans cet ouvrage. Pourtant, comme les dernieres eruptions d'un grand nombre de volcans se sont fait jour au travers des parties inferieures de ces montagnes, par suite de l'accroissement de la hauteur et du poids de la colonne interne de roche fondue, nous voyons pourquoi dans la plupart des cas les flancs inferieurs des masses trachytiques centrales sont seuls enveloppes de coulees basaltiques. Peut-etre la separation des elements d'une masse lavique s'opere-t-elle quelquefois dans l'interieur d'une montagne volcanique, dont la hauteur et les autres dimensions sont suffisamment grandes, au lieu de se faire dans le foyer souterrain. Dans ce cas, des coulees de trachyte provenant du sommet de ce volcan, et des coulees de basalte emanees de sa base peuvent etre ejaculees presque simultanement ou a des intervalles tres rapproches; c'est ce qui parait s'etre produit a Tenerife[6]. Il me suffira de faire remarquer en outre que, naturellement, la separation des deux series doit souvent etre entravee par suite de bouleversements violents, meme quand les conditions lui sont favorables, et que, de meme, leur ordre d'eruption ordinaire doit etre interverti. En bien des cas, peut-etre, les laves basaltiques ont seules atteint la surface, a cause du haut degre de fluidite de la plupart d'entre elles. Nous avons vu dans l'exemple decrit par Von Buch que des cristaux de feldspath descendent au sein de l'obsidienne vers la partie inferieure de la masse, parce que leur poids specifique est plus eleve, comme on le sait, que celui de cette roche; nous pouvons donc nous attendre a constater dans toute region trachytique ou l'obsidienne a coule a l'etat de lave, qu'elle a ete emise par les orifices superieurs, ou occupant la plus grande altitude. D'apres Von Buch, ce fait se confirme d'une maniere remarquable, tant aux iles Lipari qu'au pic de Teneriffe. En ce dernier point l'obsidienne ne s'est jamais ecoulee par des orifices situes a moins de 9.200 pieds de hauteur. L'obsidienne parait avoir ete ejaculee aussi par les pics les plus eleves de la Cordillere peruvienne. Je me borne a faire observer, en outre, que le poids specifique du quartz varie de 2,6 a 2,8, et que par consequent, lorsque ce mineral existe dans un foyer volcanique, il ne doit pas tendre a descendre avec la masse fondamentale basaltique; ceci explique peut-etre la presence frequente et l'abondance du quartz au sein des laves trachytiques, deja signalees a plusieurs reprises dans cet ouvrage. Peut-etre objectera-t-on a la theorie que je viens d'exposer le fait que les roches plutoniques ne sont pas divisees en deux series nettement distinctes et de pesanteur specifique differente, quoiqu'elles aient passe par l'etat liquide comme les roches volcaniques. Pour repondre a cette objection, il convient de faire remarquer d'abord qu'aucune preuve ne demontre que les atomes d'un quelconque des mineraux constitutifs des roches plutoniques se soient agreges, tandis que les autres mineraux restaient fluides, ce qui est une condition presque indispensable de leur separation, comme nous nous sommes efforces de le prouver; au contraire, les cristaux se sont moules generalement les uns sur les autres[7]. En second lieu, le calme absolu qui a preside, selon toute probabilite, au refroidissement des masses plutoniques ensevelies a de grandes profondeurs, devait etre tres probablement fort defavorable a la separation de leurs mineraux constitutifs, car, si la force attractive qui rapproche les molecules des divers mineraux pendant le refroidissement progressif de la masse est suffisante pour les maintenir reunies, le frottement entre ces cristaux a demi formes ou ces globules paleux doit empecher les plus lourds d'entre eux de descendre au fond du bain et les plus legers de monter. D'autre part, les petites perturbations qui doivent probablement se produire dans la plupart des foyers volcaniques, et qui ne suffiraient pas, comme nous l'avons vu, a empecher la separation de grains de plomb dans un melange de plomb et d'argent en fusion ou de cristaux de feldspath dans une coulee de lave, pourraient pourtant amener la rupture et une nouvelle fusion des globules les moins bien formes, permettant aux cristaux les mieux formes, et qui pour cette raison ne se brisent pas, de descendre ou de monter suivant leur pesanteur specifique. Quoiqu'on ne constate pas dans les roches plutoniques l'existence des deux types distincts correspondant aux series trachytique et basaltique, j'ai lieu de croire qu'il s'est produit souvent une separation plus ou moins prononcee de leurs parties constitutives. Je soupconne qu'il doit en etre ainsi, parce que j'ai observe la grande frequence avec laquelle des dikes de greenstone et de basalte coupent les formations etendues de granite et de roches metamorphiques qui s'y rattachent. Je n'ai jamais etudie un district d'une region granitique etendue sans y decouvrir des dikes; je puis citer comme exemples les nombreux dikes de trapp que l'on rencontre dans plusieurs provinces du Bresil, du Chili, de l'Australie, et au cap de Bonne-Esperance; de meme, il existe un grand nombre de dikes dans les vastes contrees granitiques de l'Inde, du nord de l'Europe et d'autres pays. D'ou le greenstone et le basalte qui forment ces dikes sont-ils venus? Devons-nous supposer, avec quelques anciens geologues, qu'une zone de trapp s'etend uniformement sous les roches granitiques qui, suivant l'etat actuel de nos connaissances, constituent la base de l'ecorce du globe? N'est-il pas plus vraisemblable de croire que ces dikes sont dus a des fissures sillonnant des roches granitiques et metamorphiques imparfaitement refroidies, dont les elements les plus fusibles consistant surtout en hornblende ont ete en quelque sorte sollicites a monter dans ces fissures? A Bahia, au Bresil, j'ai vu dans une contree de gneiss et de greenstone primitif, de nombreux dikes constitues par une roche a augite de couleur foncee (car un cristal que j'ai detache appartenait incontestablement a ce mineral), ou par une roche amphibolique formee, comme plusieurs preuves le demontraient clairement, avant la solidification de la masse environnante, ou ayant subi plus tard un ramollissement complet simultanement avec cette masse[8]. Des deux cotes de l'un de ces dikes le gneiss etait penetre, a la profondeur de plusieurs yards, par de nombreux fils ou stries curvilignes d'une matiere a teinte foncee et dont la forme ressemblait a celle des nuages designes sous le nom de "cirrhi-comae"; on pouvait suivre quelques-uns de ces filaments jusqu'a leur point de jonction avec le dike. Lorsque je les examinai, il me parut douteux que des veines aussi fines et aussi curvilignes aient pu etre injectees, et je crois maintenant, qu'au lieu d'avoir ete injectees par le dike, elles ont ete, au contraire, comme ses vaisseaux nourriciers. Si on admet comme vraisemblable cette theorie sur l'origine des dikes de trapp dans des regions granitiques tres etendues, et loin de roches appartenant a quelque autre serie, nous pouvons admettre aussi que, quand une grande masse de roche plutonique est poussee par des efforts repetes dans l'axe d'une chaine de montagnes, ses elements les plus liquides peuvent s'ecouler dans des abimes profonds et inconnus, pour etre ulterieurement ramenes, peut-etre, a la surface sous forme de masses injectees de greenstone, de porphyre augitique[9] ou d'eruptions basaltiques. La plupart des difficultes que les geologues ont rencontrees en comparant les roches volcaniques et plutoniques au point de vue de leur composition se trouvent resolues, je pense, si nous pouvons admettre que ces elements relativement lourds et fusibles qui composent les roches basaltiques et trappeennes, ont ete partiellement elimines du plus grand nombre des masses plutoniques. _Distribution des iles volcaniques_.--Au cours de mes recherches sur les recifs coralliens, j'ai eu l'occasion de consulter les ecrits d'un grand nombre de voyageurs, et j'ai ete constamment frappe du fait, qu'a peu d'exceptions pres, les iles innombrables qui parsement le Pacifique, l'ocean Indien et l'Atlantique sont formees soit de roches volcaniques, soit de roches coralliennes recentes. Citer une longue liste de toutes les iles volcaniques serait fastidieux, mais il est facile d'enumerer les exceptions que j'ai rencontrees. Dans l'Atlantique nous avons les rochers de Saint-Paul decrits dans cet ouvrage, et les iles Falkland formees de schiste quartzeux et argileux; mais ces dernieres iles sont fort grandes et ne sont pas tres eloignees de la cote de l'Amerique meridionale[10]. Dans l'ocean Indien, les Seychelles (situees sur une ligne qui prolonge Madagascar) consistent en granite et en quartz. Dans l'ocean Pacifique, la Nouvelle-Caledonie, qui est une grande ile, appartient (pour autant que sa constitution soit connue) a la classe des roches primitives; la Nouvelle-Zelande, qui possede beaucoup de roches volcaniques et quelques volcans en activite, est trop etendue pour que nous puissions la ranger parmi les petites iles dont nous nous occupons en ce moment. La presence de quelques roches non volcaniques, telles que des schistes argileux dans trois des Acores[11], de calcaire tertiaire a Madere, de schiste argileux a l'ile Chatham dans le Pacifique, ou de lignite a l'ile de Kerguelen, ne doit pas faire exclure ces iles ou ces archipels de la classe des iles volcaniques, si elles sont formees principalement de matieres eruptives. La constitution de ces nombreuses iles qui parsement les grands oceans, etant presque toujours volcanique a ces rares exceptions pres, se rattache evidemment a la loi suivant laquelle presque tous les volcans actifs forment des iles ou sont situes pres du rivage de la mer; elle est un effet des phenomenes chimiques ou mecaniques qui ont determine cette repartition des volcans. Le fait que les iles oceaniques sont si generalement volcaniques est interessant aussi au point de vue de la nature des chaines de montagnes de nos continents, qui, a peu d'exceptions pres, ne sont pas volcaniques, quoique cependant nous ayons des raisons de supposer qu'un ocean s'etendait autrefois sur l'espace occupe aujourd'hui par les continents. Nous sommes amenes a nous demander si les eruptions volcaniques se produisent plus facilement au travers des fissures qui se sont formees pendant les premieres phases de la transformation du lit de la mer en une surface terrestre. Quand on examine les cartes des nombreux archipels volcaniques, on voit que les iles sont ordinairement disposees en rangees, simples, doubles ou triples, suivant des lignes souvent legerement courbes[12]. Chacune des iles du groupe est arrondie, ou plus ordinairement allongee dans le meme sens que le groupe dont elle fait partie, mais parfois transversalement a cette direction. Certains groupes dont l'allongement n'est pas fortement accentue offrent peu de symetrie dans leurs formes; M. Virlet[13] constate que ce cas se presente pour l'archipel grec; je suis porte a penser (car je sais combien il est facile de se tromper en ces matieres) que les orifices volcaniques sont ordinairement alignes suivant une meme droite ou sur une serie de lignes paralleles peu longues, coupant presque a angle droit une autre ligne ou une autre serie de lignes. L'archipel des Galapagos offre un exemple de cette structure, car la plupart des iles et les principaux crateres situes dans les plus grandes d'entre elles sont groupes de maniere a se disposer sur un systeme de lignes oriente N.-N.-W. et sur un autre systeme dirige W.-S.-W.; nous trouvons une structure du meme genre, mais plus simple, dans l'archipel des Canaries. Dans le groupe du Cap Vert qui parait etre le moins symetrique de tous les archipels oceaniques de nature volcanique, une ligne dessinee par plusieurs iles et courant N.-W.-S.-E. couperait presque a angle droit, si on la prolongeait, une courbe jalonnee par les autres iles. Von Buch[14] a classe tous les volcans en deux categories: les _volcans centraux_ autour desquels des eruptions se sont produites en grand nombre, de tous cotes, d'une maniere presque reguliere, et les _chaines volcaniques_. Dans les exemples que l'auteur donne pour les volcans de la premiere categorie je ne puis decouvrir, au point de vue de leur situation, aucune raison qui justifie la qualification de centraux, et il n'existe, a mon avis, aucune difference essentielle de constitution mineralogique entre les volcans centraux et les chaines volcaniques. Sans doute, dans la plupart des petits archipels volcaniques l'une des iles peut etre beaucoup plus elevee que les autres; de meme que dans une ile donnee un des orifices est generalement plus haut que tous les autres, quelle que puisse etre la cause de ce fait. Von Buch ne range pas dans sa classe des chaines volcaniques, de petits archipels dont il admet que les iles sont alignees, comme il le fait pour les Acores, mais il est difficile de croire qu'il existe quelque difference essentielle entre les chaines volcaniques plus ou moins allongees. Si l'on jette un coup d'oeil sur une mappemonde, on constate combien sont parfaites les transitions qui unissent de petits groupes d'iles volcaniques alignees aux series presque ininterrompues d'archipels se suivant en ligne droite, et finalement a une grande muraille comme la Cordillere americaine. Von Buch soutient[15] que des chaines volcaniques couronnent des chaines de montagnes de formation primitive, ou sont en rapport intime avec elles; mais si, dans le cours des temps, des archipels allonges sont transformes en chaines de montagnes sous l'action prolongee des forces de soulevement et eruptives, il en resultera naturellement que les roches primitives inferieures seront souvent soulevees et deviendront visibles. Quelques auteurs ont fait remarquer que les iles volcaniques sont repandues, quoiqu'a des distances tres inegales, le long des rivages des grands continents, comme si elles etaient, jusqu'a un certain point, en rapport avec eux. Pour l'ile de Juan Fernandez, situee a 330 milles de la cote du Chili, il existait indubitablement un rapport entre les forces volcaniques agissant sous cette ile et celles qui agissaient sous le continent, comme cela a ete montre par le tremblement de terre de 1835. En outre, les iles de quelques-uns des petits groupes volcaniques bordant des continents, comme nous venons de le dire, sont situees sur des lignes qui presentent une relation avec la direction que suivent les rivages voisins. Je citerai comme exemples les lignes d'intersection aux archipels des Galapagos et du Cap Vert, et la ligne la mieux definie des iles Canaries. Si ces faits ne sont pas purement fortuits, nous voyons qu'un grand nombre d'iles volcaniques eparpillees et de petits groupes sont mis en rapport avec les continents voisins, non seulement par leur proximite, mais encore par la direction des fentes d'eruption, relation que Von Buch considere comme caracteristique pour ses grandes chaines volcaniques. Dans les archipels volcaniques il est rare que les crateres soient en activite a la fois dans plus d'une ile, et les grandes eruptions ne se produisent d'habitude qu'a de longs intervalles. En considerant le grand nombre de crateres que chaque ile d'un groupe porte habituellement et la quantite enorme de matieres qu'ils ont emises, on est porte a attribuer une tres grande anciennete a ces groupes, meme a ceux dont l'origine parait relativement recente, comme l'archipel des Galapagos. Cette conclusion concorde avec l'erosion prodigieuse que l'action lente de la mer doit avoir fait subir a leurs cotes, primitivement inclinees en pente douce et qui ont du, si souvent, reculer en se transformant en hautes falaises. Nous ne devons pas croire, cependant, que la masse entiere des matieres qui forment une ile volcanique ait ete toujours emise au niveau qu'elle occupe actuellement; le grand nombre de dikes qui semblent invariablement sillonner l'interieur de tout volcan prouve, d'apres les principes exposes par M. Elie de Beaumont, que la masse entiere a ete soulevee et fissuree. En outre, je crois avoir demontre dans mon travail sur les recifs coralliens, qu'il existe un rapport entre les eruptions volcaniques et les soulevements contemporains s'operant en masse[16] et qui est atteste tant par la presence frequente de debris organiques souleves que par la structure des recifs coralliens etablis sur les roches volcaniques. Je dois faire observer enfin que des eruptions se sont produites dans un meme archipel, depuis le commencement des temps historiques, sur plus d'une des lignes de fissure paralleles; ainsi dans l'archipel des Galapagos on a signale les eruptions d'un cratere de l'ile Narborough et d'un cratere de l'ile Albemarle, qui ne se trouvent pas sur la meme ligne; aux iles Canaries des eruptions se sont produites a Teneriffe et a Lanzarote; et aux Acores sur les trois lignes paralleles de Pico, de Saint-Georges et de Terceira. Ce fait me parait interessant si nous admettons qu'il n'existe d'autre difference essentielle entre une chaine de montagnes et un volcan que celle qui distingue une injection de roches plutoniques d'une ejaculation de matieres volcaniques, car il nous permet d'admettre comme probable que lors du soulevement des chaines de montagnes deux ou plusieurs des lignes paralleles d'une chaine puissent avoir ete soulevees et injectees pendant une meme periode geologique. Notes: [1] _Description des iles Canaries_, pp. 190 et 191. [2] On a trouve que dans une masse de fer en fusion (_Edinburgh New Philosophical Journal_, vol. XXIV, p. 66) les substances dont l'affinite pour l'oxygene est plus grande que celle du fer pour ce meme gaz s'elevent de l'interieur de la masse vers la surface. Mais il est difficile d'attribuer une cause analogue a la separation des cristaux de ces coulees de lave. Le refroidissement parait avoir modifie dans certains cas la composition de la surface des laves, car Dufrenoy (_Mem. pour servir_, etc., t. IV, p. 271) a constate que les parties internes d'une coulee situee aux environs de Naples etaient formees pour les deux tiers par un mineral attaquable aux acides, tandis que la surface etait composee principalement d'un mineral inattaquable par ces reactifs. [3] J'ai donne les poids specifiques des mineraux d'apres Von Kobell, une des autorites les plus recentes et les meilleures, et celui des roches d'apres divers auteurs. Suivant Phillips, le poids specifique de l'obsidienne est 2.35, et Jameson affirme qu'il ne depasse jamais 2.4; mais j'ai reconnu qu'il etait de 2.42 pour un specimen de l'Ascension. [4] Une notice detaillee et interessante sur cette decouverte, par M. Pattinson, a ete lue devant l'Association britannique en septembre 1838. Suivant Turner (_Chemistry_, p. 210), le metal le plus lourd de certains alliages descend au fond du creuset, et il parait que ce phenomene se produit lorsque les metaux sont tous deux a l'etat liquide. Lorsque la difference de densite est considerable, comme celle qui existe entre le fer et le laitier qui se forme pendant la fusion du minerai, il n'est pas etonnant que les atomes se separent sans qu'aucune des deux substances soit a l'etat grenu. [5] Von Buch a trouve 2,47 pour le trachyte de Java; De la Beche 2,42 pour celui d'Auvergne, et moi-meme 2,42 pour celui de l'Ascension. Jameson et d'autres auteurs attribuent au basalte un poids specifique de 3,0, mais De la Beche a trouve qu'elle n'etait que de 2,78 pour certains specimens d'Auvergne, et de 2.91 pour des specimens de la Chaussee des Geants. [6] Consulter l'admirable _Description physique_ si connue de cette ile par Von Buch, qui peut etre consideree comme un modele de geologie descriptive. [7] La pate cristalline de la phonolite est souvent traversee de longues aiguilles de hornblende, ce qui prouve que ce mineral, quoique l'element le plus fusible de la phonolite, a cristallise avant ou en meme temps qu'une substance plus refractaire. Si mes observations sont exactes, la phonolite se presente toujours a l'etat de roche injectee comme celles de la serie plutonique; elle s'est donc probablement solidifiee comme ces dernieres sans subir de derangements violents ni repetes. Les geologues qui ont doute que le granite ait pu se former par liquefaction ignee parce que des mineraux de fusibilite differente s'y moulent les uns sur les autres, doivent avoir ignore le fait que la hornblende cristallisee penetre la phonolite, roche dont l'origine ignee est incontestable. L'etat visqueux que le quartz et le feldspath conservent tous deux a une temperature bien inferieure a leur point de fusion, comme on le sait aujourd'hui, explique facilement leur moulage mutuel. Voir a ce sujet le travail de M. Horner sur Bonn. _Geolog. Transact_., vol. IV, p. 439; et pour le quartz, l'_Institut_, 1839, p. 161. [8] Des fragments de ces dikes ont ete brises et sont entoures maintenant par les roches primitives dont les feuillets les environnent en restant paralleles a eux-memes. Le Dr Hubbard a decrit aussi (_Silliman's Journal_, vol. XXXIV, p. 119) un entrecroisement de veines de trapp dans le granite des White Mountains, qui doit avoir ete forme, selon lui, lorsque les deux roches etaient a l'etat pateux. [9] M. Phillips (_Lardner's Encyclop_., vol. II, p. 115) cite l'opinion de Von Buch suivant laquelle le porphyre augitique s'etend parallelement aux grandes chaines de montagnes et se rencontre toujours a leur base. De Humboldt a constate egalement l'existence frequente de roches trappeennes dans une position geologique analogue; et moi-meme j'ai observe plusieurs exemples de ce fait au pied de la Cordillere chilienne. L'existence du granite dans l'axe des grandes chaines de montagnes est toujours probable, et je suis tente de croire que les masses de porphyre augitique et de trapp injectees lateralement ont a peu pres la meme relation avec l'axe granitique que les laves basaltiques avec les masses trachytiques centrales, autour des flancs desquelles elles ont si souvent fait eruption. [10] A en juger d'apres les recherches incompletes de Forster, il est possible que l'ile Saint-Georges ne soit pas volcanique. En ce qui concerne les Seychelles je me base sur les affirmations du Dr Allan. J'ignore de quel genre de roches est formee l'ile Rodriguez dans l'ocean Indien. [11] Ceci s'appuie sur l'autorite du comte V. de Bedemar pour Flores et Graciosa (_Charlsworth Magazine of Nat. Hist_., vol. I, p. 557). Suivant le capitaine Boyd, l'ile Sainte-Marie n'a pas de roches volcaniques (_Description de Von Buch_, p. 365). L'ile Chatham a ete decrite par le Dr Dieffenbach dans le _Geographical Journal_, annee 1841, p. 201. Jusqu'a present l'expedition antarctique ne nous a fourni que des renseignements incomplets sur l'ile Kerguelen. [12] Dans un memoire presente recemment a l'_American Association_, les professeurs William et Henry Darwin Rogers ont insiste d'une maniere speciale sur les directions de soulevement qui affectent une courbe reguliere dans certaines parties de la chaine des Appalaches. [13] _Bulletin de la Societe Geologique_, t. III, p. 110. [14] _Description des Isles Canaries_, p. 324. [15] _Description des Iles Canaries_, p. 393. [16] Cette conclusion s'impose a la suite des phenomenes qui ont accompagne le tremblement de terre de 1835 a Conception, et qui sont decrits en detail dans la notice que j'ai publiee dans les _Geological Transactions_ (vol. V, p. 601). CHAPITRE VII NOUVELLE-GALLES DU SUD, TERRE VAN DIEMEN, KING GEORGE'S SOUND, CAP DE BONNE-ESPERANCE Nouvelle-Galles du Sud.--Formation de gres.--Pseudo-fragments de schiste empates.--Stratification.--Stratification entrecroisee.--Grandes vallees.--Terre Van Diemen.--Formation paleozoique.--Formations plus recentes avec roches volcaniques.--Travertin avec feuilles de vegetaux eteints.--Soulevement de la contree.--Nouvelle-Zelande.--King George's Sound.--Bancs ferrugineux superficiels.--Depots calcaires superficiels avec moules de branches.--Leur origine due a des particules de coquilles et de coraux amoncelees par le vent.--Leur extension.--Cap de Bonne- Esperance.--Contact du granite et du phyllade argileux.--Formation de gres. Durant la seconde partie de son voyage, le _Beagle_ toucha a la Nouvelle-Zelande, en Australie, a la Terre Van Diemen, et au cap de Bonne-Esperance. Desireux de consacrer la troisieme partie de ces Observations Geologiques a l'Amerique meridionale seule, je decrirai brievement ici tous les faits dignes de fixer l'attention des geologues, que j'ai observes dans les contrees que je viens de citer. _Nouvelle-Galles du Sud_.--Mon champ d'observations se bornait au trajet de 90 milles geographiques que j'ai fait pour me rendre a Bathurst, a l'W.-N.-W. de Sidney. A partir de la cote, les trente premiers milles traversent une region de gres, coupee en plusieurs endroits par des rochers de trapp, et separee du grand plateau de gres des Blue Mountains par un escarpement tres eleve qui surplombe la riviere Nepean. Ce plateau superieur mesure 1.000 pieds d'altitude au bord de l'escarpement, et a une distance de 26 milles de ce bord il s'eleve jusqu'a 3.000 a 4.000 pieds au-dessus du niveau de la mer. De ce point la route descend vers une contree moins elevee, et principalement formee de roches primitives. On y rencontre beaucoup de granite qui passe en un endroit a du porphyre rouge avec cristaux octogonaux de quartz, et qui est coupe ailleurs par des dikes de trapp. Pres des Downs de Bathurst je traversai une grande etendue de pays constituee par des phyllades argileux luisants et d'un brun pale, dont les feuillets alteres couraient du nord au sud. Je mentionne ce fait parce que le capitaine King m'a rapporte qu'aux environs du lac Georges, a une centaine de milles au sud, les micaschistes s'etendent du nord au sud d'une maniere si constante que les habitants utilisent cette particularite pour se guider dans les forets. Le gres des Blue Mountains offre une puissance d'au moins 1.200 pieds, qui semble plus forte encore en certains endroits; il est forme de petits grains de quartz cimentes par une matiere terreuse blanche, et traverse d'un grand nombre de veines ferrugineuses. Les couches inferieures alternent quelquefois avec des schistes et de la houille; a Wolgan j'ai trouve dans le schiste des feuilles de _Glossopteris Brownii_, fougere qui est tres abondante dans la houille d'Australie. Le gres contient des cailloux de quartz dont le nombre et la dimension s'accroissent generalement dans les couches superieures (ils ont rarement, cependant, plus d'un ou deux pouces de diametre); j'ai observe un fait semblable dans la grande formation de gres du Cap de Bonne-Esperance. Sur la cote de l'Amerique du Sud ou des couches tertiaires ont ete soulevees sur une grande etendue, j'ai remarque a plusieurs reprises que les couches superieures etaient formees d'elements plus grossiers que les couches inferieures; cela semble indiquer que la puissance des vagues ou des courants augmentait a mesure que la mer devenait moins profonde. Pourtant, sur la plate-forme inferieure, entre les Blue Mountains et la cote, j'ai observe que les couches superieures de gres passaient souvent au schiste, ce qui provient probablement de ce que cette region moins elevee a ete protegee contre les forts courants pendant son soulevement. Le gres de Blue Mountains etant evidemment d'origine elastique et n'ayant subi aucune action metamorphique, j'ai observe avec surprise que dans certains specimens presque tous les grains de quartz offraient des facettes brillantes et qu'ils etaient cristallises d'une maniere si parfaite qu'ils n'avaient certainement pu etre empates sous leur forme _presente_ dans une roche preexistante[1]. Il est difficile d'imaginer comment ces cristaux ont pu se former; on peut a peine croire qu'ils aient cristallise isolement au fond de la mer dans leur etat actuel de cristallisation. Est-il possible que des grains de quartz arrondis aient pu etre attaques par un liquide qui a corrode leur surface et y a depose de la silice fraiche? Je dois faire observer que pour le gres du cap de Bonne-Esperance il est evident que de la silice a ete deposee en abondance d'une solution aqueuse. En plusieurs points du gres j'ai observe des enclaves de schiste qu'on aurait pu prendre, a premiere vue, pour des fragments etrangers; cependant leurs feuillets horizontaux paralleles a ceux du gres montraient que ces enclaves etaient les restes de lits minces continus. L'un de ces fragments (constitue probablement par la coupe transversale d'une bande longue et etroite) et qui se montrait sur la paroi d'un rocher, presentait une epaisseur verticale plus grande que sa largeur, ce qui prouve que ce lit de schiste doit s'etre legerement consolide apres son depot et avant d'avoir ete entame par les courants. Chaque enclave de schiste montre ainsi avec quelle lenteur un grand nombre des couches de gres se sont deposees. Ces pseudo-fragments de schiste expliqueront peut-etre, dans certains cas, l'origine de fragments etrangers en apparence, empates dans des roches cristallines metamorphiques. Je mentionne ce fait parce que j'ai trouve pres de Rio-de-Janeiro un fragment anguleux nettement termine, long de 7 yards et large de 2, constitue par du gneiss contenant des grenats et du mica disposes en couches, et empate dans le gneiss porphyrique stratifie commun dans cette contree. Les feuillets de ce fragment et ceux de la masse englobante suivaient exactement la meme direction, mais ils plongeaient sous des angles differents. Je ne veux pas affirmer que ce fragment (constituant un cas isole, a ma connaissance au moins) ait ete originairement depose a l'etat de couche, comme le schiste des Blue Mountains, entre les strates du gneiss porphyrique, avant qu'elles aient subi le metamorphisme; mais il existe entre les deux cas une analogie suffisante pour rendre cette explication plausible. _Stratification de l'escarpement_.--Les couches des Blue Mountains paraissent horizontales a premiere vue, mais elles ont probablement un plongement semblable a celui de la surface du plateau qui s'incline de l'ouest vers l'escarpement bordant la riviere Nepean, sous un angle de 1 deg. ou de 100 pieds par mille[2]. Les strates de l'escarpement plongent presque exactement comme sa surface inclinee en pente rapide, et avec tant de regularite qu'elles semblent n'avoir jamais eu d'autre position; mais on voit, a un examen plus attentif, qu'elles s'epaississent d'un cote, et s'amincissent de l'autre au point de disparaitre, et qu'a leur partie superieure elles sont surmontees et pour ainsi dire coiffees par des bancs horizontaux. Il est probable, d'apres cela, que nous sommes ici en presence d'un escarpement original qui n'est pas forme par l'erosion marine, mais par le fait qu'a l'origine les strates ne se sont pas etendues au-dela de ce point. Ceux qui ont l'habitude de consulter des cartes detaillees de cotes sur lesquelles s'accumulent des sediments sauront que la surface des bancs ainsi formes s'incline, en general, fort lentement de la cote vers une certaine ligne du large au-dela de laquelle la profondeur devient brusquement tres grande dans la plupart des cas. Je puis citer comme exemple les grands bancs de sediments de l'archipel des Antilles[3] qui se terminent en pentes sous-marines inclinees de 30 a 40 deg. et parfois meme de plus de 40 deg.; chacun sait combien une pente semblable paraitrait escarpee sur terre. Si des bancs de ce genre etaient souleves, ils auraient probablement la meme forme exterieure, a peu pres, que le plateau des Blue Mountains a l'endroit ou il se termine brusquement au bord de la riviere Nepean. _Stratification entrecroisee_.--Dans la region cotiere basse et dans les Blue Mountains, les couches de gres sont souvent coupees par de petits lits obliques a leur direction, qui s'inclinent en divers sens souvent sous un angle de 45 deg.. La plupart des auteurs ont attribue ces couches entrecroisees a de petites accumulations successives sur une surface inclinee; mais a la suite d'un examen minutieux que j'ai fait de quelques points du nouveau gres rouge d'Angleterre, je crois que les couches de ce genre font generalement partie d'une serie de courbes, semblables a des vagues gigantesques, dont les sommets ont ete arases ulterieurement et remplaces, soit par des couches a peu pres horizontales, soit par une autre serie de grandes rides dont les plis ne coincident pas exactement avec ceux des premieres. Il est bien connu de ceux qui s'occupent du service hydrographique que, pendant les tempetes, la vase et le sable sont bouleverses, au fond de la mer, a des profondeurs considerables, atteignant au moins 300 a 450 pieds[4], de sorte que la nature du sol y est meme modifiee temporairement; on a observe aussi qu'a une profondeur de 60 a 70 pieds le fond de la mer est couvert de larges rides[5]. D'apres les observations que j'ai faites relativement a la structure du nouveau gres rouge, et que je viens de mentionner, il est donc permis de croire qu'a des profondeurs plus considerables le fond de l'ocean se recouvre pendant les tempetes de cretes et de depressions semblables a de grandes rides, qui sont nivelees ensuite par les courants pendant les periodes plus tranquilles, et qui se reforment pendant les tempetes. _Vallees dans les plateaux de gres_.--Les grandes vallees qui coupent les Blue Mountains et les autres plateaux de gres de cette partie de l'Australie, et qui ont offert longtemps un obstacle insurmontable aux tentatives des colons les plus hardis pour atteindre l'interieur de la contree, constituent le trait principal de la geologie de la Nouvelle-Galles du Sud. Ces vallees sont tres vastes et bordees par des lignes ininterrompues de hautes falaises. Il est difficile d'imaginer un spectacle plus majestueux que celui qui s'offre aux regards lorsqu'en s'avancant sur le plateau on arrive tout a coup au bord d'une de ces falaises dont la verticalite est telle qu'on peut atteindre d'un coup de pierre les arbres croissant a 1.000 et 1.500 pieds au-dessous de soi, comme j'en ai fait l'experience. A droite et a gauche on apercoit des promontoires se succedant a perte de vue sur la ligne fuyante de la falaise; et sur le versant oppose de la vallee, souvent eloigne de plusieurs milles, on voit une autre ligne s'elevant a la meme hauteur que celle sur laquelle on se trouve, et formee des memes couches horizontales de gres pale. Le fond de ces vallees est peu incline, et, d'apres sir T. Mitchell, la pente des rivieres qui les parcourent est faible. Souvent les vallees principales envoient vers l'interieur du plateau de grandes ramifications en forme de golfes, qui s'elargissent a leur extremite superieure; et, d'autre part, le plateau projette souvent des promontoires dans la vallee et y abandonne meme de grandes masses presque entierement detachees. Les lignes de falaises qui bordent les vallees sont si parfaitement continues que, pour descendre dans certaines d'entre elles, il est necessaire de faire des detours de 20 milles, et ce n'est meme que dernierement que les officiers du service topographique ont penetre dans quelques-unes de ces vallees, ou les colons ne sont pas encore parvenus a faire entrer leur betail. Mais le trait le plus remarquable de la structure de ces vallees, c'est que, malgre la largeur de plusieurs milles qu'elles presentent dans leur region superieure, elles se retrecissent ordinairement vers leur extremite inferieure, a tel point qu'elles deviennent impraticables. Le _Surveyor-general_, Sir T. Mitchell[6], a tente vainement de remonter la gorge par laquelle la riviere Grose rejoint le Nepean, en marchant d'abord, et en rampant ensuite entre les grands blocs de gres ecroules; la vallee de la Grose forme cependant vers sa partie superieure, ainsi que je l'ai constate _de visu_, un bassin magnifique large de plusieurs milles, et elle est entouree de tous cotes par des falaises dont les sommets atteignent, a ce que l'on croit, une altitude qui n'est pas inferieure a 3.000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Lorsqu'on conduit des bestiaux dans la vallee de la Wolgan, par un sentier que j'ai descendu et qui a ete, en partie, entaille dans le roc par les colons, ils ne peuvent pas s'echapper, car cette vallee est entouree completement par des falaises verticales, et a 8 milles plus bas elle se resserre au point que sa largeur, qui est d'un demi-mille en moyenne, se reduit a celle d'une simple fente dans laquelle ni homme ni bete ne saurait passer. Sir T. Mitchell[7] rapporte que la grande vallee ou coule la riviere Cox avec toutes ses ramifications se resserre a son confluent avec le Nepean en une gorge large de 2.200 yards et profonde de 1.000 pieds environ. On pourrait citer encore d'autres exemples semblables. La premiere impression qu'on eprouve en constatant la correspondance des couches horizontales sur les deux cotes de ces vallees et de ces grandes depressions en amphitheatre, c'est qu'elles ont ete creusees principalement, comme les autres vallees, par l'action erosive des eaux; mais, quand on songe a la quantite enorme de roches qui, dans cette theorie, devraient avoir ete transportees au travers de simples gorges, ou meme de fentes, lors du creusement de la plupart des vallees dont nous venons de parler, on est porte a se demander si ces depressions n'ont pas ete formees par affaissement; pourtant, si nous considerons la forme des vallees avec leurs ramifications irregulieres et celle des promontoires etroits qui, partant des plateaux, s'avancent dans les vallees, nous sommes obliges d'abandonner cette maniere de voir. Il serait absurde d'attribuer la formation de ces depressions a l'action alluviale, et les eaux qui ruissellent du plateau ne descendent pas toujours dans la vallee au niveau le plus eleve, mais sur un des cotes de ses flancs en forme de golfe, comme je l'ai observe pres de Weatherboard. Des habitants m'ont dit qu'ils ne voient jamais une de ces falaises dont l'allure rappelle celle d'une baie, avec leurs promontoires fuyant a droite et a gauche, sans etre frappes de leur ressemblance avec une cote marine elevee. Il en est incontestablement ainsi; en outre, les beaux et nombreux ports de la cote actuelle de la Nouvelle-Galles du Sud avec leurs bras largement ramifies, et qui sont ordinairement relies a la mer par un etroit goulet large de 1 mille a un quart de mille traversant des falaises de gres, ressemblent aux grandes vallees de l'interieur, en miniature il est vrai. Mais alors se presente immediatement une grave difficulte: pourquoi la mer a-t-elle creuse ces depressions si etendues quoique circonscrites, dans un vaste plateau et a-t-elle laisse intactes de simples gorges au travers desquelles l'enorme masse des materiaux broyes doit avoir ete transportee tout entiere? La seule lumiere que je puisse apporter a la solution de cette enigme, c'est de faire observer que dans certaines mers il s'edifie des bancs affectant les formes les plus irregulieres, et que leurs bords sont si escarpes (comme nous l'avons vu plus haut) qu'il suffirait d'une erosion relativement faible pour les transformer en falaises. J'ai observe en plusieurs points de l'Amerique meridionale que les vagues peuvent former des falaises a pic, meme dans les ports entoures de tous cotes par les terres. Dans la mer Rouge des bancs d'un contour extremement irregulier, et formes de sediments sont coupes par des criques aux formes les plus singulieres et a embouchure etroite; le meme cas se presente, mais sur une plus grande echelle, pour les bancs de Bahama. J'ai ete amene a croire[8] que ces bancs ont ete formes par des courants qui accumulaient des sediments sur un fond de mer inegal. Quand on a etudie les cartes marines des Antilles, on est force de reconnaitre que la mer accumule parfois des sediments autour de rochers sous-marins et de certaines iles, au lieu de les etendre en une nappe uniforme. Appliquant ces theories aux plateaux de gres de la Nouvelle-Galles du Sud, je suppose que les strates peuvent avoir ete accumulees sur un fond marin inegal par l'action de courants puissants et des vagues d'une mer largement ouverte, et que les flancs escarpes des espaces en forme de vallees demeures vides peuvent avoir ete transformees en falaises par l'erosion produite durant le soulevement lent de la contree; le gres enleve par les flots a ete emporte, soit au moment ou la mer a creuse les gorges etroites en se retirant, soit plus tard par action alluviale. Notes: [1] J'ai lu dernierement dans un travail de Smith (le pere des geologues anglais), publie dans le _Magazine of Natural History_, que les grains de quartz du _mill-stone grit_ d'Angleterre sont souvent cristallises. Dans une notice presentee en 1840 a la _British Association_, Sir David Brewster affirme que, dans le verre ancien en voie de decomposition, la silice et les metaux se separent et se disposent en anneaux concentriques, et que la silice reprend la structure cristalline, comme le prouvent ses proprietes optiques. [2] Cette assertion est basee sur l'autorite de Sir T. Mitchell, dans ses _Voyages_, vol. II, p. 357. [3] J'ai decrit ces bancs tres curieux dans l'appendice (p. 196) a mon ouvrage sur la structure des recifs coralliens. J'ai determine l'inclinaison des parois des bancs d'apres les renseignements que m'a donnes le capitaine B. Allen, l'un des hydrographes, et en mesurant soigneusement les distances horizontales comprises entre le dernier sondage situe sur le banc et le premier qui se trouve en eau profonde. Des bancs tres etendus offrent la meme forme generale de surface dans tout l'archipel des Antilles. [4] Voir Martin White, _Soundings in the British Channel_, pp. 4 et 166. [5] M. Siau, _On the Action of Waves. Edin. New Phil. Journ_., vol. XXXI, p. 245. [6] _Travels in Australia_, vol. I, p. 154.--Je dois exprimer ma reconnaissance envers sir T. Mitchell pour plusieurs communications fort interessantes qu'il m'a faites personnellement au sujet de ces vallees de la Nouvelle-Galles du Sud. [7] _Travels in Australia_, vol. II, p. 358. [8] Voir l'appendice au travail sur les recifs coralliens (pp. 192 et 196). L'accumulation de vase, par l'action des flots, autour d'un noyau submerge est un fait digne d'attirer l'attention des geologues, car il se forme ainsi des couches exterieures au noyau offrant la meme composition que les bancs qui constituent la cote, et si ces couches viennent plus tard a etre soulevees et que les flots les transforment en falaises, on les considerera naturellement comme primitivement reunies aux couches de la cote elle-meme. TERRE VAN DIEMEN La partie meridionale de cette ile est constituee principalement par des montagnes de _greenstone_, qui prend un caractere syenitique et contient beaucoup d'hypersthene. Ces montagnes sont generalement enchassees jusqu'a la moitie de leur hauteur dans des couches qui renferment une grande quantite de petits coraux et quelques coquilles. Ces coquilles ont ete etudiees par M. G.-B. Sowerby et sont decrites dans l'appendice; elles consistent en deux especes de productus et six de spiriferes. Pour autant que l'etat imparfait de leur conservation permette de les comparer, deux de ces coquilles, notamment _P. Rugata_ et _S. Rotundata_, ressemblent a des coquilles du _calcaire carbonifere_ d'Angleterre. M. Lonsdale a bien voulu etudier les coraux, ils consistent en six especes non decrites appartenant a trois genres. Des especes se rapportant a ces genres se trouvent dans les couches siluriennes, devoniennes et carboniferes d'Europe. M. Lonsdale fait observer que tous ces fossiles ont incontestablement un caractere paleozoique, et qu'ils correspondent, sous le rapport de l'age, a une division du systeme, superieure aux formations siluriennes. Les couches qui renferment ces fossiles sont interessantes par l'extreme variabilite de leur composition mineralogique. On y rencontre toutes les varietes intermediaires entre le schiste siliceux, le schiste ardoisier passant a la grauwacke, le calcaire pur, le gres et une roche porcellanique; et l'on ne saurait decrire certains bancs qu'en disant qu'ils sont formes d'un schiste argileux calcareo-siliceux. Pour autant que j'aie pu en juger, la puissance de cette formation est de 1.000 pieds au moins; la partie superieure consiste ordinairement, sur une epaisseur de quelques centaines de pieds, en gres siliceux contenant des cailloux et sans fossiles. Les couches inferieures sont les plus variables; elles sont formees generalement d'un schiste siliceux de couleur pale, et ce sont elles qui renferment le plus grand nombre de fossiles. Pres de Newtown on exploite une couche d'une masse calcareuse blanche et tendre, qui se trouve comprise entre deux bancs de calcaire cristallin dur, et qu'on utilise pour badigeonner les maisons. Suivant les renseignements qui m'ont ete donnes par le _Surveyor General_, M. Frankland, on rencontre cette formation paleozoique en divers endroits dans l'ile entiere; je puis ajouter suivant la meme autorite qu'il existe des depots primaires fort etendus sur la cote nord-est et dans le detroit de Bass. Les rivages de Storm Bay sont bordes, jusqu'a la hauteur de quelques centaines de pieds, par des couches de gres contenant des galets appartenant a la formation que je viens de decrire, avec ses fossiles caracteristiques, et qui sont pour cette raison plus recentes que cette formation. Ces couches de gres passent souvent au schiste et alternent avec des couches de houille impure; elles ont ete energiquement bouleversees en certains endroits. J'ai observe pres de Hobart-Town un dike large d'environ 100 yards, sur l'un des cotes duquel les couches etaient redressees sous un angle de 60 deg., tandis que de l'autre cote elles etaient verticales en certains endroits et modifiees par l'action de la chaleur. Sur la cote ouest de Storm Bay j'ai constate que ces strates etaient surmontees par des coulees de lave basaltique contenant de l'olivine; et tout pres de la on voyait une masse de scories brechiformes renfermant des galets de lave, et indiquant probablement la place d'un ancien cratere sous-marin. Deux de ces coulees de basalte etaient separees l'une de l'autre par une couche de wacke argileuse, dont on pouvait suivre le passage a des scories partiellement alterees. La wacke contenait un grand nombre de grains arrondis d'un mineral tendre, vert d'herbe, a eclat cireux et translucide sur les bords. Au chalumeau ce mineral devenait immediatement noir, et ses aretes aigues se fondaient en un email noir fortement magnetique; il ressemble par ces caracteres aux masses d'olivine decomposee que j'ai decrites a San Thiago dans l'archipel du Cap Vert, et j'aurais cru qu'il avait la meme origine, si je n'avais pas trouve dans les vacuoles du basalte une substance[1] semblable en filaments cylindriques, etat sous lequel l'olivine ne se presente jamais; je crois que cette substance serait rangee avec le bol par les mineralogistes. _Travertin avec plantes fossiles_.--Il existe en arriere de Hobart-Town une petite carriere ou l'on exploite un travertin dur, dont les bancs inferieurs offrent de nombreuses empreintes de feuilles bien nettes. M. Robert Brown a bien voulu etudier les echantillons que j'y ai recueillis; et il m'informe qu'il y a parmi eux quatre ou cinq varietes dont il n'en reconnait aucune comme appartenant a des especes actuelles. La feuille la plus remarquable est palmee comme celle d'un palmier-eventail, et jusqu'a present on n'a decouvert sur la Terre Van Diemen aucune plante dont les feuilles presentent cette structure. Les autres feuilles ne ressemblent ni a la forme la plus ordinaire de l'Eucalyptus (dont le genre compose, pour la plus grande partie, les forets qui existent dans l'ile), ni aux especes faisant exception a la forme commune des feuilles de l'Eucalyptus et qui se rencontrent dans cette ile. Le travertin contenant ces restes d'une flore eteinte est d'une couleur jaune pale, dur, et meme cristallin en certaines parties; mais il n'est pas compact, et il est penetre dans toutes ses parties par des vacuoles etroites, cylindriques et tortueuses. Il contient quelques rares cailloux de quartz, et accidentellement des couches de nodules de calcedoine, comme les nodules de chert dans notre _greensand_. On a recherche cette roche calcaire en d'autres endroits, a cause de sa purete, mais on ne l'a jamais trouvee. D'apres ce fait et d'apres la nature du depot, il est probable qu'il a ete forme par une source calcareuse se repandant dans un petit etang ou dans une crique etroite. Plus tard les couches ont ete redressees et fissurees, et la surface a ete recouverte d'une masse de nature singuliere qui a comble aussi une grande crevasse voisine, et qui est formee de boules de trapp empatees dans un melange de wacke et d'une substance alumino-calcaire blanche et terreuse. Ceci ferait supposer que sur les bords de l'etang ou se deposait la matiere calcaire, il s'est produit une eruption volcanique qui l'a bouleverse et draine. _Soulevement de la contree_.--Aux environs de Hobart-Town les rives orientale et occidentale de la baie sont recouvertes toutes deux, en grande partie, de coquilles brisees melangees de cailloux qui s'elevent jusqu'a la hauteur de 30 pieds au-dessus de la laisse de haute mer. Les colons croient que ces coquilles ont ete apportees la par les aborigenes pour s'en nourrir; il est incontestable que plusieurs grands monticules ont ete formes de cette maniere, comme M. Frankland me l'a fait remarquer; mais, d'apres le nombre des coquilles, d'apres l'abondance des especes de petite taille, d'apres la maniere dont elles sont clairsemees, et d'apres certains traits de la forme du pays, je crois que nous devons attribuer la presence du plus grand nombre de ces monticules a un leger soulevement de la contree. Sur le rivage de Ralph Bay (qui debouche dans Storm Bay) j'ai observe un banc continu, s'etendant a 15 pieds environ au-dessus de la laisse de haute mer, et qui etait recouvert de vegetation; en y fouillant, je trouvai des cailloux incrustes de serpules; j'ai trouve aussi le long des bords de la riviere Derwent un lit de coquilles brisees au-dessus du niveau de la riviere, et a un endroit ou l'eau est aujourd'hui beaucoup trop peu salee pour que des mollusques marins puissent y vivre; mais dans ces deux cas il est possible qu'avant la formation de certaines pointes de sable et de certains bancs de vase qui existent actuellement dans Storm Bay, les marees se soient elevees a la hauteur ou nous trouvons les coquilles aujourd'hui[2]. On a decouvert des preuves plus ou moins nettes d'un changement respectif de niveau entre les continents et la mer dans presque tous les pays situes dans cet hemisphere. Le capitaine Gray et d'autres voyageurs ont trouve dans l'Australie meridionale des amas de coquilles souleves appartenant a une epoque geologique recente, ou a une des dernieres periodes de l'ere tertiaire. Les naturalistes francais de l'expedition de Baudin ont observe le meme fait sur la cote sud-ouest de l'Australie. Le Rev. W.B. Clarke[3] trouve au cap de Bonne-Esperance des preuves du soulevement de la region a une hauteur de 400 pieds. Dans les environs de Bay of Islands a la Nouvelle-Zelande[4] j'ai observe que, comme a la Terre Van Diemen, les rivages etaient parsemes, jusqu'a une certaine hauteur, de coquilles marines dont les colons attribuent la presence aux indigenes. Quelle que puisse etre l'origine de ces coquilles, je ne puis douter, apres avoir vu une coupe de la vallee de la Thames (37 deg. S) dessinee par le Rev. W. Williams, que la contree ait ete soulevee en cet endroit. Trois terrasses disposees en gradins et formees d'une accumulation enorme de cailloux arrondis, se correspondent exactement sur les versants opposes de cette grande vallee; chaque terrasse a environ 50 pieds de hauteur. Quand on a etudie les terrasses que presentent les vallees des cotes occidentales de l'Amerique du Sud, parsemees de coquilles marines et formees pendant les intervalles de repos qu'a presentes le soulevement lent de la contree, on ne saurait douter que les terrasses de la Nouvelle-Zelande aient ete formees de la meme maniere. J'ajoute que le Dr Diffenbach rapporte dans sa description des iles Chatham[5] (au sud-ouest de la Nouvelle-Zelande) qu'il est manifeste "que la mer a laisse a decouvert bien des contrees, autrefois submergees". Notes: [1] La chlorophaeite decrite par le Dr Mac Culloch (_Western Islands_, vol. 1, p. 504) comme se presentant dans une roche basaltique amygdaloide, se distingue de cette substance parce qu'elle est inalterable au chalumeau, et parce qu'elle noircit par l'exposition a l'air. Pouvons-nous supposer que l'olivine passe par differentes phases en subissant la transformation remarquable que nous avons decrite a San Thiago? [2] Il semble que certains changements s'operent actuellement a Ralph Bay, car un fermier des environs, homme fort intelligent, m'a affirme que les huitres y abondaient autrefois, mais qu'elles ont disparu vers l'annee 1884 sans cause apparente. Dans les _Transactions of the Maryland Academic_ (vol. I, 1re part., p. 28) se trouve une note de M. Ducatel sur la destruction de vastes bancs d'huitres et de cames par le comblement graduel des lagunes a faible profondeur et des canaux sur les cotes des Etats-Unis meridionaux. A Chiloe, dans l'Amerique du Sud, j'ai entendu parler d'une perte semblable subie par les habitants par la disparition d'une espece comestible d'ascidie sur une partie de la cote. [3] _Proceedings of the Geological Society_, vol. III, p. 420. [4] Voici la liste des roches que j'ai rencontrees dans la Bay of Islands a la Nouvelle-Zelande: 1. Une grande quantite de lave basaltique et de roches scoriacees, formant des crateres distincts;--2. une colline crenelee formee de couches horizontales de calcaire couleur de chair, offrant dans la cassure des facettes cristallines nettes; la pluie a exerce une action remarquable sur cette roche, et a ravine sa surface de maniere a la transformer en un modele reduit d'une region alpestre. J'ai observe en cet endroit des bancs de chert et de limonite argileuse, et dans le lit d'un ruisseau des galets de phyllade argileux;--3. les rivages de Bay of Islands sont formes d'une roche feldspathique gris bleuatre, souvent fort alteree, a cassure anguleuse, et sillonnee de nombreuses veines ferrugineuses, mais sans stratification ou clivage distincts. Certaines varietes sont tres cristallines et pourraient etre rapportees sans hesitation au trapp; d'autres varietes ressemblent d'une maniere frappante a un schiste ardoisier faiblement modifie par la chaleur, je n'ai pu m'arreter a une opinion definitive sur cette formation. [5] _Geographical Journal_, vol. XI, pp. 202, 205. KING GEORGE'S SOUND Cet etablissement colonial est situe a l'angle sud-ouest du continent australien: la contree entiere est granitique et les mineraux constitutifs de la roche sont parfois irregulierement disposes en zones droites ou courbes. De Humboldt aurait donne le nom de granite gneissique a la roche presentant cette particularite. Il est interessant de constater que les collines denudees et coniques, qui paraissent etre formees par des couches a grands plis, ressemblent en petit d'une maniere frappante aux collines de granite gneissique de Rio-de-Janeiro, et a celles du Venezuela qui ont ete decrites par de Humboldt. Ces roches plutoniques sont coupees, en un grand nombre d'endroits, par des dikes de trapp, j'ai trouve en un meme point dix dikes paralleles s'etendant de l'est a l'ouest, et non loin de la un systeme de huit dikes, formes d'une autre variete de trapp et disposes dans une direction perpendiculaire a celle des premiers. J'ai observe en plusieurs regions formees de roches primaires des systemes de dikes paralleles et rapproches les uns des autres. _Bancs ferrugineux superficiels_.--Les parties basses de la contree sont uniformement recouvertes d'un banc de gres qui suit les inegalites de la surface, a structure cloisonnee comme un rayon de miel, et ou abondent les oxydes de fer. Je crois que des bancs d'une composition a peu pres semblable se rencontrent communement le long de toute la cote ouest de l'Australie et dans plusieurs des iles des Indes Orientales. Au cap de Bonne-Esperance, a la base des montagnes de granite surmontees de gres, le sol est recouvert partout soit d'une masse ocreuse formee de petits fragments a grain fin comme celle de King George's Sound, soit d'un gres plus grossier avec fragments de quartz, qu'une forte proportion d'hydrate de fer rend dur et lourd, et dont la cassure fraiche presente un eclat metallique. Dans ces deux varietes la roche possede une texture fort irreguliere et renferme des cavites arrondies ou anguleuses remplies de sable, de sorte que la surface est toujours cloisonnee. L'oxyde de fer est surtout abondant sur les parois des cavites, et c'est la seulement qu'il offre une cassure metallique. Il est evident que dans cette formation, comme dans un grand nombre de depots sedimentaires veritables le fer tend a se concretionner, soit en affectant une structure geodique, soit en prenant une disposition retiforme. Bien qu'elle soit fort obscure, l'origine de ces bancs superficiels parait due a une action alluviale s'exercant sur des detritus riches en fer. _Depot calcareux superficiel_.--Un depot calcaire qui se trouve au sommet de Bald-Head et qui contient des corps ramifies consideres par certains auteurs comme des coraux, est devenu celebre par les descriptions de plusieurs explorateurs distingues[1]. Ce depot entoure et recouvre de petites eminences irregulieres de granite, a l'altitude de 600 pieds au-dessus du niveau de la mer. Son epaisseur est fort variable; la ou il est stratifie, les bancs sont souvent fortement inclines, et leur angle atteint parfois 30 deg.; ils plongent dans toutes les directions. Ces bancs sont coupes quelquefois par des feuillets obliques a faces planes. Le depot consiste soit en une poudre calcareuse blanche et fine ou l'on ne discerne aucune trace de structure, soit en grains arrondis excessivement petits, de couleur brune, jaunatre ou pourpree; les deux varietes sont generalement, sinon toujours, melees de petites particules de quartz, et cimentees de maniere a constituer une pierre plus ou moins compacte. Les grains calcareux arrondis perdent instantanement leurs couleurs quand on les chauffe legerement; sous ce rapport comme sous tous les autres ils ressemblent beaucoup aux petits fragments reguliers de coquilles et de coraux qui ont ete transportes sur les flancs des montagnes a Sainte-Helene, et ont ete ainsi debarrasses par vannage de tout fragment plus grossier. Je ne doute pas que les particules calcaires colorees aient eu ici une origine semblable. La poussiere impalpable provient probablement de la destruction des particules arrondies, et cette interpretation est plausible, car sur la cote du Perou j'ai suivi le passage graduel de _grandes_ coquilles _non brisees_ a une substance aussi fine que de la craie reduite en poudre. Les deux varietes de gres calcareux mentionnees plus haut alternent frequemment avec des couches minces d'une roche substalagmitique[2] et se fondent avec elle; cette substance est entierement depourvue de quartz, meme lorsque la roche qui se trouve en contact avec chacune de ses faces contient des particules de ce mineral; nous devons en conclure que ces couches, comme certaines masses en forme de veines, sont dues a l'action de la pluie qui a dissous la matiere calcaire et l'a deposee ensuite, ainsi que cela s'est produit a Sainte-Helene. Chaque couche marque probablement une surface fraichement mise a nu a l'epoque ou les particules aujourd'hui solidement cimentees etaient a l'etat de sable incoherent. La roche de ces couches est parfois brechiforme avec fragments recimentes, comme si elle avait ete brisee par suite de la disparition du sable a un moment ou elle etait encore tendre. Je n'ai pas trouve un seul fragment de coquille marine, mais les coquilles blanchies d'_Helix melo_, espece terrestre vivante, abondent dans toutes les couches, et j'ai trouve aussi un autre Helix et un Oniscus. La forme des branches est absolument semblable a celle des tiges brisees et droites d'un buisson; leurs racines sont souvent a decouvert et l'on voit qu'elles divergent dans tous les sens; ca et la une branche git abattue. Les branches sont generalement formees de gres plus dur que la matiere environnante, et leur partie centrale est remplie de matiere calcaire friable ou d'une variete substalagmitique de cette roche; cette partie centrale est souvent aussi penetree de crevasses lineaires contenant parfois, mais rarement, une trace de matiere ligneuse. Ces corps calcareux ramifies paraissent avoir ete formes par une matiere calcaire fine entrainee par l'eau dans les moules ou cavites produits par la destruction de branches et de racines de buissons qui ont ete ensevelis sous le sable accumule par le vent. La surface entiere de la colline se desagrege aujourd'hui, et il en resulte que les moules, qui sont durs et compacts, resistent mieux et font saillie au dehors. Au cap de Bonne-Esperance j'ai trouve dans le sable calcareux les moules decrits par Abel entierement semblables a ceux de Bald-Head; mais leur partie centrale est souvent remplie d'une matiere charbonneuse noire non encore eliminee. Il n'est pas etonnant que la matiere ligneuse ait ete presque entierement eliminee des moules de Bald-Head, car plusieurs siecles doivent certainement s'etre ecoules depuis l'epoque ou les buissons ont ete ensevelis. Par suite de la forme et de la hauteur de cet etroit promontoire il ne s'y accumule pas de sable actuellement, et la surface entiere subit une erosion active comme je l'ai fait observer. Nous devons donc rapporter a une epoque ou l'altitude de la contree etait plus faible, l'amoncellement des sables calcareux et quartzeux au sommet de Bald-Head et l'ensevelissement des debris vegetaux qui en a ete la suite. Les naturalistes francais[3] ont etabli la realite de ce fait par des coquilles soulevees appartenant a des especes recentes. Une seule circonstance m'avait d'abord inspire des doutes sur l'origine des moules, c'est que les racines les plus fines appartenant a des souches differentes s'unissaient parfois pour former des feuillets ou des veines verticales; mais cette circonstance ne constitue pas une objection serieuse, si l'on se rappelle la maniere dont ces radicelles remplissent souvent les crevasses formees dans une terre dure, et si l'on considere que ces racines se detruiront et laisseront des cavites aux endroits qu'elles occupaient, tout comme les souches. Outre les branches calcareuses du cap de Bonne-Esperance, j'ai vu des moules presentant des formes identiques et provenant de Madere[4] et des Bermudes; dans ces dernieres iles, a en juger d'apres les specimens rassembles par le lieutenant Nelson, les roches calcaires environnantes sont analogues a celles du Cap et d'origine subaerienne. Si l'on tient compte de la stratification des depots de Bald-Head,--des couches de roche substalagmitique qui alternent irregulierement,--des particules arrondies et de dimension uniforme provenant probablement de coquilles marines et de coraux,--de l'abondance des coquilles terrestres dans toute la masse,--et enfin de la ressemblance absolue des moules calcaires avec les souches, les racines et les branches des vegetaux qui peuvent croitre sur des collines de sable, je crois, malgre l'opinion differente de certains auteurs, que l'on ne peut mettre raisonnablement en doute la verite de la theorie que je viens d'exposer sur leur origine. Des depots calcaires semblables a ceux de King George's Sound occupent une vaste surface sur les cotes de l'Australie. Le Dr Fitton fait remarquer que "pendant le voyage de Baudin on a trouve une breche calcaire recente (terme par lequel il designe tous ces depots) sur un espace qui ne mesure pas moins de 25 deg. en latitude et une largeur egale en longitude, sur les cotes sud, ouest et nord-ouest"[5]. Suivant M. Peron, dont les observations et les opinions sur l'origine de la matiere calcaire et des moules ramifies concordent parfaitement avec les miennes, il parait que le depot est generalement beaucoup plus continu qu'aux environs de King George's Sound. L'archidiacre Scott[6] rapporte qu'a Swan River le depot s'etend, en un point, a 10 milles dans l'interieur des terres. En outre, le capitaine Winckham m'a raconte que, pendant sa derniere inspection de la cote occidentale, il a observe qu'en tous les points ou le navire jetait l'ancre le fond de la mer etait forme d'une matiere calcaire blanche, ainsi qu'il s'en est assure en faisant descendre au fond des pinces en fer. Il semble donc que le long de cette cote, comme aux Bermudes et a l'Atoll Keeling, il se forme simultanement des depots sous-marins et subaeriens qui se produisent par la desintegration d'organismes marins. L'etendue de ces depots est tres remarquable en egard a leur origine, et on ne peut les comparer sous ce rapport qu'aux grands recifs coralliens de l'ocean Indien et du Pacifique. Dans d'autres parties du monde, dans l'Amerique du Sud par exemple, il existe des depots calcareux _superficiels_ d'une grande etendue, dans lesquels on ne peut decouvrir aucune trace de structure organique. Ces observations stimuleront peut-etre les recherches quant a savoir si les depots de cette nature ne pourraient pas etre formes aussi par des debris de coquilles et de coraux. Notes: [1] J'ai visite cette colline avec le capitaine Fitz-Roy, et nous sommes arrives tous les deux a la meme conclusion au sujet de ces corps ramifies. [2] J'adopte ce terme d'apres l'excellent travail du lieutenant Nelson sur les iles Bermudes (_Geolog. Transactions_, vol. V, p. 106) pour la pierre dure, compacte, de couleur creme ou brune, sans aucune structure cristalline, qui accompagne si souvent les accumulations calcaires superficielles. J'ai observe des bancs superficiels semblables recouverts de roche substalagmitique au cap de Bonne-Esperance, dans plusieurs parties du Chili et sur de grandes etendues a la Plata et en Patagonie. Quelques-uns de ces bancs ont ete formes par la destruction de coquilles, mais l'origine du plus grand nombre d'entre eux est fort obscure. Je pense que l'on ne connait pas les causes pour lesquelles l'eau dissout du calcaire et le redepose peu apres. La surface des couches substalagmitiques parait etre toujours erodee par l'eau des pluies. Comme toutes les contrees mentionnees plus haut jouissent d'une saison seche fort longue en comparaison de la saison pluvieuse, j'aurais cru que la presence des calcaires substalagmitiques etait en rapport avec le climat si le lieutenant Nelson n'avait pas decouvert cette substance en voie de formation sous la mer. Les coquilles decomposees paraissent extremement solubles; j'en ai trouve une excellente preuve en observant une roche curieuse de Coquimbo au Chili qui etait formee de petites carapaces vides et translucides cimentees. L'examen d'une serie d'echantillons montrait clairement que ces carapaces avaient contenu primitivement de petits fragments arrondis de coquilles, cimentes et enveloppes par une matiere calcaire (comme cela se produit frequemment sur le rivage de la mer) et ensuite decomposes et dissous dans l'eau qui doit avoir traverse les enveloppes calcaires sans les attaquer.--On pouvait observer toutes les phases de ce phenomene. [3] Voir Peron, _Voyage_, t. I, p. 204. [4] Le Dr J. Macaulay a donne une description complete des moules de Madere (_Edinb. New Phil. Jour._, vol. XXIX, p. 350). Il considere ces corps comme des coraux (s'ecartant ainsi de l'opinion de M. Smith de Jordan Hill) et le depot calcaire comme d'origine sous-marine. Les remarques qu'il fait relativement a la structure de ces corps sont peu precises. Ses arguments s'appuient principalement sur l'abondance de la matiere calcareuse et sur le fait que les moules renferment une matiere d'origine animale dont la presence est demontree par l'ammoniaque qu'ils degagent. Si le Dr Macaulay avait vu les masses enormes de fragments de coquilles roules qui se trouvent sur le rivage de l'ile de l'Ascension et surtout sur les recifs coralliens, et s'il avait songe aux effets que l'action longtemps prolongee de vents moderes peut produire par l'amoncellement de particules fines, il aurait hesite a produire l'argument relatif a la quantite de matiere, qui est rarement admissible en geologie. Si la matiere calcaire provient de la decomposition de coquilles et de coraux, il fallait s'attendre a la presence de matiere organique. M. Anderson a analyse un fragment de moule pour le Dr Macaulay et il a trouve qu'il etait compose comme suit: Carbonate de chaux 73,15 Silice 11,90 Phosphate de chaux 8,81 Matiere organique 4,25 Sulfate de chaux trace. ------- 98,11 [5] Pour des details plus complets sur cette formation, voir _Appendix to the Voyage of capitain King_ par le Dr Fitton. Le Dr Fitton est porte a attribuer une origine concretionnaire aux corps ramifies; je ferai observer que j'ai vu a la Plata, dans des lits de sable, des tiges cylindriques qui avaient incontestablement cette origine, mais elles differaient beaucoup par leur aspect des tiges de Bald-Head et des autres localites citees plus haut. [6] Proceedings of the Geological Society, vol. I, p. 320. CAP DE BONNE-ESPERANCE Apres les descriptions geologiques de cette region donnees par Barrow, Carmichael, Basile Hall et W.-B. Clarke, je puis me borner a quelques observations sur le contact des trois formations principales. La roche fondamentale est le granite[1]; il est surmonte de phyllade argileux, generalement dur et luisant par suite de la presence de petites paillettes de mica; le phyllade alterne avec des couches d'une roche feldspathique a structure phylladeuse, faiblement cristalline, et passe a cette roche. Ce phyllade argileux est remarquable parce qu'a certains endroits (comme a Lion's Rump) il est decompose jusqu'a une profondeur de vingt pieds, et transforme en une roche gresiforme de couleur pale, que certains observateurs ont prise erronement, je crois, pour une formation distincte. Le Dr Andrew Smith m'a conduit a Green-Point ou l'on voit un beau contact entre le granite et le phyllade argileux; ce dernier devient un peu plus dur et plus cristallin a un quart de mille du point ou le granite apparait sur la plage (mais le granite est probablement beaucoup plus rapproche en sous-sol). A une distance plus faible quelques-uns des bancs de phyllade argileux presentent une texture homogene et sont stries de zones peu distinctes de couleurs differentes, tandis que d'autres bancs offrent des taches mal definies. A 100 yards environ de la premiere veine de granite, le phyllade argileux commence a presenter differentes varietes, les unes sont compactes et d'une teinte pourpre, d'autres brillantes avec de nombreuses petites paillettes de mica et du feldspath imparfaitement cristallise; quelques-unes sont vaguement grenues, d'autres porphyriques avec de petites taches allongees d'un mineral blanc, tendre et facilement attaquable, ce qui donne a cette variete un aspect vesiculaire. Tout pres du granite le phyllade argileux est transforme en une roche feuilletee de couleur sombre dont la cassure est rendue grenue par la presence de cristaux imparfaits de feldspath recouverts de petites paillettes brillantes de mica. La ligne de contact actuelle entre la region granitique et la region du phyllade argileux s'etend sur une longueur d'environ 200 yards, et consiste en masses irregulieres et en nombreux dikes de granite enchevetres dans le phyllade argileux et entoures par cette derniere roche; la plupart des dikes sont diriges du N.-W. au S.-E. suivant une ligne parallele a la schistosite des phyllades. Lorsqu'on s'eloigne du point de contact, on ne voit plus que de minces lits et plus loin que de simples pellicules de phyllade argileux altere, entierement isolees, comme si elles flottaient dans le granite grossierement cristallise; mais, quoique completement isolees, elles conservent toutes des traces de la schistosite dirigee N.-W.-S.-E. Ce fait a ete observe dans d'autres cas du meme genre et a ete cite par des geologues eminents[2], comme constituant une grave objection a la theorie, generalement admise, suivant laquelle le granite a ete injecte a l'etat liquide; mais, si nous songeons a l'etat que doit vraisemblablement presenter la surface inferieure d'une masse feuilletee comme le phyllade argileux, apres qu'elle a ete violemment ployee en arche par un amas de granite fondu, nous pouvons admettre qu'elle doit etre pleine de fissures paralleles aux plans de la schistosite, et que ces fissures doivent s'etre remplies de granite, de sorte que, partout ou les fissures etaient rapprochees les unes des autres, de simples couches en forme de cloison ou des coins de phyllade resteront comme suspendus dans le granite. Par consequent, si, plus tard, la masse rocheuse entiere se desagrege et est enlevee par denudation, les extremites inferieures de ces masses subordonnees ou de ces coins de phyllade demeureront entierement isolees dans le granite, elles conserveront cependant leurs plans de schistosite propres parce qu'elles ont fait partie d'un revetement continu de phyllade argileux a l'epoque ou le granite etait liquide. En suivant avec le Dr A. Smith la ligne de contact entre le granite et le phyllade qui s'etend vers l'interieur du pays dans la direction du S.-E., nous arrivames a un endroit ou le phyllade etait transforme en un gneiss a grain fin parfaitement caracterise, compose de feldspath grenu brun jaunatre, d'une grande quantite de mica noir brillant, et de quelques couches minces de quartz. Nous devons conclure de l'abondance du mica dans ce gneiss comparee a la faible proportion qui s'en trouve dans le phyllade luisant, et de l'extreme petitesse de ses paillettes, qu'il a ete forme ici par action metamorphique,--fait qui a ete mis en doute par certains auteurs, dans des circonstances a peu pres identiques. Les feuillets du phyllade argileux sont droits, et il etait interessant d'observer que, quand ils prenaient le caractere gneissique, ils devenaient onduleux et quelques-uns des plus petits plis etaient anguleux, comme c'est le cas pour les feuillets d'un grand nombre de schistes metamorphiques. _Formation de gres_.--Cette formation constitue le trait le plus saillant de la geologie de l'Afrique australe. Les couches sont horizontales en un grand nombre de localites, et atteignent une puissance de 2.000 pieds environ. Le caractere du gres varie; la roche contient peu de matiere terreuse, mais elle est souvent tachetee par du fer; certains bancs ont le grain tres fin et sont tout a fait blancs; d'autres sont aussi compacts et aussi homogenes que du quartzite. En certains endroits j'ai observe une breche de quartz dont les fragments etaient presque entierement fondus dans une pate siliceuse. Il existe des veines de quartz larges et tres nombreuses qui renferment souvent de grands cristaux parfaitement developpes, et il est evident que dans presque toutes les couches une quantite importante de silice s'est deposee par solution. Parmi ces varietes de quartzite, la plupart offrent exactement l'aspect de roches metamorphiques; mais, comme les couches superieures sont aussi siliceuses que celles de la base et que les contacts avec le granite sont tout a fait normaux dans tous les points que j'ai pu observer, il me semble difficile de croire que ces couches de gres aient ete exposees a l'action de la chaleur[3]. J'ai constate en plusieurs points, sur les lignes de contact entre ces deux grandes formations, que le granite etait decompose a la profondeur de quelques pouces et qu'il etait remplace soit par une mince couche d'un schiste ferrugineux, soit par une couche, epaisse de 4 ou 5 pouces, constituee par les cristaux du granite recimentes et sur laquelle reposait immediatement la grande masse de gres. M. Schomburgh a decrit[4] une grande formation de gres du Bresil septentrional qui repose sur le granite et ressemble d'une maniere remarquable, sous le rapport de la composition et sous celui de la forme exterieure de la contree, a cette formation du cap de Bonne-Esperance. Les gres des grands plateaux de l'Australie orientale, qui reposent aussi sur le granite, different de ceux dont nous venons de parler parce qu'ils sont moins siliceux. On n'a pas decouvert de fossiles dans ces trois vastes depots. J'ajoute enfin que je n'ai vu aucun caillou roule provenant de roches amenees d'une grande distance au cap de Bonne-Esperance, sur les cotes orientales et occidentales de l'Australie, ni a la Terre Van Diemen. Dans l'ile septentrionale de la Nouvelle-Zelande j'ai observe de grands blocs de _greenstone_, mais je n'ai pas eu l'occasion de determiner si la roche dont ils avaient ete detaches se trouvait a une grande distance de ce point. Notes: [1] En plusieurs endroits j'ai observe dans le granite de petites spheres a couleur sombre composees de minuscules paillettes de mica noir, dans une pate tres resistante. En un autre point j'ai rencontre des cristaux de tourmaline noire rayonnant autour d'un centre commun. Le Dr Andrew Smith a decouvert dans l'interieur du pays de beaux specimens de granite, avec du mica blanc d'argent rayonnant ou plutot ramifie comme de la mousse autour de points centraux. Il existe dans les collections de la Societe Geologique des echantillons de granite avec du feldspath cristallise et radie de la meme maniere. [2] Voir le travail de M. Keilhau "_Theory on Granite_", dans l'_Edinburgh New Philosophical Journal_, vol. XXIV, p. 402. [3] Le Rev. W.-B. Clarke affirme cependant, a ma grande surprise (_Geological Proceedings_, vol. III, p. 422), qu'en certains endroits le gres est traverse par des dikes granitiques; ces dikes doivent appartenir a une periode bien posterieure a celle ou le granite fondu reagissait sur le phyllade argileux. [4] _Geographical Journal_, vol. X, p. 246. APPENDICE DESCRIPTION DE COQUILLES FOSSILES Par G.-B. SOWERBY, Esq. F.L.S. _Coquilles_ provenant d'un depot tertiaire situe au-dessous d'une grande coulee basaltique a San Thiago dans l'archipel du Cap Vert, et mentionne a la page 5 de ce volume. 1.--Littorina Planaxis, G. Sowerby. _Testa subovata, crassa, loevigata, anfractibus quatuor, spiraliter strialis; apertura subovata; labio columellari infimaque parte anfractus ultimi planatis: long._ 0,6. _lat._ 0,45, _poll_. Cette coquille a la taille et a peu pres la forme d'un petit bigorneau; elle en differe essentiellement cependant, parce que la partie inferieure de la derniere spire et la levre columellaire sont coupees et aplaties, comme dans les _Purpurees_. Parmi les coquilles recentes de la meme localite il y en a une qui ressemble beaucoup a celle-ci, et qui lui est peut-etre identique, mais c'est une coquille tres jeune, de sorte qu'elle ne se prete pas a une comparaison minutieuse. 2.--Cerithium Aemulum, G. Sowerby. _Testa oblongo-turrita, subventricosa, apice subulato, anfractibus decem leviter spiraliter striatis, primis serie unica tuberculorum instructis, intermediis irregulariter obsolete tuberculiferis, ultimo longe majori absque tuberculis, sulcis duobus fere basalibus instructo: labii externi margine interno intus crenulato: long. 1,8; lat. 0,7, poll_. Cette espece ressemble tellement a l'une des coquilles reunies par Lamarck sous le nom de Cerithium Vertagus, qu'a premiere vue je croyais pouvoir l'identifier avec cette derniere coquille, mais elle s'en distingue facilement parce qu'elle n'offre pas, au centre de la columelle, le pli qui est si remarquable dans l'espece de Lamarck. Il n'y en avait qu'un seul exemplaire, et la partie inferieure de la levre externe lui manquait, de sorte qu'il est impossible de decrire la forme de la bouche. 3.--Venus Simulans, G. Sowerby. _Testa rotundata, ventricosa, loeviuscula, crassa; costis obtusis, latiusculis, concentricis, antice posticeque tuberculatim solulis; area cardinali postica alterae valvae latiuscula; impressione subumbonali postica circulari: long. 1,8, lat. 1,5, poll_. Coquille a caracteres intermediaires, se placant entre la _Venus verrucosa_ de la Manche et la _V. rosalina Rang_. de la cote occidentale d'Afrique, mais qui se distingue suffisamment de ces deux especes par ses cotes concentriques larges et obtuses, divisees en tubercules tant en avant qu'en arriere. Sa forme est aussi plus arrondie que celle de ces deux especes. Les coquilles suivantes, provenant de la meme couche, sont connues comme especes recentes, pour autant qu'on puisse les determiner. 4.--Purpura Fucus. 5.--Amphidesma australe, Sowerby. 6.--Conus venulatus, Lam. 7.--Fissurella coarctata, King. 8.--Perna. Deux valves depareillees, en si mauvais etat qu'on ne saurait les determiner. 9.--Ostrea cornucopiae, Lam. 10.--Arca ovata, Lam. 11.--Patella nigrita, Budgin. 12.--Turritella bicingulata? Lam. 13.--Strombus. Trop use et trop mutile pour etre determinable. 14.--Hipponyx radiata, Gray. 15.--Natica uber, Valenciennes. 16.--Pecten. Ressemble par sa forme a _P. opercularis_, mais s'en distingue par divers caracteres. Il n'y en a qu'une seule valve, de sorte que je n'ai pas les garanties necessaires pour pouvoir le decrire. 17.--Pupa subdiaphana, King. 18.--Trochus. Indeterminable. COQUILLES TERRESTRES FOSSILES DE SAINTE-HELENE Les six especes suivantes ont ete trouvees ensemble a la partie inferieure d'un lit epais de terre vegetale; les deux dernieres especes, c'est-a-dire le _Cochlogena fossilis_ et l'_Helix biplicata_, ont ete trouvees dans un gres calcareux tres recent, avec une espece du genre _Succinea_ vivant actuellement dans l'ile. Ces coquilles sont mentionnees a la page 108 de ce volume. 1.--Cochlogena Auris-Vulpina, De Fer. Cette espece est bien decrite et figuree fort exactement dans le onzieme volume de l'ouvrage de Martini et Chemnitz. Chemnitz exprime des doutes quant au genre auquel il convient de la rapporter, et l'avis fortement motive que cette coquille ne doit pas etre consideree comme terrestre. Les specimens dont il disposait avaient ete achetes dans une vente publique a Hambourg, ou ils avaient ete envoyes par feu G. Humphrey, qui parait avoir fort bien connu leur veritable provenance, et qui les a vendues pour des coquilles terrestres. Chemnitz cite cependant un specimen de la collection de Spengler qui etait en meilleur etat que les siens, et passait pour provenir de Chine. La figure qu'il a donnee est prise d'apres cet individu, qui me semble etre simplement un specimen nettoye de la coquille de Sainte-Helene. On comprend facilement qu'apres avoir passe par deux ou trois mains une coquille originaire de Sainte-Helene puisse avoir ete vendue comme provenant de Chine, soit fortuitement, soit dans un but interesse. Je crois qu'il est impossible qu'une coquille appartenant a cette espece puisse avoir ete reellement trouvee en Chine; et je n'en ai jamais vu une seule parmi la quantite immense de coquilles qui nous arrivent du Celeste-Empire. Chemnitz n'a pu se decider a etablir un nouveau genre pour cette remarquable coquille, quoiqu'il ne put evidemment l'assimiler a aucun des genres connus a cette epoque; et bien qu'il ne la considerat pas comme terrestre, il lui donna le nom d'_Auris Vulpina_. Lamarck en a fait la seconde espece de son genre _Struthiolaria_, sous le nom de _Crenulata_. Elle ne presente cependant aucune affinite avec ce genre; et on ne saurait concevoir de doutes sur l'exactitude des idees de De Ferussac, qui place cette coquille dans la quatrieme division de son genre _Cochlogena_; Lamarck se serait montre consequent avec ses propres principes s'il l'avait placee parmi ses _Auriculae_. Cette espece presente une variete qui peut etre caracterisee comme suit: Cochlogena auris-vulpina, Var. _Testa subpyramidali, apertura breviori, labio tenuiori: long. 1,68, aperturae 0,77, lat. 0,86, poll_. OBSERVATIONS.--Les proportions different ici de celles de la variete ordinaire, qui sont: longueur 1,65, longueur de la bouche 1, largeur 0,96 pouces. Faisons observer que toutes les coquilles de cette variete provenaient d'une autre partie de l'ile que les specimens cites en premier lieu. 2.--Cochlogena fossilis, G. Sowerby. _Testa oblonga, crassiuscula, spira subacuminata, obtusa, anfractibus senis, subventricosis, leviter striatis, sutura profunde impressa; apertura subovata; peritremate continuo, subincrassato; umbilico parvo: long. 0,8, lat. 0,37, poll_. Cette espece a la taille de _C. Guadaloupensis_, mais s'en distingue facilement par la forme des spires et parce que la suture est profondement marquee. Les proportions varient un peu pour les divers specimens. Cette espece n'a pas ete trouvee par M. Darwin, mais provient de la collection de la Societe geologique. 1.--Cochlicopa subplicata, G. Sowerby. _Testa oblonga, subacuminato-pyramidali, apice obtuso, anfractibus novem loevibus, postice subplicatis, sutura crenulata; apertura ovata, postice acuta, labio externo tenui; columella obsolete subtruncata; umbilico minimo: long. 0,93, lat. 0,28, poll_. Cette espece et la suivante sont rangees dans le sous-genre Cochlicopa de De Ferussac, parce qu'elles se rapprochent beaucoup de sa _Cochlicopa Folliculus_. Elles en sont cependant toutes les deux parfaitement distinctes au point de vue specifique, car elles sont beaucoup plus grandes que _C. Folliculus_ et ne sont pas brillantes et lisses comme cette derniere coquille que l'on trouve dans le Midi de l'Europe et a Madere. On a trouve quelques coquilles tres jeunes et un oeuf qui appartiennent, je pense, a cette espece. 2.--Cochlicopa terebellum, G. Sowerby. _Testa oblonga, cylindraceo-pyramidali, apice obtusiusculo, anfractibus septenis, loevibus; sutura postice crenulata; apertura ovali, postice acuta, labio externo tenui; antice declivi; columella obsolete truncata, umbilico minimo: long. 0,77, lat. 0,29, poll_. Cette espece differe de la precedente parce que sa forme est plus cylindrique, et qu'a l'etat de developpement complet elle est presque entierement debarrassee des plis obtus des spires posterieures; elle s'en distingue aussi par la forme de la bouche. Dans cette espece les jeunes coquilles sont striees longitudinalement et elles presentent quelques plis longitudinaux fortement uses. 1.--Helix Bilamellata, G. Sowerby. _Testa orbiculato-depressa, spira plana, anfractibus senis, ultimo subtus ventricoso, superne angulari; umbilico parvo; apertura semilunari, superne extus angulata, labio externo tenui; interno plicis duabus spiralibus, postica majori: long, 0,15, lat. 0,33, poll_. Les jeunes coquilles de cette espece ont des proportions tres differentes de celles dont nous avons parle plus haut, car leur axe est presque egal a leur longueur. Le plus grand specimen est blanc avec des raies irregulieres couleur de rouille. Cette espece s'ecarte beaucoup de toutes les especes recentes que nous connaissions, quoiqu'elle semble avoir quelque analogie avec plusieurs d'entre elles, telles que _Helix epistylium_ ou _Cookiana_, et _H. gularis_; pourtant, dans ces deux especes, les plis spiraux internes sont places sur la face interne de la paroi externe de la coquille, et non sur la lame interne comme chez l'_Helix bilamellata_. Il existe une autre espece recente assez analogue a celle-ci; elle n'a pas encore ete decrite et differe de _Bilamellata_ et de _Cookiana_ parce qu'elle possede quatre plis spiraux internes dont deux sont places sur la face interne de la paroi exterieure, et deux sur la paroi interne de la coquille; elle a ete rapportee de Tahiti par le _Beagle_. 2.--Helix polyodon, G. Sowerby. _Testa orbiculato-subdepressa, anfractibus sex, rotundatis, striatis; apertura semilunari, labio interno, plicis tribus spiralibus, posticis gradatim majoribus, externo inlus dentibus quinque instructo; umbilico mediocri, long. 0,07, lat. 0,10, poll_. Cette espece se rapproche plus ou moins de _Helix contorta_ de De Ferussac, Moll. terr. et fluv. Pl. 51. A, fig. 2; mais en differe par plusieurs details. 3.--Helix spurca, G. Sowerby. _Testa suborbiculari, spira subconoidea, obtusa; anfractibus quatuor turnidis, substriatis; apertura magna, peritremate tenui; umbilico parvo, profundo; long. 0,1, lat. 0,13, poll_. Se distingue facilement de l'_Helix polyodon_ par sa bouche large et depourvue de dents. 4.--Helix biplicata, G. Sowerby. _Testa orbiculato-depressa, anfractibus quinque rotundatis, striatis; apertura semilunari, labio interno, plicis duobus spiralibus, postica majori; umbilico magno; long. 0,04, lat. 0,1, poll_. Cette espece doit etre consideree a cause de sa forme, comme parfaitement distincte de _Helix bilamellata_; l'ombilic est beaucoup plus grand, le sommet n'est pas aplati, et le bord posterieur de chaque spire n'est pas; anguleux. Il convient de rapporter a cette espece des specimens qu'on a trouves associes aux especes precedentes, et a _Coclogena fossilis_ qui est, a son tour, associee a une Succinee actuellement vivante, dans le gres calcarifere moderne. COQUILLES PALEOZOIQUES DE LA TERRE VAN DIEMEN (Voire chapitre VII: TERRE VAN DIEMEN). 1.--Producta rugata. C'est probablement la meme espece que celle a laquelle Phillips a donne le nom de _Producta rugata_ (Geology of Yorkshire, part. 2, pl. VII, fig. 16); mais la coquille est en trop mauvais etat pour que je puisse me prononcer definitivement a ce sujet. 2.--Producta brachythaerus_, G. Sowerby. _Producta, testa subtrapeziformi, compressa, parte antica latiori, sub-biloba, postica angustiori, linea cardinali brevi_. Les caracteres les plus remarquables de cette espece sont le peu de longueur de la ligne cardinale et la largeur relativement grande de la partie anterieure de la coquille; sa face externe est ornee de petits tubercules emousses, disposes irregulierement; l'exemplaire est empate dans un calcaire offrant la couleur grise habituelle au calcaire carbonifere. Un autre specimen, que je suppose etre une empreinte de la face interne de la valve aplatie, est empate dans une pierre de couleur brun de rouille clair. Un troisieme specimen, probablement une empreinte de la face interne de la valve la plus profonde, se trouve dans une roche presque semblable, associee a d'autres coquilles. 1.--Spirifera subradiata, G. Sowerby. _Spirifera, testa loecissima, parte mediana lata, radiis lateralibus utriusque lateris paucis, inconspicuis._ La largeur de cette coquille est, peut-on dire, plus grande que sa longueur. Les raies des surfaces laterales sont en tres petit nombre et peu distinctes, et le lobe median est d'une grandeur et d'une largeur peu communes. 2.--Spirifera rotundata? Phillips: _Geology of Yorkshire_, pl. IX, fig. 17. Quoique cette coquille ne soit pas exactement semblable a la figure citee, il serait peut-etre impossible de decouvrir des caracteres qui l'en distinguent nettement. Notre specimen est fortement tordu; c'est d'ailleurs un exemple de ce genre de variations accidentelles qui montre quelle faible importance il convient d'attribuer, en certains cas, aux caracteres particuliers, car les cotes radiees sont beaucoup plus nombreuses et plus serrees sur l'un des cotes d'une des valves que sur l'autre cote de cette meme valve. 3.--Spirifera trapezoidalis, G. Sowerby. _Spirifera, testa subtetragona, mediana parte profunda, radiis nonnullis, subinconspicuis; radiis lateralibus utriusque lateris seplem ad octo distinctis: long. 1,5, lat. 2, poll_. Il y a deux specimens de cette espece empates dans un calcaire couleur de rouille foncee grisatre, probablement bitumineux. Spirifera trapezoidalis, _var.? G. Sowerby. Spirifera, testa radiis lateralibus tripartitum divisis, lineis incrementi antiquatis, caeleroquin omnino ad spiriferam trapezoidalem simillima_. J'ai ete porte d'abord a assimiler cette coquille a _Spirifera trapezoidalis_, mais, en considerant que les cotes radiees sont simples a leur origine, et sachant qu'elles sont sujettes a des variations, j'ai cru qu'il valait mieux faire de ce specimen une variete distincte. Il y a plusieurs autres specimens de Spiriferes appartenant probablement a des especes distinctes, mais ils consistent en de simples moules, de sorte qu'il est evidemment impossible de donner les caracteres externes de ces especes. Cependant, comme elles sont tres remarquables, j'ai cru convenable de leur donner a chacune un nom et d'en faire une courte description. 4.--Spirifera paucicostata, G. Sowerby. Longueur egale aux deux tiers environ de la largeur; cotes peu nombreuses et variables. 5.--Spirifera Vespertilio, G. Sowerby. Largeur depassant le double de la longueur, cotes radiees assez larges, distinctes et peu nombreuses: surface interne posterieure couverte, dans les deux valves, de ponctuations bien distinctes. 6.--Spirifera avicula, G. Sowerby. Les proportions de cette espece sont fort remarquables, car la coquille parait etre trois fois plus large que longue; les cotes rayonnees ne sont pas tres nombreuses, et la surface interne posterieure de l'une des valves seulement (la grande valve) a ete ponctuee. L'espece ressemble par ses proportions a la _Spirifera convoluta_[1] de Phillips, mais comme notre _Spirifera avicula_ n'est representee que par un moule interne, ses proportions ne sont pas aussi anormales que celles de la _Spirifera convoluta_. Un specimen dont la forme naturelle a ete fortement alteree par la compression, mais qui semble cependant un peu different par ses proportions, presente non seulement le moule interne de la coquille, mais aussi l'empreinte de sa surface externe; ses cotes rayonnees sont fort irregulieres et tres nombreuses, mais il est possible que certaines d'entre elles seulement soient des cotes principales, les autres n'etant qu'interstitielles; leur irregularite rend cette question insoluble. Note: [1] _Geology of Yorkshire_, part. 2, p. IX, fig. 7. DESCRIPTION DE SIX ESPECES DE CORAUX PROVENANT D'UN DEPOT PALEOZOIQUE DE LA TERRE VAN DIEMEN Par W. LONSDALE, Esq. F. G. S. 1.--Stenopora Tasmaniensis, Sp. n.[1] Note: [1] Quoique les caracteres de ce genre soient inedits, il a paru convenable de ne pas les donner avec tous leurs details dans cette notice, parce qu'un fort petit nombre d'especes seulement ont ete etudiees. Le corail est essentiellement compose de simples tubes agreges de diverses manieres et rayonnant vers l'exterieur. La bouche est ronde ou oblongue, et entouree de bourrelets en relief, portant le long de la crete une rangee de tubercules. La bouche d'abord ovale est relrecie (Greek: stenos) graduellement par une bande qui s'eleve sur la paroi interne du tube et finit par la fermer. _Ramifie, branches cylindriques, inclinees ou contournees de diverses manieres; tubes plus ou moins divergents, bouches ovales, cretes de subdivision portant de forts tubercules; 1 a 2 marques du retrecissement progressif dans chaque tube_. Ce corail ressemble par son mode general de croissance a _Calamopora_ (_Stenopora?_) _tumida_ (Phillips, _Geology of Yorkshire_, part. 2, pl. 1, fig. 62), mais la forme de la bouche et d'autres details de structure presentent de tres grandes differences avec cette derniere espece. _Stenopora Tasmaniensis_ atteint des dimensions considerables, car un des specimens mesure 4 pouces et demi de long et un demi-pouce de diametre. Les branches considerees individuellement offrent une circonference tres uniforme, mais elles different l'une de l'autre dans un meme specimen, et il n'y a pas de mode defini de subdivision, ni de direction d'accroissement determinee. Les extremites sont quelquefois creuses, et un specimen, long de 1 pouce et demi a peu pres et large d'un demi-pouce, est ecrase de maniere a devenir completement plat. Dans les specimens ou ils sont le mieux visibles, les tubes offrent une longueur considerable, ils naissent presque toujours isolement sur l'axe de la branche et divergent sous un angle tres faible, jusqu'a ce qu'ils parviennent tout pres de la circonference, ils se recourbent alors vers l'exterieur. Dans l'interieur de la branche les tubes ont une section polygonale due a des pressions laterales, mais en approchant de la surface externe elle devient ovale parce que les tubes, en divergeant de plus en plus, laissent entre eux des espaces libres. Leur diametre est toujours tres uniforme, a l'exception des retrecissements qui existent pres de l'extremite des tubes parvenus a leur developpement complet. Dans l'interieur des branches les parois etaient vraisemblablement fort minces, mais a la peripherie la matiere presente une epaisseur relativement considerable. On n'a pas trouve de traces de diaphragmes transversaux dans l'interieur des tubes. On rencontre rarement des exemples bien demonstratifs des modifications successives que subit l'extremite ovale des tubes jusqu'au complet developpement et a l'obliteration finale, mais on a observe les cas suivants: Quand la bouche devient libre et prend la forme ovale, les parois sont minces et tranchantes, et sont disposees perpendiculairement dans l'interieur du tube. Elles se touchent parfois, mais d'autres fois elles sont separees par des sillons de dimensions variables, ou l'on peut decouvrir de tres petites ouvertures ou pores. Lorsque la bouche approche de son complet developpement, les sillons sont plus ou moins completement combles, et les parois s'epaississent, car on peut voir le long de la crete une rangee de tres petits tubercules. A cette epoque la face interne du tube cesse d'etre verticale, elle est tapissee interieurement d'une bande oblique tres etroite. Les bouches arrivees a leur developpement complet sont separees par une crete tres prononcee, generalement simple, mais assez souvent subdivisee par un sillon; la crete, double ou simple, est surmontee d'une rangee de tubercules saillants qui sont presque en contact les uns avec les autres. On n'a observe qu'un seul exemple d'occlusion des bouches, mais il offre une preuve suffisante de l'expansion graduelle de la bande interne, avec soudure finale au centre, dont j'ai parle plus haut. A cette phase extreme on constate une obliteration generale des details, mais la plupart des tubercules restent distincts. Chez cette espece on n'observe pas, a l'interieur des longues branches cylindriques rectilignes, de marques bien nettes d'un retrecissement de la bouche, anterieur a la formation du tube parfait et a la contraction finale, mais pres du point ou les tubes se recourbent vers l'exterieur il existe une indentation annulaire qu'on peut suivre successivement d'un moule a l'autre suivant une ligne parallele a la surface; et entre l'etranglement saillant et la surface parfaite les parois des tubes etaient legerement rugueuses. Dans une autre branche courte que l'on croyait appartenir a cette espece, mais dont les tubes divergeaient tres rapidement vers l'exterieur, le retrecissement est fortement marque, quoiqu'a des degres variables, dans les divers tubes de ce specimen. La roche dans laquelle le fossile est engage est un schiste argilo-calcarifere grossier ou un calcaire gris; on y rencontre aussi _Fenestella internata_, etc. 2.--Stenopora ovata, Sp. n. _Ramifiee, branches ovales; tubes relativement courts, tres divergents, bouches rondes; nombreux retrecissements ou irregularites de developpement_. Les caracteres de cette espece ont ete determines fort imparfaitement. Les branches ne sont pas uniformement ovales, meme dans un fragment unique. Les tubes divergeaient tres rapidement le long de la ligne du grand axe, leur croissance dans le sens vertical etait fort limitee. Leurs moules montrent une succession rapide d'irregularites de developpement. Les bouches, pour autant qu'on puisse determiner leur forme, etaient rondes ou legerement ovales, et les cretes de division, garnies de tubercules, etaient aigues; mais, comme la surface externe n'est pas visible, on n'a pu determiner leurs caracteres exacts et les modifications subies pendant la croissance. Le corail est empate dans un calcaire gris-sombre. 1.--Fenestella ampla, Sp. n. _Cupuliforme; surface cellulifere interne; branches dichotomes, larges, aplaties, minces; mailles ovales; rangees de cellules nombreuses, rarement limitees a deux, alternantes; connexions transversales quelquefois celluleuses; couche interne de la surface non celluleuse tres fibreuse; couche externe tres grenue, non fibreuse; vesicule gemmulifere? petite_. Quelques-uns des moules de ce corail offrent une ressemblance generale avec _Fenestella polypora_ telle qu'elle est representee dans Captain Portlock's _Report on the Geology of Londonderry_, pl. XXII, A, fig. 1 _a_, 1 _d_; mais il n'y a pas de similitude de structure entre le fossile de la Terre Van Diemen et l'espece en question telle que la donnent la planche XXII, fig. 3, du meme ouvrage ou les figures originales de M. Phillips, _Geology of Yorkshire_, part. 2, pl. 1, fig. 19, 20. Il existe aussi une ressemblance generale entre _Fenestella ampla_ et un corail trouve par M. Murchison dans le calcaire carbonifere de Kossalchi-Datchi sur le versant oriental de la chaine de l'Oural, mais il y a, ici encore, une difference marquee dans les details de structure. _Fenestella ampla_ atteignait des dimensions considerables; des fragments paraissant appartenir a un specimen unique couvraient une surface de 4 pouces et demi sur 3 pouces; cette espece offrait des contours tres massifs, les branches avaient souvent plus d'un dixieme de pouce de largeur aux points ou elles se divisaient. Une grande uniformite domine dans l'aspect general du corail, mais la largeur des branches varie parce qu'elles s'elargissent fortement au voisinage des points de bifurcation; cependant il n'y a pas de difference marquee entre les caracteres de la base et ceux de la partie superieure de la coupe, meme quant au nombre des rangees de cellules. Dans les specimens ou la surface cellulaire est le mieux conservee, les ouvertures des cellules sont relativement grandes, rondes ou ovales, et elles sont limitees par un bord legerement sureleve; une crete filiforme et onduleuse serpente entre elles et divise les espaces intermediaires en losanges. Le nombre des rangees de cellules situees immediatement en avant des bifurcations s'eleve parfois jusqu'a dix, et depasse ordinairement deux apres la separation. Les ouvertures des cellules des rangees laterales font saillie dans l'interieur des mailles, et les connexions transversales sont quelquefois celluleuses. Les intervalles compris entre les ouvertures, ainsi que les cretes ondulees, sont granuleuses ou portent de tres petits tubercules. Dans l'interieur les cellules presentent la disposition oblique habituelle, elles se recouvrent les unes les autres et s'arretent brusquement a la partie dorsale de la branche. Les empreintes parfaites de la surface cellulaire offrent l'inverse des caracteres qui viennent d'etre decrits; mais le plus habituellement les empreintes ne presentent guere d'autre trace de structure que des rangees longitudinales d'ouvertures circulaires. Sur la couche interne de la surface non celluleuse on peut decouvrir quelquefois vingt fibres paralleles bien nettes, separees par des sillons etroits ou par les moules qui leur correspondent; et leur nombre est toujours considerable. L'etat de conservation de ces fossiles ne permettait pas de decouvrir la veritable nature des fibres, mais on deduit d'observations faites sur d'autres especes qu'elles sont tubulaires. Leur taille est considerable, mais dans le specimen qui montre leur structure de la maniere la plus complete elles sont frequemment coupees par des ouvertures circulaires. Leur surface arrivee a l'etat parfait est finement granuleuse. La couche externe ou partie posterieure des branches est formee d'une croute uniforme sans aucune trace de fibres, mais couverte de nombreuses papilles microscopiques avec des pores correspondants qui penetrent la substance de cette couche. Les seules traces de vesicules gemmuliferes sont de petites cavites accidentellement situees au-dessus de la bouche et dont la position correspond a celle que les vesicules considerees comme gemmuliferes occupent dans d'autres genres celluleux. Des moules de cavites semblables sont repandus fort uniformement entre les empreintes des bouches, sur le specimen russe dont on a parle plus haut. On n'a pas observe le corail a son etat le plus jeune, et on n'a constate aucun changement notable provenant de l'age de l'organisme, a l'exception de l'epaississement graduel de la surface non celluleuse, a la suite de son recouvrement par la couche fibreuse. Les specimens sont empates dans un calcaire gris-sombre ecailleux ou terreux. 2.--Fenestella internata, Sp. n. _Cupuliforme; surface cellulifere interne; branches dichotomes, comprimees, de largeur variable; mailles oblongues, etroites; 2 a 5 rangees de cellules separees par des cretes longitudinales; connexions transversales courtes, sans cellules; surface non celluleuse; couche interne fortement fibreuse, couche externe finement granuleuse_. Cette espece se distingue facilement de _Fen. ampla_ par la delicatesse de sa structure; il y a en outre des differences tres nettes dans le nombre des rangees de cellules qui varie de deux a cinq, et dans leur mode de developpement. Elle parait avoir atteint des dimensions considerables, car on a observe des fragments longs de 1 pouce et demi et large de 1 pouce. Les branches ont une largeur variable, elles s'elargissent graduellement dans la direction des bifurcations, mais sans aucune alteration de la forme ou de la dimension des mailles, et, pour autant que l'etat des specimens permette d'en juger, il ne survenait aucun changement notable pendant le developpement de la coupe, sauf celui que nous allons exposer. A la surface cellulifere des branches il se produit des modifications importantes mais uniformes entre les bifurcations successives. Sur une faible longueur au-dessus du point de separation la branche est etroite et anguleuse, elle porte une crete longitudinale parallele a son axe, et il n'y a qu'une seule rangee d'ouvertures sur chaque face. A mesure que la branche se developpait, la crete s'elargissait et devenait finalement cellulifere; une ligne d'ouvertures naissait a la place qu'elle occupait (_internata_). Les trois rangees d'ouvertures cellulaires etaient alors separees sur la branche par deux cretes, et le developpement continuant, celles-ci s'elargissaient a leur tour et devenaient celluleuses, les cinq rangees etant separees par quatre cretes. Cette phase semble representer la derniere periode de l'accroissement, car elle etait suivie immediatement d'une nouvelle bifurcation. La partie la plus ancienne de la coupe ne porte d'ordinaire que deux ou trois rangees de bouches; et, lorsqu'il en existe un plus grand nombre, on peut observer une certaine irregularite dans leur disposition lineaire resultant de l'expansion laterale de la branche. Dans les specimens les mieux conserves les bouches sont relativement grandes, rondes ou ovales, et leurs bords sont faiblement releves. Celles des rangees medianes sont paralleles ou presque paralleles, et disposees dans la direction de l'axe de la branche; mais dans les rangees laterales elles sont souvent placees obliquement et s'inclinent vers les mailles. Sur ces specimens presque intacts les cretes de subdivision sont filiformes et legerement ondulees, mais il n'existe pas de traces des compartiments en losanges, qui se montrent si distinctement chez _Fenestella ampla_. Les espaces intermediaires entre les bouches sont planes ou legerement convexes. Dans des specimens moins bien conserves ou prives de leur surface primitive, les bouches n'offrent pas une figure uniforme et n'ont pas de bord en saillie. Les cretes de subdivision sont aussi relativement plus larges; et la surface entiere, y compris les connexions laterales, est granuleuse ou finement tuberculee. La couche interne de la surface non celluleuse est tres fibreuse, et l'on peut decouvrir la meme structure, plus ou moins nettement accusee dans les connexions laterales. Le nombre des fibres ne parait pas depasser douze par branche, et elles sont en general moins nombreuses. Leur longueur est considerable, car des fibres additionnelles s'intercalent lorsque la branche s'elargit; et leur surface est garnie de tres petits tubercules. On n'a pas observe d'ouvertures circulaires isolees. La couche exterieure est uniformement granuleuse quand elle est completement developpee, mais on peut suivre sur un meme specimen toutes les phases intermediaires depuis l'etat fibreux fortement accuse jusqu'a l'etat granuleux. On n'a pas observe de traces distinctes de vesicules gemmuliferes, mais sur un specimen qui porte, a ce que l'on croit, des empreintes de cette espece, on peut observer accidentellement, pres des bouches, des moules hemispheriques a surface parfaitement arrondie, qui ne sont evidemment pas relies directement avec l'interieur des cellules, et que l'on considere comme representant peut-etre ces vesicules. _Fenestella internata_ semble etre un fossile abondant; une pierre plate mesurant environ 8 pouces de longueur et 6 de largeur est couverte, sur les deux faces, de fragments de ce corail, et il existe dans la collection un grand nombre de fragments plus petits. La roche encaissante est constituee ordinairement par un schiste argilo-calcareux gris, mais elle consiste parfois en un calcaire ecailleux ou en une pierre argileuse dure et ferrugineuse ou faiblement coloree. 3.--Fenestella fossula, Sp. n. _Capuliforme, surface cellulifere interne; branches dichotomes, deliees; mailles ovales; deux rangees de cellules; connexions transversales non celluleuses; couche interne de la surface non cellulifere finement fibreuse; couche externe polie ou granuleuse_. Par son aspect general et les details de sa structure cette espece offre une grande ressemblance avec _Fenestella flustracea_ de la dolomie d'Angleterre (_Retepora flustracea, Geological Transactions_, 2e serie, vol. VII, pl. XII, fig. 8), mais elle en differe par le caractere particulier que presente le moule de la surface cellulifere dont nous indiquerons la nature en decrivant cette surface. Le specimen principal est une coupe presque intacte haute de 1 pouce et demi et mesurant environ 2 pouces de diametre dans la partie comprimee la plus large. On n'observe pas de variations notables des caracteres, mais quelquefois des irregularites de croissance, dues probablement a des accidents survenus pendant le developpement progressif de l'organisme. Les caracteres que nous indiquons ici ont ete observes sur des moules, car on n'a pas rencontre de surface parfaite. Les dimensions des branches sont fort uniformes, elles ne s'elargissent que tres legerement aux points de bifurcation qui sont eloignes les uns des autres, et leur epaisseur etait vraisemblablement presque egal a leur largeur. Le moule de la surface cellulaire est traverse dans le sens de son axe par une rigole etroite a bords aigus (_fossula_), a parois presque verticales, caractere distinctif entre cette espece et _Fen. flustracea_. Les moules cylindriques des ouvertures ou de l'interieur des cellules sont disposes sur un seul rang de chaque cote de la rigole, et on ne peut pas observer nettement une augmentation de leur nombre aux bifurcations. Le long de l'axe de la rigole il y a une rangee d'indentations ou de petites cavites coniques, caractere que l'on constate dans d'autres especes, particulierement dans _Fen. flustracea_. Ce ne sont evidemment pas les moules d'ouvertures de cellules, mais de papilles relativement grandes. On a observe des traces de saillies de ce genre dans plusieurs autres cas. Sur le petit fragment garni d'ouvertures que l'on a trouve, ces ouvertures sontgrandes, rondes, et font une faible saillie, elles ne sont pas fort eloignees les unes des autres, et le meme petit fragment porte une crete imparfaitement developpee. Les restes de la surface non celluleuse ne presentent pas de caracteres qui meritent d'etre signales, mais on a observe des traces d'une couche striee unie. Les deux specimens qui ont fourni ces details de structure sont engages dans un calcaire dur de couleur sombre. Hemitrypa sexangula, Sp. n. _Reseau fin, hexagonal; mailles rondes en rangees doubles_. Le corail auquel s'appliquent ces caracteres incomplets est empate dans la surface schistoide d'un calcaire dur de couleur sombre. Il a environ 1 pouce de largeur et un demi-pouce de hauteur, et consiste en deux reseaux superposes, l'un a mailles quadrangulaires et l'autre a mailles hexagonales, avec une aire interieure arrondie; le reseau quadrangulaire a ete enleve sur une partie considerable du specimen, de sorte que le contact des deux structures est bien visible. On admet que les caracteres generiques essentiels de ce fossile s'accordent entierement avec ceux d'_Hemitrypa_ (Pal. Foss. Cornwall, p. 27), mais son bon etat de conservation et certaines facilites qui en resultaient pour la determination des details de structure ont fait prevaloir, au sujet de sa nature, une opinion un peu differente de celle qui est exposee dans l'ouvrage que je viens de citer. La surface interne d'_Hemitrypa oculata_ (_loc. cit_.) est decrite comme "portant des cretes radiees", et possedant "des depressions intermediaires ovales qui ne penetrent qu'a la moitie de l'epaisseur de la substance du corail, et n'atteignent nulle part la surface externe". La partie equivalente du specimen de la Terre Van Diemen correspond parfaitement a cette description, sauf quant a la forme des mailles ou depressions; pourtant il n'est pas simplement "semblable a quelques Fenestellae", mais il presente tous les caracteres essentiels de ce genre, et l'on croit que c'est un fragment de _Fen. fossula_. On est arrive a cette conclusion par l'etude d'un petit fragment detache mecaniquement, et qui portait une rangee de grandes ouvertures rondes faisant saillie. La surface externe d'_Hem. oculata_ est decrite comme "completement couverte de nombreux pores ou cellules ronds"--"disposes en rangees doubles", et l'on a constate que la partie correspondante d'_Hem. sexangula_ consiste aussi en une surface semblable formee de doubles rangees de mailles rondes ou "pores" mais a contours hexagonaux, et l'on voit sur le specimen engage dans sa gangue qu'ils penetrent jusqu'a la surface de la Fenestella ou reseau quadrangulaire. Ces details de structure ont paru suffisants pour etablir un rapport generique entre le corail de la Terre Van Diemen et _Hemitrypa oculata_; et l'examen d'un specimen de ce genre provenant d'Irlande a confirme pleinement les details de structure que montre la "surface interne" du specimen auquel on donne provisoirement le nom d'_Hemitrypa sexangula_. Aucune opinion n'a ete formulee sur la veritable nature du reseau "externe". Il est forme presque en totalite d'une matiere calcaire gris sombre qui parait remplir les vides d'un organisme a structure originairement celluleuse; mais on a observe aussi quelques petites plages de la couverture externe qui consistent en une croute blanche opaque, sur la surface primitivement en contact avec le reseau externe. Il ne parait pas douteux que ce soit un parasite, et la similitude interessante qui existe entre l'espace occupe par la double rangee de mailles et par les branches paralleles de la Fenestella, provient probablement de ce que ce dernier corail a presente des lignes de base favorables pour la fixation de l'Hemitrypa. Dans le specimen de la Terre Van Diemen le rapport est decele par un accroissement de la largeur du reseau et par une rangee de points saillants. Il existe aussi une concordance remarquable entre la disposition des ouvertures de la Fenestella et les mailles du reseau "interne". Des concordances de ce genre sont admirablement representees dans les excellentes figures de M. Phillips (_Pal. Fos_, pl. XIII, fig. 38). Les parties solides de l'organisme etant excessivement fines, au point de ressembler au fil de la dentelle la plus delicate, les essais que l'on a tentes pour decouvrir des caracteres interieurs satisfaisants ont echoue, excepte en un endroit ou l'on a cru reconnaitre une veritable disposition cellulaire[1]. Rien non plus n'a ete determine au sujet de la croute de revetement. Quoique l'on puisse faire des objections a l'application du nom d'Hemitrypa a ces coraux, on a cru devoir conserver le mot, jusqu'a ce que les caracteres du genre aient ete determines d'une maniere complete. Note: [1] On a constamment fait usage d'une loupe Codrington d'un demi-pouce de diametre, pour l'etude des coraux decrits dans cette notice. FIN TABLE Abel (M.).--Sur des moules calcaires au cap de Bonne-Esperance Abingdon (Ile) Abrolhos (Incrustations aux iles) Acores Affaissee (Region) a l'Ascension Albatros; leur disparition de Sainte-Helene Albemarle (Ile) Albite aux iles Galapagos Amygdaloidales (Origine calcaire des roches) Amygdaloides (Vacuoles) a moitie remplies Ascension --Absence de dikes, absence actuelle d'action volcanique et etat des coulees de lave a l'Ascension --Incrustations arborescentes sur des roches de l'Ascension Ascidies (Extinction des) Atlantique. Nouveau foyer volcanique dans l'ocean Atlantique Augite fondue Australie Bahia au Bresil (Dikes a) Bailly (M.).--Sur les montagnes de l'ile Maurice Baldhead Bank's Cove Barn (Le), a Sainte-Helene Basalte colonnaire --(Poids specifique du) Basaltiques (Montagnes) cotieres a l'ile Maurice --a Sainte-Helene --a San Thiago Beaumont (M. Elie de).--Sur des cirques d'eboulement dans la lave --Sur des dikes demontrant le soulevement --Sur des dikes lamellaires --Sur l'inclinaison des coulees laviques Beudant (M.).--Sur les bombes volcaniques --Sur le jaspe --Sur l'obsidienne de Hongrie --Sur la presence de la silice dans le trachyte --Sur le trachyte lamellaire Bermudes (Roches calcareuses des) Bol Bombes volcaniques Bonne-Esperance (Cap de) Bory de Saint-Vincent.--Sur les bombes volcaniques Boue (Torrents de) a l'archipel des Galapagos Brattle (Ile) Brewster (Sir D.).--Sur une substance calcareuse d'origine animale --Sur le verre decompose Brown (M.R.).--Sur des corps spheruliliques dans le bois silicifie --Sur des vegelaux fossiles de la Terre Van Diemen Buch (Von).--Sur des couches calcareuses superficielles aux iles Canaries --Sur des coulees d'obsidienne --Sur la lave caverneuse --Sur la lave lamellaire --Sur la descente des cristaux dans l'obsidienne --Sur la presence de l'olivine dans le basalte --Sur les volcans centraux Cailloux (Absence des) en Australie et au cap de Bonne-Esperance --de greenstone a la Nouvelle-Zelande Calcaires (Depots) a San Thiago modifies par la chaleur --(gres) a Sainte-Helene --(Incrustations) a l'Ascension --(Lits) superficiels a King George's Sound --(Matiere), fibreuse entrainee et empatee dans des scories --(Roche), a l'Ascension Calcedoine dans le basalte et dans le bois silicifie Calcedoine (Nodules de) Cap de Bonne-Esperance Carbonique (Acide), son expulsion par la chaleur Carmichael (Le capitaine).--Sur les revetements vitreux de certains dikes _Cerithium_ (fossile) Chaleur (Action de la) sur une matiere calcaire Chatham (Ile) Chaux (Sulfate de), a l'Ascension Chlorophaeite Clarke (Le Rev. W.).--Sur le cap de Bonne-Esperance _Cochlicopa_ (fossile) _Cochlogena auris Vulpina_ Comptes rendus. Rapport sur les phenomenes volcaniques de l'Atlantique Conception (Tremblement de terre de) Concretions, leur comparaison dans les roches aqueuses et ignees --dans le tuf --d'obsidienne Conglomerat recent a San Thiago Coquilles (Colloration des), modifiee par la lumiere --fossiles de Sainte-Helene, de San Thiago, de la Terre Van Diemen --(Fragments de), transportes par le vent a Sainte-Helene --(Matiere calcaire provenant des), deposee par les vagues --terrestres fossiles a Sainte-Helene Coquimbo (Roche curieuse de) Coraux fossiles de la Terre Van Diemen Cotes (Denudation des), a Sainte-Helene Coulees d'obsidienne Cratere (Corniche interieure et parapet entourant un) --(Grand) central a Sainte-Helene --(Segment de) aux Galapagos Crateres basaltiques a l'Ascension --(Etat ruine des) --(Forme des), modifiee par le vent alize --(Petits) basaltiques a l'archipel des Galapagos --a San Thiago --de soulevement --de tuf a l'archipel des Galapagos --a Terceira Cristallisation, favorisee par l'espace Dartigue (M.).--Sur les spherulites Daubeny (Le Dr).--Sur des fragments empates dans le trachyte --Sur une ile en forme de bassin D'Aubuisson.--Sur des collines de phonolite --Sur la composition de l'obsidienne --Sur la structure fissile du phyllade argileux De la Beche (Sir H.).--Sur le poids specifique du calcaire --Sur la presence de la magnesie dans le calcaire eruptif Denudation de la cote a Ste-Helene Diana's Peak a Sainte-Helene Dieffenbach (Le Dr).--Sur les iles Chatham Dikes a Sainte-Helene; leur nombre; tapisses d'une couche luisante, uniformite de leur epaisseur --de trapp dans les roches plutoniques Dikes de tuf Dikes (Grands) paralleles, a Sainte-Helene --N'ont pas ete rencontres a l'Ascension Dikes (Reste de) s'etendant a une grande distance au large, autour de Sainte-Helene --tronques, sur la crete centrale crateriforme de Sainte-Helene Dislocation a l'Ascension --a Ste-Helene Distribution des iles volcaniques Dolomieu.--Sur la lave lamellaire --Sur l'obsidienne --Sur le trachyte decompose Dree (M.).--Sur la descente des cristaux dans la lave Dufrenoy (M.).--Sur la composition de la surface de certaines coulees de lave --Sur l'inclinaison des couches de tuf Ejacules (Fragments) a l'Ascension --(Fragments) a l'archipel des Galapagos Ellis (Le Rev. W.).--Sur des corniches a l'interieur du grand cratere d'Hawai --Sur des fossiles marins a Tahiti Eruption (Fissures d') Explosion de masses gazeuses Extinction de coquilles terrestres a Sainte-Helene Faraday (M.).--Sur le degagement de l'acide carbonique Feldspath (Fusibilite du) --en cristaux rayonnes --labradorite ejacule Feldspathiques (Lamellation des roches) et causes de ce phenomene Feldspathiques (Laves) --a Ste-Helene --(Roches) alternant avec l'obsidienne _Fenestella_ (fossile) Fernando Noronha (Ile) Ferrugineux (Bancs) superficiels Feuilletage du phyllade argileux en Australie Fibreuse (Matiere calcaire) a San Thiago Fissures d'eruption Fitton (Le Dr).--Sur une breche calcaire Flagstaff Hill a Sainte-Helene Fleuriau de Bellevue (M.).--Sur les spherulites Fluidite des laves Forbes (Le Professeur).--Sur la structure des glaciers Fragments ejacules a l'archipel des Galapagos --a l'Ascension Fresh-water Bay Fuerteventura (Bancs calcaires de) Galapagos (Archipel des) --(Parapets autour des crateres aux) Gay-Lussac.--Sur le degagement de l'acide carbonique Glaciers, leur structure _Glossopteris Brownii_ Gneiss, avec grand fragment empate --provenant du phyllade argileux Gorges etroites a Sainte-Helene Granite (Contact du) avec le phyllade argileux au cap de Bonne-Esperance Granite gneissique (forme des collines de) Granitiques (Fragments) ejacules Gres du Bresil --du cap de Bonne-Esperance --(Plateaux de) a la Nouvelle Galles du Sud Gypse a l'Ascension Gypse a la surface du sol a Sainte-Helene --dans des couches volcaniques a Sainte-Helene Hall (Sir J.).--Sur le degagement de l'acide carbonique Helene (Ile de Sainte-) _Helix_ (fossile) _Helix melo_ _Hemitrypa_ (fossile) Hennah (M.).--Sur des cendres a l'Ascension Henslow (Le Professeur).--Sur la calcedoine Hoffmann.--Sur le trachyte decompose Holland (Le D').--Sur l'Islande Horner (M.).--Sur une substance calcareuse d'origine animale --Sur la fusibilite du feldspath Hubbard (Le Dr).--Sur les dikes Huitres (Extinction des) Humboldt (Alex. de).--Sur les formations d'obsidienne --Sur les fragments ejacules --Sur les parapets des crateres --Sur les spherulites Hutton.--Sur les roches amygdaloidales Hyalite dans le trachyte decompose Iles volcaniques (Distribution des) --(Soulevement des) Incrustation sur les rochers de Saint-Paul Incrustations calcareuses a l'Ascension Islande (Stratification des collines cotieres de l') James (Ile) Jaspe (Origine du) Jonnes (M. Moreau de).--Sur les crateres transformes par le vent Juan Fernandez (Ile de) Keilhau (M.).--Sur le granite Kicker Rock King George's Sound Labrador. Feldspath ejacule Lacs a la base de volcans Lamellation des roches volcaniques Lanzarote (Lits calcaires de) Lave, son adherence aux parois d'une gorge --feldspathique --semi-amygdaloidale avec vacuoles Laves avec monticules irreguliers a l'Ascension --(Composition de la surface des) --(Coulees de) se confondant a San Thiago --des Galapagos --(differences d'etat de la surface des) --(Fluidite des) --(Minceur extreme des coulees de) --(Poids specifique des) Lesson (M.).--Sur les crateres de l'Ascension Leucite _Littorina_ (fossile) Lonsdale (M.).--Sur des coraux fossiles de la Terre Van Diemen Lot, a Sainte-Helene Lyell (M.).--Sur les crateres de soulevement --Sur des oeufs de tortues empates dans une roche --Sur un revetement luisant des dikes Macaulay (Le Dr).--Sur des moules calcaires a Madere Mac Tullock (Le Dr).--Sur une roche amygdaloidale --Sur la chlorophaeite --Sur une retinite lamellaire Mackensie (Sir G.).--Sur des coulees de lave caverneuses --Sur des coulees d'obsidienne --Sur un revetement luisant des dikes --Sur la stratification de l'Islande Madere (Moules calcaires a) Magazine (Nautical): rapport sur des phenomenes volcaniques ayant leur siege dans l'Atlantique Marekanite Maurice (Ile) --(Cratere de soulevement de) Mica en nodules arrondis --(Disposition rayonnee du) --(Origine du) dans des phyllades metamorphiques Miller (Le Professeur).--Sur des cristaux de quartz dans des lits d'obsidienne --Sur du feldspath labradorique ejacule Mitchell (Sir T.).--Sur des bombes volcaniques --Sur les vallees australiennes Moules calcareux de branches Narborough (Ile) Nelson (Le Lieutenant).--Sur les iles Bermudes Nouveau gres rouge (Stratification entrecroisee du) Nouvelle-Caledonie Nouvelle-Galles du Sud Nouvelle-Zelande Nullipores (fossiles) ressemblant a des concretions Obsidienne (Absence de l') a l'archipel des Galapagos --(Bombes d') --(Composition et origine de l') --(Coulees d') --(Descente des cristaux de feldspath au sein de l') --(Emission de l') par des craterestres eleves --(Passage de bancs a l') --(Poids specifique de l') Oeufs d'oiseaux empates dans une roche a Sainte-Helene --de tortues empates dans une roche a l'Ascension Olivine a la Terre Van Diemen --dans les laves a l'archipel des Galapagos --decomposee a San Thiago Oolitique(Structure) de bancs calcaires recents a Sainte-Helene Otaheite Pattinson (M.).--Sur la separation du plomb et de l'argent Paul (Rochers de Saint-) Peperino Perlite Peron (M.).--Sur des roches calcaires d'Australie Phonolite avec hornblende plus fusible que la pate --(Collines de) --fissile Phyllade argileux, sa decomposition et son contact avec le granite au cap de Bonne-Esperance Plantes fossiles Plomb (Separation du) et de l'argent Plutoniennes (Roches), repartition de leurs elements par ordre de densite Poids specifique des laves --de roches calcareuses recentes et du calcaire Ponce lamellaire. --manque a l'archipel des Galapagos Ponza (Iles). (Trachyte lamellaire des) Porto-Praya Prevost (M.C.).--Sur la rarete des grandes dislocations dans les iles volcaniques _Producta_ Prosperous Hill, a Sainte-Helene Puy-de-Dome (Trachyte du) Quail-island, a San Thiago Quartz cristallise dans le gres --(Cristaux de) dans des couches alternant avec de l'obsidienne --(Fusibilite du) Quartzite tachete d'une matiere terreuse a la suite d'une action metamorphique. Red Hill Resineux (Aspect) de scories alterees Retinite --(Dikes de) Rio de Janeiro (Gneiss de) Robert (M).--Sur des couches observees en Islande Rogers (Les Professeurs) --Sur des lignes de soulevement courbes. Sainte-Helene (Ile de) --(Crateres soulevement de) Saint-Paul (Rochers de) Salses (Comparaison des), et des crateres de tuf San Thiago (Ile de) --(Cratere de soulevement de) --(Effets produits par une matiere calcaire sur la lave a) Scrope (M.P.).--Sur l'obsidienne. --Sur la presence de la silice dans le trachyte --Sur la separation du trachyte et du basalte --Sur les spherulites --Sur le trachyte lamellaire Seale (M.).--Geognosie de Sainte-Helene. --Sur des coquilles fossiles de Sainte-Helene. --Sur les dikes --Sur des ossements d'oiseaux empates dans une roche Sedgwick (Le Professeur).--Sur les concretions Sel dans des couches volcaniques --depose par la mer --(Lacs riches en) dans des crateres Septaria en concretions dans le tuf Serpules dans des roches soulevees Seychelles Siau (M.).--Sur le ridement au fond de la mer par l'action des vagues Signal--Post Hill Silice deposee par la vapeur --(Forte proportion de la) dans l'obsidienne --(Poids specifique de la) Siliceux (Depot) Smith (Le Dr A.).--Sur le contact du granite et du phyllade argileux Soulevement de l'archipel des Galapagos --d'iles volcaniques --de Sainte-Helene --de la Terre Van Diemen, du cap de Bonne-Esperance, de la Nouvelle-Zelande, de l'Australie et de l'ile Chatham Spallanzani.--Sur le trachyte decompose Spherulites dans le verre et dans le bois silicifie --dans l'obsidienne _Spirifera_ Sowerby (M.G.B.).--Description de coquilles fossiles (a l'Appendice) --Sur des coquilles fossiles de San Thiago --Sur des coquilles fossiles de la Terre Van Diemen --Sur des coquilles fossiles terrestres de Sainte-Helene _Stenopora_ (fossile) Stokes (M.)--Collection de spherulites et d'obsidienne de Stony-top (Great) --(Little) Stratification du gres a la Nouvelle-Galles du Sud Stutchbury (M).--Sur des fossiles marins a Otaheite Tahiti Talus stratifies dans l'interieur de crateres de tuf Terceira Tertiaire (Depot) a San Thiago Thiago (Ile de San) Tourmaline rayonnee Trachyte (Absence du) a l'archipel des Galapagos --(Decomposition du) par la vapeur --de l'Ascension --de Terceira --devenu tendre a l'Ascension --(Lamellation du) --(Poids specifique du) --(Separation du) et du basalte --(Veines singulieres dans le) Trapp (Dikes de) a King George's Sound. --dans des roches plutoniques Travertin a la Terre Van Diemen Tropiques (Oiseau des) devenu rare a Sainte-Helene Tuf (Crateres de) --(Espece particuliere de) --(Etat ruine des crateres de) Turner (M.).--Sur la separation de metaux fondus Tyerman et Bennet.--Sur des fossiles marins a Huaheine Vallees en forme de gorges a la Nouvelle-Galles du Sud --a San Thiago --a Sainte-Helene Van Diemen (Terre) Veines dans le trachyte --de jaspe Vent (Effets du) sur la forme des crateres _Venus_ (fossile) Vincent (Bory de Saint-).--Sur les bombes volcaniques Vitreuse (Origine de la structure) Volcaniques (Iles) en voie de formation dans l'Atlantique --(Iles), leur distribution Wacke (Passage de la) a la lave Wackes argileuses Webster (Le Dr).--Sur le gypse de l'Ascension --Sur une ile en forme de bassin White (Martin).--Sur des sondages End of the Project Gutenberg EBook of Observations Geologiques sur les Iles Volcaniques, by Charles Darwin *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK OBSERVATIONS GEOLOGIQUES *** This file should be named 7geol10.txt or 7geol10.zip Corrected EDITIONS of our eBooks get a new NUMBER, 7geol11.txt VERSIONS based on separate sources get new LETTER, 7geol10a.txt Produced by David Starner, Anne Dreze, Marc D'Hooghe and the PG Online Distributed Proofreaders Project Gutenberg eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not keep eBooks in compliance with any particular paper edition. We are now trying to release all our eBooks one year in advance of the official release dates, leaving time for better editing. Please be encouraged to tell us about any error or corrections, even years after the official publication date. Please note neither this listing nor its contents are final til midnight of the last day of the month of any such announcement. The official release date of all Project Gutenberg eBooks is at Midnight, Central Time, of the last day of the stated month. A preliminary version may often be posted for suggestion, comment and editing by those who wish to do so. Most people start at our Web sites at: http://gutenberg.net or http://promo.net/pg These Web sites include award-winning information about Project Gutenberg, including how to donate, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter (free!). Those of you who want to download any eBook before announcement can get to them as follows, and just download by date. This is also a good way to get them instantly upon announcement, as the indexes our cataloguers produce obviously take a while after an announcement goes out in the Project Gutenberg Newsletter. http://www.ibiblio.org/gutenberg/etext03 or ftp://ftp.ibiblio.org/pub/docs/books/gutenberg/etext03 Or /etext02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90 Just search by the first five letters of the filename you want, as it appears in our Newsletters. Information about Project Gutenberg (one page) We produce about two million dollars for each hour we work. The time it takes us, a rather conservative estimate, is fifty hours to get any eBook selected, entered, proofread, edited, copyright searched and analyzed, the copyright letters written, etc. Our projected audience is one hundred million readers. If the value per text is nominally estimated at one dollar then we produce $2 million dollars per hour in 2002 as we release over 100 new text files per month: 1240 more eBooks in 2001 for a total of 4000+ We are already on our way to trying for 2000 more eBooks in 2002 If they reach just 1-2% of the world's population then the total will reach over half a trillion eBooks given away by year's end. The Goal of Project Gutenberg is to Give Away 1 Trillion eBooks! This is ten thousand titles each to one hundred million readers, which is only about 4% of the present number of computer users. Here is the briefest record of our progress (* means estimated): eBooks Year Month 1 1971 July 10 1991 January 100 1994 January 1000 1997 August 1500 1998 October 2000 1999 December 2500 2000 December 3000 2001 November 4000 2001 October/November 6000 2002 December* 9000 2003 November* 10000 2004 January* The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been created to secure a future for Project Gutenberg into the next millennium. We need your donations more than ever! As of February, 2002, contributions are being solicited from people and organizations in: Alabama, Alaska, Arkansas, Connecticut, Delaware, District of Columbia, Florida, Georgia, Hawaii, Illinois, Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky, Louisiana, Maine, Massachusetts, Michigan, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, New Hampshire, New Jersey, New Mexico, New York, North Carolina, Ohio, Oklahoma, Oregon, Pennsylvania, Rhode Island, South Carolina, South Dakota, Tennessee, Texas, Utah, Vermont, Virginia, Washington, West Virginia, Wisconsin, and Wyoming. We have filed in all 50 states now, but these are the only ones that have responded. As the requirements for other states are met, additions to this list will be made and fund raising will begin in the additional states. Please feel free to ask to check the status of your state. In answer to various questions we have received on this: We are constantly working on finishing the paperwork to legally request donations in all 50 states. If your state is not listed and you would like to know if we have added it since the list you have, just ask. While we cannot solicit donations from people in states where we are not yet registered, we know of no prohibition against accepting donations from donors in these states who approach us with an offer to donate. International donations are accepted, but we don't know ANYTHING about how to make them tax-deductible, or even if they CAN be made deductible, and don't have the staff to handle it even if there are ways. Donations by check or money order may be sent to: Project Gutenberg Literary Archive Foundation PMB 113 1739 University Ave. Oxford, MS 38655-4109 Contact us if you want to arrange for a wire transfer or payment method other than by check or money order. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been approved by the US Internal Revenue Service as a 501(c)(3) organization with EIN [Employee Identification Number] 64-622154. Donations are tax-deductible to the maximum extent permitted by law. As fund-raising requirements for other states are met, additions to this list will be made and fund-raising will begin in the additional states. We need your donations more than ever! You can get up to date donation information online at: http://www.gutenberg.net/donation.html *** If you can't reach Project Gutenberg, you can always email directly to: Michael S. Hart Prof. Hart will answer or forward your message. We would prefer to send you information by email. **The Legal Small Print** (Three Pages) ***START**THE SMALL PRINT!**FOR PUBLIC DOMAIN EBOOKS**START*** Why is this "Small Print!" statement here? You know: lawyers. They tell us you might sue us if there is something wrong with your copy of this eBook, even if you got it for free from someone other than us, and even if what's wrong is not our fault. So, among other things, this "Small Print!" statement disclaims most of our liability to you. It also tells you how you may distribute copies of this eBook if you want to. *BEFORE!* YOU USE OR READ THIS EBOOK By using or reading any part of this PROJECT GUTENBERG-tm eBook, you indicate that you understand, agree to and accept this "Small Print!" statement. If you do not, you can receive a refund of the money (if any) you paid for this eBook by sending a request within 30 days of receiving it to the person you got it from. If you received this eBook on a physical medium (such as a disk), you must return it with your request. ABOUT PROJECT GUTENBERG-TM EBOOKS This PROJECT GUTENBERG-tm eBook, like most PROJECT GUTENBERG-tm eBooks, is a "public domain" work distributed by Professor Michael S. Hart through the Project Gutenberg Association (the "Project"). Among other things, this means that no one owns a United States copyright on or for this work, so the Project (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth below, apply if you wish to copy and distribute this eBook under the "PROJECT GUTENBERG" trademark. Please do not use the "PROJECT GUTENBERG" trademark to market any commercial products without permission. To create these eBooks, the Project expends considerable efforts to identify, transcribe and proofread public domain works. Despite these efforts, the Project's eBooks and any medium they may be on may contain "Defects". Among other things, Defects may take the form of incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other eBook medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. LIMITED WARRANTY; DISCLAIMER OF DAMAGES But for the "Right of Replacement or Refund" described below, [1] Michael Hart and the Foundation (and any other party you may receive this eBook from as a PROJECT GUTENBERG-tm eBook) disclaims all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees, and [2] YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE OR UNDER STRICT LIABILITY, OR FOR BREACH OF WARRANTY OR CONTRACT, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES, EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGES. If you discover a Defect in this eBook within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending an explanatory note within that time to the person you received it from. If you received it on a physical medium, you must return it with your note, and such person may choose to alternatively give you a replacement copy. If you received it electronically, such person may choose to alternatively give you a second opportunity to receive it electronically. THIS EBOOK IS OTHERWISE PROVIDED TO YOU "AS-IS". NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, ARE MADE TO YOU AS TO THE EBOOK OR ANY MEDIUM IT MAY BE ON, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE. Some states do not allow disclaimers of implied warranties or the exclusion or limitation of consequential damages, so the above disclaimers and exclusions may not apply to you, and you may have other legal rights. INDEMNITY You will indemnify and hold Michael Hart, the Foundation, and its trustees and agents, and any volunteers associated with the production and distribution of Project Gutenberg-tm texts harmless, from all liability, cost and expense, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following that you do or cause: [1] distribution of this eBook, [2] alteration, modification, or addition to the eBook, or [3] any Defect. DISTRIBUTION UNDER "PROJECT GUTENBERG-tm" You may distribute copies of this eBook electronically, or by disk, book or any other medium if you either delete this "Small Print!" and all other references to Project Gutenberg, or: [1] Only give exact copies of it. Among other things, this requires that you do not remove, alter or modify the eBook or this "small print!" statement. You may however, if you wish, distribute this eBook in machine readable binary, compressed, mark-up, or proprietary form, including any form resulting from conversion by word processing or hypertext software, but only so long as *EITHER*: [*] The eBook, when displayed, is clearly readable, and does *not* contain characters other than those intended by the author of the work, although tilde (~), asterisk (*) and underline (_) characters may be used to convey punctuation intended by the author, and additional characters may be used to indicate hypertext links; OR [*] The eBook may be readily converted by the reader at no expense into plain ASCII, EBCDIC or equivalent form by the program that displays the eBook (as is the case, for instance, with most word processors); OR [*] You provide, or agree to also provide on request at no additional cost, fee or expense, a copy of the eBook in its original plain ASCII form (or in EBCDIC or other equivalent proprietary form). [2] Honor the eBook refund and replacement provisions of this "Small Print!" statement. [3] Pay a trademark license fee to the Foundation of 20% of the gross profits you derive calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. If you don't derive profits, no royalty is due. Royalties are payable to "Project Gutenberg Literary Archive Foundation" the 60 days following each date you prepare (or were legally required to prepare) your annual (or equivalent periodic) tax return. Please contact us beforehand to let us know your plans and to work out the details. WHAT IF YOU *WANT* TO SEND MONEY EVEN IF YOU DON'T HAVE TO? Project Gutenberg is dedicated to increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form. The Project gratefully accepts contributions of money, time, public domain materials, or royalty free copyright licenses. Money should be paid to the: "Project Gutenberg Literary Archive Foundation." If you are interested in contributing scanning equipment or software or other items, please contact Michael Hart at: hart@pobox.com [Portions of this eBook's header and trailer may be reprinted only when distributed free of all fees. Copyright (C) 2001, 2002 by Michael S. Hart. Project Gutenberg is a TradeMark and may not be used in any sales of Project Gutenberg eBooks or other materials be they hardware or software or any other related product without express permission.] *END THE SMALL PRINT! FOR PUBLIC DOMAIN EBOOKS*Ver.02/11/02*END*